Comme à l'accoutumée Jonathan Coe nous réjouit en nous inondant sans compter de son fabuleux talent.
Il représente ce que l'Angleterre peut apporter de meilleur à l'humanité. Enfin, je module, compte tenu des circonstances actuelles (!) .... car, je ne voudrais pas que cette assertion puisse paraître réductrice, vu que ce remarquable auteur est ce que la littérature propose au monde de plus talentueux.
Jonathan Coe, un auteur qui possède la plume la plus humoristique, la plus acérée, la plus lumineuse et la plus tendre aussi, ..... quand il le veut bien !
Et ici, pour notre plus grand plaisir, il nous fait explorer le coeur de l'Angleterre avec de vieilles connaissances : Benjamin, sa soeur Loïs, ses amis Doug et Philip, enfin tous ceux (ou presque) qui nous avaient enchantés dans Bienvenue au club et le Cercle fermé !
Il y ajoute Sophie, la fille de Loïs dont nous allons suivre le parcours largement chamboulé à l'image de cette Angleterre des années 2010, ainsi qu'une galerie de personnages représentatifs de la multiplicité culturelle de la société anglaise.
Cette analyse féroce de la société anglaise, brillamment entreprise dans Testament à l'anglaise, poursuivie, quoique de façon plus feutrée dans Bienvenue au club et le Cercle fermé, il l'achève ici de façon magistrale avec ce coeur de l'Angleterre qui clôt ainsi (temporairement sans doute) presque cinquante ans de bouleversements sociétaux.
Jonathan Coe décortique, dissèque, autopsie avec vigueur cette Angleterre malade, qui souffre depuis les années Thatcher de la mondialisation effrénée d'une société en mal de fric, en mal de profits immédiats laissant peu à peu en bord de route tous ceux qui n'appartiennent pas au cénacle des requins possédants et qui deviennent ainsi victimes de la rapacité de cette frange, certes minime, mais ultra dominante de la société !
Il explore sans fard le mal-être de la société anglaise, ce mal-être qui s'applique peu ou prou à toute la société européenne et qui, au Royaume-Uni a pris le visage du Brexit, dont Jonathan Coe expose les raisons en romancier, mais aussi en sociologue. Certes, il n'apprend rien de vraiment nouveau au lecteur, mais il a l'art de mettre en évidence avec une clarté aveuglante les multiples facettes du malaise social et les fractures qui divisent de plus en plus les citoyens, créant ainsi des zones de conflit de plus en plus nombreuses et dangereuses.
Et ce coeur de l'Angleterre est irrigué par la finesse et l'intelligence de Jonathan Coe qui raconte son pays avec jubilation, lors de l'évocation de la cérémonie d'ouverture des jeux olympiques de 2012, avec humour lors des rencontres entre Doug, le journaliste politique et l'inénarrable Nigel, "communicant" au cabinet du Premier Ministre, avec tendresse également en rappelant l'amertume, désirs inassouvis, rêves enterrés, mais aussi la douceur du temps qui s'écoule et l'éternel espoir qui anime le coeur des hommes.
Quel ouvrage magistral !
Commenter  J’apprécie         280
J'ai été déroutée par le début du dernier roman de Jonathan Coe, le Coeur de l'Angleterre. Je ne me suis pas perdue parmi les nombreux personnages, mais il m'a fallu du temps pour discerner les liens qui les unissent. Je n'avais pas lu les deux premiers tomes de cette trilogie qui s'étale sur une vingtaine d'années et dont les personnages semblent avoir vieilli en même temps que l'auteur ; ceci explique peut-être cela, même si les trois tomes sont autonomes. J'ai eu besoin d'une petite fiche pour prendre mes repères…
**
Le récit se situe en Angleterre, entre 2010 et 2018. L'auteur nous fait suivre de nombreux personnages de milieu sociaux ou culturels différents et aux intérêts divers, voire divergents, dont la vie va se trouver grandement influencée par la politique en général et la question du Brexit en particulier. Le roman débute immédiatement après l'enterrement de la mère de Benjamin, Sheila. Colin, le père de Benjamin, évidemment bouleversé, se montre encore plus grognon que d'habitude. Paul, le frère de Benjamin était présent, mais ils ne se parlent plus depuis six ans. Loïs, la sœur de Benjamin, et Sophie, sa nièce, les rejoignent dans le moulin où vit Benjamin depuis qu'il s'est résigné à la rupture d'avec Cicely, la femme dont il est amoureux depuis toujours. Doug Anderton, journaliste plutôt à gauche, arrive à son tour, inquiet pour son vieux copain qu'il n'arrive pas à joindre au téléphone. Il entretient une relation, disons, distendue, avec Francesca, sa femme. Coriandre, leur fille, fréquente l'université où enseigne Sophie ; elle méprise le mode de vie et les compromissions de son père. Pour sa part, Benjamin, comptable à la retraite et écrivain prolixe, mais non encore publié, commence à peine à apprécier ce que lui apporte la maturité. Les personnages secondaires se greffent évidemment sur ceux-ci. Citons Nigel Ives, communiquant champion de la langue de bois et des éléments de langage, proche du pouvoir, source de Doug, parfois officielle mais pas toujours ; Sohan, Sri-Lankais et homosexuel qui entretient avec Sophie une solide relation d'amitié ; Ian, le moniteur d'auto-école qui deviendra le mari de Sophie, et Helena, sa mère dominatrice et absolument dépourvue de la moindre empathie, pas même capable d'apprécier l'extrême gentillesse de Grete, sa femme de ménage lituanienne ; Charlie, ami d'enfance de Benjamin, devenu clown se produisant dans des goûter d'enfants tout en se débattant dans une situation matérielle et une aventure sentimentale difficiles.
**
Ces personnages permettent à Jonathan Coe de donner à voir l'Angleterre contemporaine et ses dissensions. Les divergences politiques, les conflits de générations, les différences de milieux sociaux, les frictions avec les minorités quelles qu'elles soient, la rectitude politique, le manque de sens moral de nombreux politiciens, la nostalgie qui habite ces cinquantenaires, les difficultés auxquelles se heurtent leurs enfants, etc., alimentent la plume de l'auteur pour le plus grand plaisir de ses lecteurs. Si le propos est la plupart du temps extrêmement sérieux, l'humour qui sous-tend tout le texte désamorce ou exacerbe de potentiels conflits, particulièrement en ces temps de Brexit. Certaines scènes m'ont vraiment fait rire… Les rencontres de Doug avec Nigel Ives, la panne sexuelle de Benjamin qui les conduit, sa partenaire et lui, dans un placard, les coups de griffes au milieu universitaires et à l'hyper spécialisation des sujets de thèses, les repas du dimanche chez Helena entre rires, larmes et engueulades feutrées, et d'autres encore. J'espère lire les deux premiers tomes de cette trilogie, et je suis sûre de me régaler encore une fois. Bref, un magnifique roman !
Commenter  J’apprécie         274
Un excellent roman pour comprendre ce qui a tiraillé les Anglais dans les années 2010, jusqu'à amener une très courte majorité à voter pour le Brexit auquel les gouvernants ne croyaient pas une seule minute... Austérité, nationalisme, immigration, rejet d'un certain "politiquement correct"... ce roman questionne la société anglaise sur ses divisions, et toutes les sociétés européennes par la même occasion.
Commenter  J’apprécie         250