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Marguerite Capelle (Traducteur)
EAN : 9782383610908
304 pages
Globe (12/01/2022)
3.87/5   75 notes
Résumé :
L’offre est brute, directe : C’est 30 000.
30 000 euros pour quitter Lagos et le désespoir qui tue.
30 000 euros pour atteindre l’Europe débordante de richesses.
Une dette à laquelle s’ajoute le loyer qu’il faut rembourser par mensualités en travaillant dix heures par jour dans une rue du quartier chaud d’Anvers.

Sisi, Ama, Efe et Joyce ont quitté le Nigeria, animées par cette volonté universelle : survivre pour se construi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (43) Voir plus Ajouter une critique
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Chika Unigwe propulse le lecteur dans les pas de jeunes femmes nigérianes prostituées à Anvers. Elle sont quatre toutes originaires de Lagos où elles ont été « recrutées » par un riche proxénète à qui elles doivent rembourser 30.000 euros pour le passage en Europe plus le loyer en Belgique. Elles ont beau partager le même appartement surveillée par Madame ainsi que le même quotidien sordide derrière les vitrines d'un quartier chaud, elles se connaissent si peu … jusqu'à l'assassinat de l'une d'elles, Sisi. Sous la pression émotionnelle et le choc de cette mort, elles vont sortir de leur anonymat autoprotecteur et oser dévoiler leur histoire.

L'auteur a rencontré de très nombreuses prostituées nigérianes en Belgique. de ces recherches, elle a extrait quatre personnages aux parcours très différents afin de couvrir le large spectre des expériences :
- Sisi,au brillant parcours universitaire mais qui n'est parvenu à se hisser à la hauteur de ses rêves sans réseau. Ce sont ses déceptions qui l'ont vaincue et à réduit à la défaite tout en étant bien décidé à narguer le destin.
- Ama, la fille de bonne famille, victime de l'hypocrisie d'un milieu très religieux
- la très jeune Efe, qui doit subvenir aux besoins de son fils resté au pays
- Joyce, une réfugiée soudanaise qui après l'horreur de la guerre pensait avoir trouvé l'amour et le confort.
Dans cette impitoyable typologie, toutes ont en commun d'avoir choisi de migrer poussées par la conviction profonde que l'alternative consistant à ne pas quitter Lagos aurait été pire que ce qu'elles vivent à Anvers.

Chika Unigwe a l'oeil du journaliste, son sens du détail mais son roman a la présence d'une oeuvre d'écrivain. Tissant ses phrases d'idiomes ibgo et de pidgin nigérian ( langue vernaculaire de type créole à base de lexique anglais ), elle propose une propose une prose souple et dynamique qui explore avec lucidité les nombreux facteurs qui ont poussé de jeunes femmes à se prostituer en Europe en offrant des visages au fléau de la traite d'êtres humains. Elle ne juge jamais, ne porte jamais un regard moralisateur et emporte le lecteur sans recours au sentimentalisme ou au sensationnalisme que le sujet aurait pu revêtir. Mais elle décille les yeux sur des situations auquel le monde occidental préfère éviter de penser ou en parle avec une insensibilité insouciante.

Ce roman n'est pas là pour faire pleurer sur ces femmes, refusant de les présenter comme des victimes passives d'un odieux système d'exploitation sexuelle et financière. Elles ont perdu leurs illusions mais veulent survivre avant tout, animées par la volonté de prospérer et de dépasser ce qu'elles ont subi, ce qui leur confère une puissante dignité, à elles qui en sont dépouillées derrière leurs vitrines. Leurs voix s'échappent des pages sans sur-analyse, avec verve et humour même, dans ce récit brut et mélancolique bouillonnant de vie et de vitalité. Un regard rare sur la migration féminine trop souvent cantonnée aux sujets de société à l'abstraction colorée.

« Parfois je me dis que ma vie est un peu comme un dentier. le monde voit ce que tu lui montres : Clean teet', blancheur Colgate. Mais tu sais qu'en dehors tes vraies dents sont toutes pourries ! »
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Un petit mot tout d'abord, pour un grand merci.
Merci à toutes et tous pour vos marques d'amitié. Je suis déjà parti, puis revenu, je ne vous prometterais donc rien cette fois-ci, si ce n'est d'avoir toujours le même plaisir de partager et d'échanger avec vous. Merci à vous !

J'en profite pour vous souhaiter une très belle année aussi bien sur le plan littéraire que personnel.

Et maintenant, je voulais vous parler d'un de mes premiers coups de coeur de l'année...

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"Fata morgana" ou le mirage de la liberté.

Fuyant leurs existences sans horizon, elles verront leurs rêves se briser derrière une vitrine du quartier chaud d'Anvers.
À travers le destin de 4 femmes nigérianes, c'est la condition de la femme africaine qui est exposée dans une langue vibrionnante de beauté et d'espérance.

Elles n'avaient rien à perdre et pensaient avoir tout à gagner. Certaines d'entres elles fuient la misère ou l'oppression, d'autres n'acceptent pas leur condition toute tracée et une existence loin du "paradis" occidental qui semble leur tendre les bras. Partir de Lagos, quitter le Nigéria est leur seule motivation. Toutes les quatre sont jeunes et "passionnées pour rêver".
Ama, Efe, Joyce et Sisi ne sont pas amies, mais deviendront soeurs par solidarité et par nécessité.

30 000€ sera le prix à payer de leurs "rêves boiteux", à rembourser par mensualités, "après, vous serez libres" leur avait dit Dele, homme d'affaires nigérian, passeur par "bonté". L'addition sera encore plus injuste.

C'est le meurtre de l'une d'entre elles qui les amènera à repenser leur situation inextricable. Quatre parcours de femmes africaines que nous fait revivre Chika Unigwe dans une langue foisonnante, mêlant argot et différents dialectes retranscrits dans le texte, donnant une vivacité à son écriture. Sa plume se fait poétique et pleine d'humanité pour conjurer la tragédie qui s'annonce et le désespoir qui les étreint.

Comme dans un miroir grossissant sur le destin de quatre migrantes, le reflet de l'exploitation humaine n'est jamais ignoré, mais est enfin donné un visage et une parole à ce rêve commun à toute l'humanité, rempli d'autant d'espoirs que de cruautés, celui de survivre et de vivre une vie meilleure que celle qui nous a été attribuée.

Un grand roman de cette rentrée, paru le 12 janvier.
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Fata morgana, de Chika Unigwe, aux éditions Globe.
Traduit de l'anglais (Nigéria) par Marguerite Capelle.
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Joyce, Ama, Efe et Sissi partagent la même maison à Anvers. Ce sont des africaines venues trouver en Europe l'argent qui leur manquait en Afrique. Mais pour cela , elles doivent vendre leur corps.

Très belle histoire, qui nous plonge dans les méandres de la prostitution et de ses réseaux. Mais ce sont surtout quatre portraits de femmes qui ont avec plus ou moins de fatalité accepté de rejoindre l'Europe dans l'optique d'y rester le moins longtemps possible , au péril de leur honneur , de leur santé.

Leurs parcours sont détaillés, et ce qui fait le sel de cette histoire , ce sont ces chemins différents empruntés , ces vies si éloignées qui finissent toutes dans une vitrine à Anvers.

De plus, il y a une belle plongée dans l'Afrique , le Nigéria plus précisément, très exotique, très dépaysante. Avec un langage local très équivoque contribuant à sublimer encore plus l'intérêt du livre.

Ces femmes sont très attachantes, emplies de résilience ; le livre est rythmé, sans temps mort et malheureusement cette fiction ne doit pas s'éloigner de trop de la réalité de milliers de femmes .
Une très belle lecture , où l'on navigue nous aussi entre l'abattement, l'espoir,les pleurs et le rire, où l'abject côtoie la force de caractère de femmes que l'on pourrait croire hors du commun mais qui ne font finalement que refléter la rage de vivre .
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Efe, Joyce, Sisi, trois prénoms d'emprunt pour ces femmes dépossédées de tout, de leur liberté, de leur passeport, et contraintes de s'exhiber dans ces vitrines du quartier chaud d'Anvers.
On sait également que Sisi vient d'être victime d'un meurtre.

Comment en sont-elles arrivées là ? Les récits alternatifs vont nous l'apprendre. Des enfances différentes les uns des autres, et en dehors de Joyce, on n'est pas dans le contexte d'une fuite motivée par la guerre. Sauf que la vie au Nigeria ne fait pas de cadeau. Avoir un bagage universitaire n'est pas suffisant pour offrir à ses proches parents le logement décent qu'ils souhaitent. Echapper à une morne vie de labeur précaire et mal payé, c'est ce que leur fait miroiter l'infâme Dele, dont le trafic auto-proclamé import-export précipite les filles dans un piège infernal, dont elles ne pourront pas sortir. C'est un avenir d'esclaves sexuelles, qui les attend pour de nombreuses années.

On s'attache à ces femmes dont le destin semble inéluctable. D'autant qu'elles ont chacune à leur manière de grandes qualités humaines. Elles sont intelligentes, sous d'autres cieux, une vie digne aurait pu être possible.

On peut remercier l'auteur d'attirer l'attention sur des victimes, vendues comme objets sexuels, d'autant que l'on ne parle pas d'un époque révolue, on n'est pas au Moyen-âge, le récit est tout à fait contemporain. La compassion et la colère émergent du roman qui nous rappelle à quel point un énorme travail reste à faire pour que les femmes quelles que soient leur origine et leurs histoire accèdent à la dignité.

308 pages Globe 21 janvier 2022
Sélection Mars Prix Elle

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Les Editions Globe ont fait très fort avec cette rentrée hivernale 2022. Premier roman publié en France de Chika Unigwe, celle-ci est pourtant considérée comme l'un des cinq auteurs africains les plus importants de ces dix dernières années. Après avoir lu « Fata Morgana », je comprends mieux le pourquoi de ce constat.

Sur les thèmes difficiles de la migration, de la prostitution, des violences faites aux femmes, Chika Unigwe en tire un magnifique roman, à la fois terriblement réaliste mais aussi émouvant.

On y fait la rencontre de 4 jeunes femmes nigérianes qui se retrouvent à devoir se prostituer dans le quartier rouge d'Anvers. Lors de la mort de l'une d'entre elles, elles reviennent petit à petit sur le passé. Car malgré leur cohabitation dans un logement sordide, elles ne se connaissent pas ou prou. Hormis leurs différences, elles ont un point commun : avoir cru en un rêve européen qui au final, à virer au cauchemar.

Qui n'est jamais passé par ces rues où des jeunes femmes s'affichent dans des vitrines ou sur des trottoirs et dont la seule chose que nous faisons est de baisser les yeux comme si elles n'existaient tout simplement pas?

L'auteure ne fait aucun ambage sur la vie que ces femmes, venant de milieux très différents, doivent vivre, souvent désillusionnées face à leur quotidien, dans la misère sociale. Au travers d'un travail de rencontres avec ces travailleuses du sexe, c'est une immersion totale dans ce milieu, souvent glauque et oublié et pourtant, en ressort un roman lumineux.

On ne peut être que stupéfait par la force mentale qu'ont ces femmes, devant cette adversité de la vie. On est bien loin des stéréotypes qu'on peut avoir à leurs sujets, vues comme de simples victimes de la traite d'êtres humains. Elles sont maîtresses de leurs vies malgré le manque d'étendue pour de réelles perspectives. le lecteur ne peut que s'attacher aisément à ces personnages.

La plume de l'auteure est très fluide à lire, qui est parfaitement retranscrite par la traduction de Marguerite Capelle. Elle a fait le choix de garder certaines phrases en dialecte pour « faire entendre la couleur et la texture de ceux-ci ».

Pour ceux qui se demanderaient ce que veut dire le terme de « fata morgana », il s'agit d'un phénomène optique qui résulte d'une combinaison de mirages.
Lien : https://www.musemaniasbooks...
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critiques presse (4)
LaPresse
23 mai 2022
Ce deuxième roman de Chika Unigwe donne une voix inédite à ces migrantes africaines contraintes à la prostitution en Occident – un rare portrait troublant de vérité et issu des rencontres de l’autrice avec des travailleuses du sexe nigérianes lorsqu’elle vivait en Belgique.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Premier roman de la Nigériane Chika Unigwe à paraître en français, Fata Morgana raconte les trajectoires riches en drames et en rêves de quatre prostituées africaines échouées sur les trottoirs d’Europe occidentale. [...] Un roman poignant et puissant.
Lire la critique sur le site : RadioFranceInternationale
Le livre est né de plusieurs mois d’enquêtes que l'auteur a menées auprès des prostituées, afin de mieux comprendre les trajectoires, les motifs familiaux et personnels qui poussent les femmes nigérianes à partir en Europe faire le commerce de leurs corps. Le résultat est une plongée époustouflante de vérité dans le nu de la vie, dans un style qui mêle avec brio le pathos et la verve.
Lire la critique sur le site : RadioFranceInternationale
Telerama
04 mai 2022
Pour quitter la mégapole nigérianne et sa misère, il faut payer. Quatre jeunes filles qui croient en une vie meilleure en font les frais dans “Fata Morgana”, le premier roman traduit de Chika Unigwe. Un récit choral éprouvant et engagé.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Le monde était exactement telle qu'il devait être. Ni plus, ni moins surtout. Elle possédait l'amour d'un homme bien. Une maison. Et de l'argent à elle – tout frais tout neuf, d'un vert absolument radieux – le seul faite d'y penser la ragaillardit et, sous l'effet d'une bouffée d'excitation, elle se mit à fredonner.
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Les trois femmes ne sont pas certaines de ce qu’elles représentent l’une pour l’autre. Réunies par le sort et par un homme tonitruant nommé Dele, elles sont liées par une sorte d’amitié diffuse. À l’aise avec le peu qu’elles savent les unes des autres, elles ne posent pas de question sans y être invitées, partagent des rires sincères et de la musique dans leur salon, se jouant de la vie qui leur a appris à exploiter l’atout que Dieu leur a coincé entre les jambes. Elles décortiquent les hommes qui viennent les voir (les hommes qui passent des heures à s’agiter sur ou sous elles, à malmener, tripoter et agripper leurs fesses brunes pour finir – la plupart du temps – par se servir de leurs doigts pour y enfoncer leur propre chair pâle) et les dénigrent bruyamment. Et désormais, avec la nouvelle qu’elles viennent d’apprendre, les voilà liées par quelque chose de si définitif qu’elles ont peur d’en parler. C’est comme si en tournant autour du pot, en esquivant le sujet, elles pouvait faire comme si ça n'était jamais arrivé.
Pourtant, Sisi occupe leurs pensées
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Efe s’approcha d’elles d’un pas chancelant, se plaignant d’avoir mal à la plante des pieds à force de danser. Elle n’aurait pas dû mettre des talons aussi hauts.
« Mais tu portes toujours des talons hauts ! Tu te plains aujourd’hui, mais tu les remettras demain, la taquina Sisi.
– Avec ma taille là, si je porte pas des talons, je vais paraître comme point final par terre ! »
Efe n’était pas si petite que ça. En tout cas, pas beaucoup plus que Sisi, qui se considérait comme « de taille moyenne ». (La « moyenne » se traduisait sur son passeport par un mètre soixante-quatorze.) Mais c’était la moins grande des quatre, et cela lui donnait des complexes.
« Tu n’es pas petite, Efe. C’est juste que tu aimes tes talons hauts ! »
Les talons hauts et les perruques étaient la marque de fabrique d’Efe. Ama la surnommait l’Imelda Marcos des perruques
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Dehors, le chien d’un voisin aboie. Son propriétaire lui dit de se calmer, il est bientôt prêt pour leur promenade. Les dames dorment peut-être encore, dit-il. Chut.
Mais les dames ne dorment pas. À l’intérieur, Efe, Ama et Joyce sont rassemblées dans une pièce peinte de langues de feu. Elles sont assises sur un long canapé, dont le revêtement noir s’est défraîchi avec le temps tandis que la structure elle-même cède presque sous leur poids cumulé. Le mur contre lequel il est placé est un peu frais, et quand elles s’appuient contre le dossier elles sentent le froid dans leur cou. Elles ne parlent presque pas, un profond silence les ensevelit comme un tombeau et remplit la pièce au point de ne laisser de place à pratiquement rien d’autre. Le silence est une énorme éponge qui absorbe l’air...
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« Comment t’as fait ton compte pour cramer le riz, Sisi ? Pas moyen de ravoir cette foutue casserole !
– Je comprends pas ce que t’as, Ama, et laisse-moi en dehors de ça. Je sais pas qui t’envoie mais fais comme si tu m’avais pas vue, par pitié. » Elle balança le torchon dont elle s’était servie sur son épaule et leva les mains en signe de reddition. « J’ai pas envie de me battre abeg.
– Va te faire voir. Allez dégage, t’as qu’à aller faire une de tes grandes balades ! » La voix d’Ama était une tempête sur le point d’éclater.
Sisi avança d’un pas vers Ama et allait dire quelque chose quand Efe intervint : « Les filles, les filles, c’est une magnifique journée. Faut pas la gâcher ! Make una no ruin am ! » Elle espérait qu’il ne pleuvrait pas ce jour-là.
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Vidéo de Chika Unigwe
Dans ce roman haletant et débordant d'une énergie vitale, Chika Unigwe raconte avec verve, grâce et passion la trajectoire de ses héroïnes malmenées par la vie, mais bien décidées à prendre leur avenir en main. Elle livre ainsi un regard rare sur la migration au féminin, le prix du déracinement et la brutalité du rêve occidental.
« Fata Morgana » de Chika Unigwe Traduit de l'anglais (Nigeria) par Marguerite Capelle
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