Par-delà l'assonance de son titre, l'objet de cet essai très souvent cité dans les bibliographies de critique sociologique du travail, ce sont les mécanismes d'introduction de la souffrance par l'organisation néolibérale du travail ainsi que (principalement) les mécanismes défensifs collectifs et individuels qui permettent de l'exercer et/ou de la tolérer sans que le sentiment éthique des responsables n'en soit entièrement atteint.
L'ouvrage, fort dense et souvent complexe, se fonde sur le concept de banalisation du mal dû à
Hannah Arendt (et un peu aussi à celui de distorsion communicationnelle de
Jürgen Habermas) ; il est donc très ancré dans la réflexion philosophique plutôt que dans la clinique (de psychologie du travail) qui pourtant est évoquée et dont on s'attendrait à un poids prépondérant compte tenu de la formation ainsi que de la profession de l'auteur.
Manquent par conséquent très gravement des cadres de référence concrets relatifs aux conditions professionnelles étudiées (sauf un peu dans le ch. II: "Le travail entre souffrance et plaisir"), sans doute dans un souci de généralisation (et d'abstraction) qui, s'il appelle à un sentiment d'adhésion (d'identification?...) fréquent, provoque par moments la frustration d'un excès d'exercice abstrait s'appliquant à des évidences.
Dans la densité et la complexité, cependant, l'on se nourrit d'une substance abondante et fertile.