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Catherine Vasseur (Traducteur)Andrés Trapiello (Préfacier, etc.)
EAN : 9782710331469
320 pages
La Table ronde (01/04/2010)
3.92/5   12 notes
Résumé :

Au cours d'un reportage sur les Russes réfugiés à Paris, le journaliste espagnol Chaves Nogales rencontre Juan Martinez. Ce danseur de flamenco lui raconte comment, après avoir triomphé dans des cabarets d'Europe centrale, sa compagne Sole et lui se sont fait surprendre en Russie par la révolution d'octobre 1917. Faute de pouvoir quitter le pays, ils en ont subi les rigueurs, et celles de la sanglante guerre civile qui a s&#x... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
C'est par le plus grand des hasards, comme seule la vie permet de rencontrer un danseur de flamenco ou le sourire d'une femme, que je me trouve là à errer dans les rues de Montmartre, d'Istanbul ou de Petrograd. A chaque fois, mes pérégrinations suivent le flots de mes fuites. S'échapper, pour éviter la première guerre, de la place du Tertre, se retrouver aux portes de l'Asie en pleine soulèvement turc avant enfin de poser mes chaussures de danseurs de flamenco au pays des soviets. Et là encore, c'était sans compter sur cette grande machine du temps qui compose L Histoire. Être là au mauvais moment dans le mauvais endroit.

Et être à Petrograd en octobre 1917 ne fut donc pas de tout repos, pour l'âme, pour la conscience, pour la peur. Alors que les mitraillettes pétaradent dans les ruelles où les corps s'entassent, dans les caniveaux s'écoulent le sang rouge d'une révolution bolchevik. du rouge, vif, carmin, noir. du sang. Que de morts, de massacres, aveugles ou vengeurs. Dans les deux camps. Les rouges contre les blancs. Les blancs contre les rouges. Comme un jeu d'échec. Les villes, à force de sang coulé, deviennent rouge puis repassent blanche, redeviennent rouge... Ainsi va l'époque en Russie. Et au milieu de tout ça, tourne le jeu de Juan Martinez qui danseur de flamenco ou croupier de casino, tente de survivre entre quelques coupes de champagne et effeuilleuses pour nuits russes et bourgeoises.

Je n'ai pas l'habitude de tutoyer L Histoire, préférant souvent la géographie des histoires et des mots, et pourtant quel grand moment j'ai vécu de Petrograd à Kiev, de Kiev à Odessa, fuyant la boucherie d'une guerre, un roman passionnant, cette révolution russe vécue de l'intérieur par un danseur de flamenco. Un roman riche, en histoires et en rebondissants comme malheureusement en massacres. Petit aparté : mieux aurait valu que coule à flot la vodka blanche plutôt que le sang rouge, la philosophie vue d'un passionné d'alcool. J'en frémis, j'en souris même si je n'ai pas le sourire d'une danseuse de flamenco ou d'une andalouse.
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Juan Martinez était un Espagnol, danseur de flamenco, qui gagnait sa vie en se produisant, avec sa femme et partenaire Sole, dans des cabarets et sur des scènes de théâtres. Leur vie de saltimbanques les mène à Istanbul en 1914. Après le début de la guerre ils se mettent à l'abri en Russie et ils sont à Saint-Pétersbourg quand éclate la révolution. Ce récit raconte les difficultés rencontrées et les conditions de leur survie pendant la guerre civile.

Fuyant les bolchéviques, Juan et Sole se réfugient en Ukraine, à Kiev, territoire conquis plus tardivement par les révolutionnaires. Dans la ville c'est une ambiance de fin du monde. Les plus riches flambent leur fortune dans les tripots et bradent leurs bijoux pendant que le peuple meurt de faim. Autour les combats font rage et la ville passe alternativement des mains des Blancs à celles des Rouges, puis de nouveau aux Blancs et encore aux Rouges... Chaque changement est l'occasion de règlements de compte.

Au milieu de cela Juan Martinez fait feu de tout bois pour survivre. Quand il ne peut plus danser il devient croupier de casino et ajoute divers trafics à cette activité. Apolitique il s'efforce d'avoir toujours de bonnes relations avec les puissants du moment. En ce qui concerne leur comportement, massacres et exactions, il renvoie chaque camp dos à dos.

L'auteur, Manuel Chaves Nogales (1897-1944) était un journaliste espagnol. Il rencontre Juan Martinez au cours d'un reportage sur les Russes réfugiés à Paris. le double jeu de Juan Martinez paraît en 1934 sous forme de feuilleton dans le journal Estampa. le récit présente parfois des épisodes fantastiques qui me donnent l'impression d'être des rumeurs relayées sans recul mais le fond est très crédible qui montre les grandes violences de la révolution et de la guerre civile. Je retrouve des informations déjà lues dans des ouvrages plus historiques. C'est un livre qui m'a intéressée et que j'ai trouvé facile à lire.


Lien : http://monbiblioblog.revolub..
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Quel plaisir que ce roman totalement atypique, sur les (mes)aventures d'un couple de danseurs de flamenco improbable coincé en Russie en pleine révolution soviétique. Mélange de pure cocasserie et de grande tragédie humaine, ce roman est une très belle découverte. Je recommande!
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critiques presse (1)
LeFigaro
17 mai 2017
Le point de vue [de Juan Martínez] est irremplaçable. (...) Aucune
volonté de donner des leçons de morale ou de politique.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Les artistes recevaient cent roubles, le diner et du champagne à discrétion chaque fois qu'ils prenaient part à une soirée privée du fameux cabinet. Au cours de l'une de ces bringues, je bus une bouteille de cognac Martell bras dessus bras dessous avec un officier ; nous nous étions mutuellement engagés à ne pas nous lâcher avant que l'un de nous roule par terre. C'est lui qui tomba, naturellement. Moi, personne ne m'a encore fait tomber. Cela m'a grisé, je dois dire, et j'ai commencé à plaisanter avec les autres artistes. Il y avait, dans le choeur des gitans, une pépée épatante pour laquelle je me suis quelque peu emballé. Sole se fâcha, et là, devant tous les aristocrates, me flanqua une gifle qui me dessoûla sur-le-champ. Loin de s'offusquer, ces messieurs se mirent à rire de bon cœur. Ils ont beaucoup apprécié. Moi non.
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C'est à Moscou, dansant en pantalon court sur la scène d'un cabaret et buvant du champagne à discrétion, que je vécus les dix fameux jours qui bouleversèrent le monde ; autrement dit la prise du pouvoir par les bolcheviks.
Après la tournée en Ukraine, refroidis par la mine patibulaire des paysans, nous décidâmes de nous réfugier à Moscou. Si la campagne russe était peuplée de brutes capables de tout, il nous semblait impensable qu'une ville civilisée pût devenir le théâtre de grandes atrocités. En septembre et octobre 1917, la gaieté et l'insouciance y régnaient encore. Le gouvernement de Kerenski était extrêmement permissif ; les cabarets et les maisons de jeux avaient fleuri durant l'été. Pendant que l'argent y circulait allègrement, les miséreux attendaient aux portes des boulangeries. Mais les russes sont accoutumés à ce genre de contrastes.
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Dans une rangée de corps, je reconnus un artiste du cirque. Un poignard était fiché dans sa poitrine, et l'un de ses pieds était déchaussé. Nous savions qu'il avait été tué par un voleur, lequel lui avait ôté sa chaussure pour en extraire le bracelet d'or dissimulé à l'intérieur. Dans une pièce plus petite située à côté de l'amphithéâtre avaient été entassés des cadavres démembrés par les bolcheviks. Un autre tas était composé de troncs et de têtes. Au centre de la pièce se trouvaient un billot et une hache. Dans l'urgence de l'évacuation, les bolcheviks avaient fait porter à l'amphithéâtre les cadavres des prisonniers fusillés à la hâte dans les sous-sols de la Tcheka pour qu'ils y soient dépecés afin d'empêcher leur identification. Les gens s'approchaient de ces masses informes et, avec l'embout de leurs cannes, retournaient les chairs à la recherche d'un indice - une mèche de cheveux, une couleur d'yeux, un grain de beauté, une cicatrice, ou simplement une ceinture ou des boutons de manchette - qui leur permettraient de reconnaître un être cher.
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L'hiver avait été effroyable, et la fonte des neiges révéla l'étendue du désastre : sous les rayons du soleil, apparut la pourriture. Tout au long de l'hiver, les victimes du typhus avaient été abandonnées dans le caniveau par leurs propres familles ; aussitôt, les petits vagabonds couraient les dévêtir ; puis la neige tombait, recouvrant les cadavres d'un immense suaire. Au printemps, les morts fleurirent dans les rues d'Odessa. Des rigoles couraient aux abords de nombreuses maisons ; avec le dégel, les eaux s'écoulaient sur les charognes pourrissantes.
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On s'imagine que mourir est une chose compliquée et difficile. On s'imagine les exécutions comme un événement terriblement solennel. Pas du tout. Les bolcheviks tuaient en toute simplicité, sans y accorder la moindre importance ; parce qu'ils pensaient qu'il fallait tuer.Je vous assure qu'évoquer ces souvenirs aujourd'hui m'émeut bien plus qu'à l'époque des faits. Nombre d'histoires effroyables ont circulé à propos de la Tcheka. Il se peut qu'elles soient vraies. Les tchékistes, à l'époque de la terreur, ont commis tous les actes qu'ils s'attribuaient - et bien d'autres encore. Ce qui n'est pas vrai, c'est la pompe terrifiante dont on suppose qu'ils s'entouraient. Je les ai côtoyés de près. Plus tard, j'ai lu des récits de leurs crimes, j'ai vu des films qui les représentaient. Tout est faux. Ce qui aujourd'hui nous bouleverse n'existait pas. Ils assassinaient, oui. Mais pas comme on le croit. C'était beaucoup plus naturel, beaucoup plus simple.
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