De cet ouvrage très technique et destiné à un public averti, j'ai obtenu un aperçu assez complet des questionnements théoriques de
l'hypnose, dans ses rapports conflictuels avec la psychanalyse – tout au moins tels qu'ils l'étaient à la fin des années 70 lorsque le texte a été rédigé, et dans l'insuffisance des études expérimentales neurologiques et psychologiques, alors presque exclusivement américaines et encore très
influencées par le behaviourisme. Chertok, qui dès 1963 avait commis le traité de référence sur
l'hypnose en France, encore aujourd'hui réédité, était lui-même psychanalyste, donc pas en rupture avec ce paradigme, contrairement, je crois, à
François Roustang qui se « convertira » bientôt à
l'hypnose ; son intérêt portait surtout sur l'analgésie hypnotique et les pathologies psychosomatiques, et il tentait d'y allier une solide expérimentation scientifique. Ennemi de tout dogmatisme, il insiste ici sur l'état encore embryonnaire des connaissances sur le fonctionnement ainsi que sur les principes aussi bien psychologiques que physiologiques de la discipline, il met en avant la nécessaire vérification de ses postulats et il prône une recherche théorique et expérimentale appelée à apporter des progrès sur le traitement des maladies mentales, sur l'action du psychisme sur les appareils physiologiques ainsi qu'à donner des lumières sur le mode d'action des psychothérapies, notamment par l'élaboration d'une « théorie des affects ».
L'ouvrage, qui possède un plan assez déstabilisant, se compose de deux parties : la première, intitulée « Expériences », se concentre sur deux aspects : l'analgésie hypnotique et la vésication – provocation d'une réaction cutanée de brûlure à la suite d'une induction hypnotique. Bien que des apports théoriques et des conclusions importantes soient tirés de ces pages, il s'agit surtout d'analyse de deux cas.
La seconde partie est à l'évidence composée d'articles théoriques assez indépendants, d'où découle cependant, à les lire attentivement, une ébauche de problématique générale et un cadre assez clair des enjeux de
l'hypnose pour l'auteur, dans ses rapports à la psychanalyse et à la biologie. Les chapitres, de longueur et accessibilité variables, portent les intitulés suivants :
- « Une réactivité psycho-physiologique modifiée »
- « Hypnose et suggestibilité »
- « Applications thérapeutiques »
- « Hypnose et hystérie »
- « Hypnose, relation, transfert »
- « Un peu d'histoire »
- « Le processus psychothérapique »
- « L'affect »
- « Un héritage embarrassant »
- « Dilemme psycho-biologique »
- «
L'hypnose de demain ».
L'Épilogue est suivi de deux annexes :
L'Annexe 1 : « Recherche expérimentale sur l'analgésie hypnotique » a permis de comparer la tolérance à la douleur dans l'intensité perçue et dans la durée, entre veille et hypnose et entre sujets analgésiques et non-analgésiques ; elle a permis aussi de redéfinir les échelles de mesure des niveaux d'hypnose.
L'Annexe 2 : « Étude expérimentale du vécu de
l'hypnose » a permis de corréler critiquement la susceptibilité à la suggestion et la capacité d'entrer dans un état de conscience modifié : cette dernière s'avère être distribuée « normalement » dans la population ; contrairement à l'idée reçue, les sujets les plus facilement hypnotisables sont les plus sociables, les plus ouverts et ceux qui sont doués d'un plus grand ascendant, et ce indépendamment de l'expertise de l'hypnotiseur ; je suppose qu'aujourd'hui on revient à de plus grandes attentes vis-à-vis de ce dernier, notamment dans l'adéquation entre le profilage du sujet qu'il est capable de réaliser et la technique d'induction conséquente qu'il va lui appliquer.