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EAN : 9782600023733
Droz (01/01/1949)
3.04/5   12 notes
Résumé :
Ce livre est une oeuvre du domaine public éditée au format numérique par Ebooks libres et gratuits. L?achat de l?édition Kindle inclut le téléchargement via un réseau sans fil sur votre liseuse et vos applications de lecture Kindle.
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Déception !

C'est le sentiment général qui ressort de ma lecture de la première tragédie de Corneille. Et pourtant, je ne suis pas aveugle au point de croire que ma façon de lire la pièce n'a pas été influencée par le taillage en pièce qu'elle subit en préface, et également par l'examen sans concession de l'auteur lui-même, écrit des années plus tard et placée en introduction (comme pour toutes les pièces de Corneille).
Bref, avant d'attaquer on vous dit « c'est franchement pas terrible ! ». Comment ne pas en tenir compte, même inconsciemment ?

Essayons quand même de retirer des éléments personnels du sentiment général. D'abord, Corneille ne place son sujet ni dans la mythologie, ni dans l'Histoire, ni même dans son monde contemporain. le royaume est purement imaginaire et c'est un point faible pour moi : quand je lis du théâtre classique ou antique, je recherche avant tout une accroche historique ou mythique.
L'histoire n'a a priori rien de désagréable. On a là un de ces fameux polygones amoureux qui mène aux excès : deux femmes (Caliste et Dorise) aiment Rosidor. Dorise est rejetée et jalouse jusqu'à vouloir tuer sa rivale. Pymante aime Dorise mais elle le rejette. Jaloux, il compte bien éliminer physiquement son rival. La pièce attaque directement par les tentatives de meurtre. A l'époque Corneille se fiche bien des normes du théâtre qui deviendra « classique » ; il montre au lieu de raconter, et on a droit à des combats sur scène dans le style shakespearien. Il ne cache pas la violence : tentative de viol de Pymante sur Dorise, celle-ci lui crève un oeil !

Et Clitandre là-dedans ? Épris de Caliste, des indices vont l'accuser à tort de la tentative d'assassinat sur Rosidor. Son rôle est très effacé et ce sont finalement les deux « méchants » Dorise et Pymante qui tirent la couverture à eux.
L'histoire se termine bien ; la tragédie ne va pas au bout du tragique. C'est une fin dont j'ai eu du mal à avaler des morceaux. Comment croire que Caliste pardonne ai aisément Dorise alors que cette dernière a clairement tenté de lui ouvrir le ventre avec un poignard ? Que Dorise ait des remords, traumatisée qu'elle doit être par la tentative de viol sur sa personne, je veux bien le croire. Mais que la justice du roi la dédouane si facilement, lui offrant même Clitandre comme mari, c'est un peu gros tout de même. Pourquoi marier Clitandre et Dorise, d'ailleurs ? Ces deux-là ne sont pas amoureux et vont devoir apprendre à s'apprécier. Cela ressemble plus à une punition vu de ma fenêtre.

Au-delà de l'histoire, je n'ai pas pris beaucoup de plaisir à lire ces vers. Corneille en fait trop pour sa première tragédie. Ses personnages surjouent à l'excès leurs malheurs et hésitations dans de trop longues tirades (parfois plusieurs pages) qui m'ont lassé.

Tout n'est donc pas génial chez Corneille. C'est déjà une info importante.
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Sans doute jouée pour la première fois en 1630, la pièce est éditée en 1632, donc avant Mélite, sans doute le succès de cette deuxième pièce de Corneille étant moindre. Dans cette première édition, la pièce est définie comme une tragi-comédie. Dans le classement des genres, la comédie était considérée comme un genre mineur, la tragi-comédie comme un grand genre, Corneille souhaitait donc changer de catégorie. D'autant plus que dans la préface de la première édition, il fait état de critiques s'étant fait jour au sujet de Mélite : petit sujet sans grands effets, et non respect de la règle d'unité de temps (« règle d'un jour »).

Tout le long de sa carrière Corneille semble avoir été sensible aux critiques faites à ses pièces par « les doctes », ceux qui vont définir petit à petit ce que doit être une pièce de théâtre. Après la violente querelle du Cid, et la condamnation de sa pièce par l'Académie, il a arrêté d'écrire pendant plusieurs années, tout en faisant un travail théorique, en partant d'Aristote pour donner ses propres définitions.

Après le grand succès de Mélite, il aurait été sans doute plus logique de poursuivre par une comédie de la même veine (ce qu'il fera ensuite), mais Corneille tente une tragi-comédie, le genre en vogue à l'époque, tellement en vogue d'ailleurs qu'aucune tragédie n'est créée à Paris pendant quelques années. Genre qui va connaître une très rapide éclipse, avec une participation décisive de Corneille : le Cid, tragi-comédie atypique, va en quelque sorte dynamiter le genre, et participer au retour d'une tragédie renouvelée. Au point que dans l' édition de 1660, Corneille ne va plus parler de tragi-comédies, mais rebaptiser ses pièces, dont ce Clitandre, en tragédies. Et comme certaines des oeuvres qu'il écrit ne rentrent pas dans ce qu'il met derrière ce terme, il va même inventer un genre nouveau, celui de la « Comédie héroïque », qui ne connaîtra il est vrai que peu de succès, et qui à part deux pièces de Corneille, ne sera repris qu'une fois par Molière, dans sa seule pièce non comique, Dom Garcie de Navarre. Mais cela montre à quel point Corneille considérait la tragi-comédie comme complètement obsolète.

Clitandre ne semble pas avoir laissé un bon souvenir à Corneille. Il dénigre la pièce dans l'Examen qui l'accompagne dans l'édition de 1660, la pièce est aussi pas mal remaniée, elle ne semble pas avoir été jouée dans cette nouvelle version.

La pièce d'origine est en fait une véritable tragi-comédie, avec des lieux et actions multiples et spectaculaires, de nombreux personnages nobles ou royaux, et une fin heureuses avec deux mariages et le méchant puni. Les spectateurs pouvaient assister sur scène à des duels, une tentative de viol, un oeil crevé….Nous sommes loin de la sobriété de la tragédie dans laquelle tout se passe dans le discours, par la parole. La tragi-comédie était du grand spectacle, qui donnait à voir. Et Corneille est vraiment dans ce registre dans Clitandre. Même si sa pièce est bien plus sobre et cohérente que bien des tragi-comédies de l'époque, ce qui peut d'ailleurs expliquer son manque de succès.

Caliste est aimée de plusieurs hommes, dont Clitandre, mais elle lui préfère Rosidor. Ce dernier est aussi l'objet de l'amour de Dorise, la soeur de Caliste. Qui attire sa soeur en dehors de la ville pour tenter de la tuer. En même temps Pymante, amoureux de Dorise qui le dédaigne, contrefait l'écriture de Clitandre prétendant provoquer Rosidor à un duel, et déguisé tente de tuer Rosidor avec ses sbires. Rosidor défait ses attaquants, et Caliste échappe à Dorise. Ils se retrouvent, et vont dénoncer les complots dont ils ont été victimes au Roi. Qui fait arrêter Clitandre pour le faire exécuter. Dorise sauve la vie du prince, que Pymante voulait tuer. Les machinations de ce dernier sont éventées, et il sera exécuté ; Clitandre libéré, épousera finalement Dorise, qui est pardonnée.

Il est fascinant de voir avec quelle facilité Corneille se coule dans le genre de la tragi-comédie. D'autant plus, que contrairement aux pratiques de l'époque, il ne paraît pas avoir adapté un texte déjà existant, mais avoir inventé son histoire, avec sans doute quelques l'utilisation de thèmes divers alors à la mode. Peut-être que si le succès avait été au rendez-vous, Corneille aurait continué dans cette veine dans ses pièces suivantes. Il a finalement préféré revenir au genre de la comédie, avec lequel il avait connu un grand succès, et qui semble lui avoir réussi dans ses pièces suivantes. Avant de s'attaquer à la tragédie, mais c'est une autre histoire.
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Tragi-comédie annonce Corneille. Et c'est plutôt une comédie de cap et d'épée, qui joint le burlesque aux retournements de situation vraisemblables ou non.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
CLITANDRE : Va, tigre ! va, cruel, barbare, impitoyable !
Ce noir cachot n’a rien tant que toi d’effroyable.
Va, porte aux criminels tes regards, dont l’horreur
Peut seule aux innocents imprimer la terreur :
Ton visage déjà commençait mon supplice ;
Et mon injuste sort, dont tu te fais complice,
Ne t’envoyait ici que pour m’épouvanter,
Ne t’envoyait ici que pour me tourmenter.
Cependant, malheureux, à qui me dois-je prendre
D’une accusation que je ne puis comprendre ?
A-t-on rien vu jamais, a-t-on rien vu de tel ?
Mes gens assassinés me rendent criminel ;
L’auteur du coup s’en vante, et l’on m’en calomnie ;
On le comble d’honneur, et moi d’ignominie.

Acte IV, Scène 7.
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CLITANDRE : Malgré tous les mépris de cette âme cruelle,
Dont un autre a charmé les inclinations,
J'ai toujours du respect pour ses perfections,
Et je serai marri qu'aucune violence...
FLORIDAN : L'amour sur le respect emporte la balance.
CLITANDRE : Je brûle ; et le bonheur de vaincre ses froideurs,
Je ne le veux devoir qu'à mes vives ardeurs ;
Je ne la veux gagner qu'à force de services.
FLORIDAN : Tandis tu veux donc vivre en d'éternels supplices ?

Acte II, Scène 4.
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CALISTE (seule)
Qu'il s'en est bien défait ! qu'avec dextérité
Sa fourbe se prévaut de son autorité !
Qu'il trouve un beau prétexte en ses flammes éteintes,
Et que mon nom lui sert à colorer ses feintes !
Il y va cependant, le perfide qu'il est !
Hippolyte le charme, Hippolyte lui plaît,
Et ses traîtres désirs l'emportent où l'appelle
Le cartel amoureux d'une beauté nouvelle.
(Acte I, scène 3)
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PYMANTE
O honte! ô crève-coeur! ô désespoir! ô rage!
Ainsi donc un rival pris à mon avantage
Ne tombe dans mes rets que pour les déchirer,
Son bonheur qui me brave, et l'en vient retirer,
Lui donne sur mes gens une prompte victoire,
Et fait de son péril un sujet de sa gloire.
(Acte II, scène 1)
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Ô honte ! Ô déplaisirs ! Ô désespoir ! Ô rage !
Ainsi donc un rival pris à mon avantage
Ne tombe dans mes rets que pour les déchirer !
Son bonheur qui me brave ose l'en retirer,
Lui donne sur mes gens une prompte victoire,
Et fait de son péril un sujet de sa gloire !
Retournons animés d'un courage plus fort,
Retournons, et du moins perdons-nous dans sa mort.
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Vidéo de Pierre Corneille
Lecture par l'auteur
Rencontre animée par Marie-Madeleine Rigopoulos
« Ce livre est un ensemble de nouvelles autobiographiques, classées par âge de la vie, de la petite enfance à aujourd'hui. Ces nouvelles sont souvent, pas toujours, des mésaventures dans lesquelles j'éprouve peur et honte, qui me sont assez naturelles et me donnent paradoxalement l'énergie d'écrire. Scènes de gêne ou de honte, scènes de culpabilité, scènes chargées de remords et de ridicule, mais aussi scènes, plus rares forcément, de pur bonheur, comme celle qui donne son nom au livre, Célidan disparu : personnage à la fois pusillanime et enflammé d'une pièce de Corneille que j'ai jouée à mes débuts d'acteur, dont je découvris lors de l'audition pour l'obtenir, qu'il me révélait à moi-même, et faisait de moi un acteur heureux. »
Denis Podalydès
À lire – Denis Podalydès, Célidan disparu, Mercure de France, 2022.
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