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Être noire, être femme, être versée dans les plantes et la guérison, pas facile facile. Et quand en plus c'est le temps de l'esclavage... Et pourtant, elle était libre...
Quelle femme ! Vivre et survivre alors que tout et tous s'y opposent, c'est quand même un genre de miracle. Elle n'a de place nulle part : elle est noire parmi les blancs, femme parmi les hommes et sorcière pour tous, maléfique ou bénéfique selon ce qui arrange ceux qui l'entourent. Mais elle reste fidèle à elle-même : faire le bien, sans dieu pour la guider, ou alors les dieux de la nature, s'il en faut.
C'est un roman d'une grande force évocatrice, à la fois de la puissance de la nature, de la porosité des mondes visibles et invisibles. Tituba vit mal à Boston puis Salem car la nature n'y est pas clémente (sans parler des hommes et des femmes de la communauté puritaine qu'elle rejoint). C'est aussi un roman très sensuel, Tituba refusant de considérer son corps comme trop vieux pour l'amour ; mais elle sera punie à chaque fois. Comme si l'époque n'était pas encore là, où les femmes peuvent disposer de leur corps comme elles l'entendent, avec qui elles le souhaitent. Comme si l'époque ne pouvait accepter les êtres tels qu'elle : libre de toutes attaches ou attachées à qui elles veulent. le roman le dit plusieurs fois, d'ailleurs que le temps des noirs n'est pas venu ; alors celui des femmes noires... le roman a un regard féministe, sans que l'on sache si Condé parle du temps du roman ou de celui de l'écriture du roman. Mais pourquoi choisir ? Les messages en sont bien souvent encore actuels. On peut aussi se demander à quel point Condé ne s'est pas projetée dans le personnage de Tituba, peut-être en se posant comme une lointaine descendante spirituelle, tant certaines des pensées et des paroles du personnage pourraient être celles de la romancière qui le redonne vie et lui offre une histoire personnelle, elle totalement occultée des chroniques des procès de Salem.
Et ce qui ne gâche rien, le rythme, le ton, l'intrigue, tout cela habille l'histoire d'un très bel habit de fiction. Qui font de Condé une très bonne couturière. Ou sorcière tissant des sortilèges de ses mots pour capturer le lecteur et la lectrice.

Challenge Plumes Féminines 2019-20
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1692, lors du tristement célèbre procès de Salem, Tituba avoue ses actes de sorcellerie et dénonce d'autres femmes afin de garder la vie sauve. Sa peau est foncée, elle est jeune, esclave, née à la Barbade, malmenée et humiliée, échouée dans ce milieu puritain et raciste de Salem, où la femme est peu de chose et la religion écrase. Mais qui est Tituba ?
Dans ce roman où se mêlent étroitement réalité et fiction, Tituba est une voix. La voix d'une femme victime des Hommes, partagée entre l'amour et la liberté, l'humanité et le ressentiment, torturée par son envie de vengeance alors que ses dons de guérisseuse la poussent au contraire. La voix d'une femme différente, clairvoyante et profondément juste, digne et engagée, une femme forte au destin implacable, une femme que l'écrit réhabilite pour ne pas oublier ces périodes sombres et cruelles de l'Histoire.
De sa naissance  à ses premiers émois, de sa survie à son exil, de ses choix à ses regrets, de ses amours aux trahisons, de ses désirs, de ses espoirs à la réalité, de la violence à l'apaisement, de son regard lucide à sa résignation, de sa force à ses doutes, les mots sont ceux de Tituba, forts et vifs, sans concession tel le cheminement âpre de son existence.
Ce roman porté par une plume envoûtante est absolument passionnant
***
Pour poursuivre les découvertes sur cette triste période historique, une magnifique et très intéressante exposition est actuellement visible au Musée d'Orsay 
"Le Modèle Noir - de Géricault à Matisse " - 26 Mars au 21 Juillet 2019
Lien : http://aufildeslivresblogetc..
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Je découvre Maryse Condé avec ce titre. On peut dire qu'elle n'a pas volé son prix Nobel ! Sa plume est remarquable d'élégance. le récit est construit de manière très linéaire, façon 19e siècle. On y suit les mésaventures de Tituba, esclave à la Barbade, femme libre d'esprit malgré tout, et un peu sorcière. Bientôt vendue par son maître, elle embarque pour Salem aux Etats-Unis où elle sera bientôt prise dans tourmente de la chasse aux sorcières. Les mésaventures de Tituba se succèdent et dressent un portrait terrifiant de la condition d'esclave et de femme au XVIIe siècle. L'histoire s'inspire largement de faits réels, Tituba apparait d'ailleurs parmi la liste des sorcières citées dans les archives du procès de Salem que l'autrice a épluchées pour réaliser son roman. Avec Moi, Tituba sorcière, Maryse Condé, militante féministe et indépendantiste guadeloupéenne par ailleurs, nous conte la nécessaire histoire des vaincues... A lire absolument !
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Passionnant !

Maryse Condé s'est appuyée sur des archives réelles pour en tirer ce roman littéralement magique !

Tituba nous raconte sa vie à la première personne : sa conception, son enfance, brève période de bonheur entre sa mère et son mari, un homme bon et généreux, bien qu'esclave lui aussi. le drame qui l'amène à être prise sous l'aile de Man Yaya, sorcière qui l'initiera à sa magie. Son union avec John Indien et les malheurs qui en découleront, à commencer par cet exil à Salem où elle sera emprisonnée et accusée de sorcellerie, son retour final à la Barbade. Et là, j'ai tout dit, et rien dit en même temps, car le mystère et le charme de ce roman ne tiennent pas aux événements qu'il décrit mais à ce qui est contenu sous la surface des choses.

Entre roman fantastique et roman historique, sincèrement, le fantastique pèse bien davantage, et c'est ce qui m'a le plus séduite dans cette lecture.

J'ai adoré.
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Malheureusement, je suis passée un peu à côté de ce livre qui pourtant bénéficie de nombreuses critiques élogieuses.

Pourtant, l'histoire de Tituba a tout : rebondissements, injustices, méchants détestables, un peu de surnaturel et une héroïne peu commune.

Je pense avoir été gênée par un récit qui ne se place ni vraiment dans la réalité, ni vraiment dans l'imaginaire de Tituba. Je ne parvenais pas à distinguer les faits dans ce conglomérat...
Le style de Maryse Condé, bien que poétique et riche en vocabulaire, ne m'a pas aidée à dépasser cette gêne, bien au contraire. Trop de métaphores peut-être.

Bref, je suis passée à côté.
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Ce livre n'est pas particulièrement émouvant mais il est intense. On souffre, on vibre, on est en colère comme Tituba. L'écriture nous plonge dans un monde injuste où les hommes sont arrogants, les femmes des vipères, les blancs des monstres égoïstes. Tituba a bien conscience que sa condition de femme noire est la plus dure à tenir. Qui plus est, elle est sorcière, donc accusé de tous les maux par les blancs et crainte par ceux qu'elle soigne. Elle restera d'un bout à l'autre quelqu'un "à part", une sorte de tabou.

C'est une lecture qui transporte dans une époque dure, un monde que l'on oublie pas si facilement, le livre refermé. Une lecture envoutante et rude, empreinte d'un humanisme universel !

Lien : http://diamme.wordpress.com/..
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Ayayayeuh ... Je me sens si mal de ne pas avoir eu un coup de coeur pour ce livre ...

J'ai vu (sur booktube) et lu (partouuuut) tant de critiques élogieuses et passionnées que j'ai l'impression d'avoir un coeur de pierre et un niveau de conscience lamentable en sachant que j'ai été exaspérée tout le long du bouquin par la personnalité de Tituba.

Certes les faits énoncés sont intolérables , il est utile et nécessaire d'aborder ces sujets pour que l'ignorance la violence et la bêtise humaine régressent (car c'est intemporel) mais ... je n'ai pas du tout accroché au style de l'auteur , tout à la fois lyrique (enfin ce n'est pas le terme mais je ne parviens pas à trouver les mots justes ... ) et cru.

Alors oui, l'impression de cercle sans fin de la bêtise et de la violence est bien rendue (j'avais parfois l'impression d'avoir entre les mains une marmite pleine de sang et de boue où surnageaient parfois certains personnages avant d'être replongés dedans ...)(... et puis en mettant un peu de tout dans la marmite hein : hop des esclaves, des femmes, des juifs, mêlant une cause et l'autre , les mettant au même niveau pour faire un gruau à la fois mélodramatique et confus/indigeste ...) mais pfffff il m'a manqué un peu d'attachement pour l'héroïne ou je ne sais pas ...

Elle m'a tant saouuuléééée à chaque choix qu'elle faisait ...
Et ce dès le départ : se priver de liberté pour suivre John l'indien, purée mais baaaam dès le début elle m'a crispée ...
Et puis (attention Spoiler) vers la fin, le pompon : coucher avec son fils "adoptif" non mais rhaaaaaa ...

Alors je ne suis pas idiote je me doute bien que comme cela est précisé dans l'épilogue en fait elle représente plus qu'une simple humaine et que concrètement elle est tout au long du bouquin, et de plus en plus vers la fin , davantage une sorte de symbole qu'une femme de chair et de sang et que concrètement certaines des actions énoncées sont plus symboliques que factuelles... mais je suis un peu bas-du-front et dans un premier temps les faits me frappent davantage que leur portée symbolique ...

Tout le long du bouquin j'étais plutôt du côté des mémés fantômes (Ateba, Man yaya ,etc ) qui soufflaient et râlaient chaque fois que Tituba se re-engluait presque volontairement dans des situations pourries ...

Certes ce bouquin attise l'envie de se renseigner et de combattre toujours plus fort les injustices et la violence (là où il échoue à mon sens c'est qu'il ne prêche que pour les convaincus, son côté exaspérant n'est pas à mon avis très utile pour faire changer d'avis ou même seulement titiller les autres ... ), mais pour ma part (pour toutes les raisons énoncées plus haut) je suis restée très extérieure au récit ...
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Il y a bien des angles sous lesquels on peut lire, analyser, critiquer, disséquer, Moi, Tituba sorcière..., que nos commentateurs modernes ne se prieront pas d'aborder ("féministe", "post-colonial", etc.). Je l'ai lu, d'abord, comme un réquisitoire contre l'imbécillité et l'hypocrisie du puritanisme.

Les puritains du XVIIIème siècle (dont il reste encore de beaux résidus outre-Atlantique et en d'autres coins du monde) étaient les Daech de l'époque : sous couvert d'une soi-disant supériorité morale, ils réduisaient en esclavage, exploitaient, tuaient, en promettant aux infidèles de brûler dans quelque arrière-monde de leur invention. Leur délire religieux était tout à la fois une négation du monde, de l'être humain et de la vie.

L'idée, géniale, de Maryse Condé, est d'opposer à ces puritains non pas une sorcière dans le sens occidental du terme, c'est-à-dire une faiseuse de sorts et de messes occultes : ces sorcières-là ne sont que l'envers des puritains, le côté obscur de leur religion. Au lieu de cela, l'auteure fait vivre une sorcière au sens 'africain' du terme, c'est-à-dire une femme qui soigne, qui conseille, qui vit en même temps à l'écart et au centre de la communauté, mais toujours les deux pieds dans le monde.

Certaines critiques déclarent que le roman flirte avec le fantastique, notamment quand Tituba convoque les esprits et discute avec eux. Il me semble que dans la métaphysique de Maryse Condé, la sorcière est au contraire un personnage du réel, de la vie : si elle voit ce qui est caché, c'est qu'elle voit plus haut et plus loin, mais toujours à l'intérieur de la réalité, dont les esprits et les morts font partie. Ce sont les puritains qui vivent en dehors d'elle, aveuglés par leurs visions d'enfers et de paradis, effarés par leur peur de Dieu qu'ils transforment en haine de l'homme.

Ah oui, et c'est excellemment bien écrit.
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Les vies s'enchevêtrent. Les peurs immémoriales et les vieilles tentations refont surface avec une violence dont Tituba et quelques autres seront les victimes expiatoires toutes désignées.
Un roman cruel et sardonique.
La toute jeune Tituba, fille de l'esclave Abena va devoir affronter très jeune la haine et la rancoeur des hommes et va devoir affronter et accepter dans sa chair et dans son âme la mise à mort de sa mère après qu'elle a voulu tuer son maître d'un coup de couteau. Nous sommes à la Barbade au XVII siècle. C'est de cet acte de haine que Tituba va devoir fuir et dans sa fuite elle va rencontrer une femme, Man Yaya qui va la prendre sous son aile et va devenir sa seconde mère. Elle va d'une part lui enseigner l'art de guérir avec les plantes et d'autre part elle va l'initier à une connaissance plus haute « le monde des morts » et comment communiquer avec eux. Man yaya n'est pas éternelle, elle va mourir et peu de temps après Tituba succombera au charme de John Indien. Elle le suivra malgré les mises en garde des esprits de sa mère et de Man yaya jusqu'à Boston puis au village de Salem où elle sera l'esclave d'un nouveau maître, le révérend Samuel Parris. Ce choix, de suivre John Indien va l'entraîner dans la tourmente du procès des sorcières de Salem.
La romancière Maryse Condé se délivre du poids d'une Afrique qu'elle porte dans son coeur et dans ses entrailles. Elle fait craquer tous les vernis pour nous donner un texte riche et amer. C'est un récit dur et sec comme cette terre ingrate de Salem. Crépitant de phrases sans fioritures, Tituba scintille de couleurs et charrie des mots, des images, des phrases sinueuses et sensuelles. Elle dévoile aussi une magie qui nous émerveille dans sa correspondance qu'elle a avec les esprits.
Mais ne nous égarons pas Tituba est une combattante et une résistante car « ceux d'entre nous qui ne sont pas venus au monde armés d'ergots et de crocs, partent perdants dans tous les combats.
Salem est une ville ténébreuse, une ville pieuvre, une ville puritaine, une ville piège car elle sera prise dans les mailles de ses filets. Ses habitants voient peu à peu en Tituba une sorcière. Elle est emprisonnée comme une sorcière dans une cellule sombre et insalubre. Elle la partage avec une jeune femme Hester. Malgré l'amitié d'Hester, la prison laissera à Tituba une impression ineffaçable.
Quelques mois plus tard Hester n'est plus. le coeur de Tituba se brise. Puis elle est employée dans les cuisines de la prison. Cuisiner présente des avantages certains car son esprit demeure libre. En 1693 on ouvre les portes des prisons et on déclare un pardon général. Sa joie la possède entièrement mais qui se soucie d'elle ? Un homme, un commerçant que l'on dit extrêmement riche qui est vraisemblablement en relation avec les Antilles, il symbolise ce que Tituba espère…. Un retour à la Barbade .
Non, décidément ce roman n'est pas désespéré. Une justice immanente s'y réfléchit. Après la prison de Salem une nouvelle vie commence pour elle, c'est ce qu'a voulu raconter Maryse Condé pour la réhabiliter et surtout pour l'arracher à l'oubli auquel elle a été condamnée.

Lien : https://leschroniquesdecoco2..
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Un sujet trop rarement abordé à mon goût.

Un livre à découvrir, une belle écriture.

Un bon moment de lecture.
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