Sud-Ouest et monde musulman

Le sud-ouest de la France, par sa situation géographique, est forcément proche de la culture ibérique puisqu'il suffit, par exemple, à un Aquitain de franchir les Pyrénées pour se retrouver en Espagne.
Christian Coulon, professeur émérite à Sciences-Po Bordeaux, s'est intéressé aux influences que le monde musulman a eues sur cette belle région durant le Moyen-Âge et le temps des croisades mais aussi à d'autres époques plus rapprochées.
En prenant quelques exemples d'expériences, de situations, de personnalités ou de faits historiques, il raconte les relations entretenues au cours des siècles entre ces deux cultures qu'à priori tout oppose.
Elles sont relatées sous forme d'anecdotes, parfois fort jolies, souvent méconnues, ce qui rend le texte vivant et accessible.
Trois thèmes sont développés de cette façon :

Voisinages, d'abord, qui aborde les influences réciproques dues à la proximité géographique et à l'expansion de l'Empire Ottoman.

Traversées, ensuite, qui traite des personnages historiques ayant fait le déplacement et qui ont exporté leur culture dans un sens ou dans l'autre. Sait-on, par exemple, que le comte de Toulouse créa un état occitan multiculturel au Moyen-Orient ou qu'un émir fut emprisonné dans le château d'Henri IV à Pau ?

Gourmandises mêlées, enfin, qui nous met en appétit en se penchant sur des plats métissés. L'auteur nous donne même sa recette d'un couscous gascon qui doit être un vrai régal pour les papilles gourmandes !

Dans une période où tout se passe comme si les relations arabo-occidentales n'étaient faites que de conflits, de violences, de différences insurmontables, il est important de souligner les rencontres, les inter-actions qui ont eu cours dans le passé.
Comme Christian Coulon, je citerai l'émir Ab el-Kader.
La croyance, c'est le "voile" qui nous "empêche de reconnaître autre chose que ce qui a été adopté par imitation", c'est elle qui "pétrifie l'esprit", elle nous empêche de voir et de comprendre. Pour atteindre la connaissance, il convient donc d'enlever ce "voile" que sont les "croyances aveugles".

"Il ne suffit pas de prétendre tolérer l'autre, encore faut-il le connaître, l'écouter, pour assumer ensemble l'épreuve de l'existence". Mustapha Cherif, L'Émir Abdelkader. Apôtre de la fraternité.

Un livre très agréable à lire, avec quelques belles illustrations, et riche d'enseignements et d'exotisme.
Merci à Babelio et aux éditions Cairn pour l'envoi de ce livre dans le cadre de l'opération Masse Critique.

Avant de lire cet essai, je savais qu'il y avait eu par le passé des influences arabo-musulmanes en occident. Mais je savais cela de manière vague, diffuse et générale.

Christian Coulon nous relate dans son ouvrage des récits précis, choisis et bien documentés. Cela commence au 8ième siècle, et se poursuit au fil du temps. Les personnages, qu'ils soient occidentaux ou arabes, se distinguaient de leurs contemporains par leur originalité, leur intelligence, leur ouverture d'esprit et leur curiosité.

J'ai choisi de ne pas lire cet essai dans l'ordre des chapitres, mais de me laisser guider par la curiosité que certains titres éveillaient en moi. Certains m'ont intéressée plus que d'autres, et si je devais n'en citer qu'un, ce serait l'histoire de la rencontre d'une jeune française, Aurélie Picard, avec un dignitaire d'une confrérie soufie du sud de l'Algérie.

L'histoire se passe au 19ième siècle. Ils se marient et partent s'établir en Algérie, où Aurélie a occupé une place importance au sein de la confrérie.
L'époux s'appelait Sidi Ahmed Tidjani.

Si ce chapitre m'a particulièrement intéressée, c'est que j'ai eu l'occasion, lorsque j'étais adolescente, de lire le très beau roman de Frison-Roche, « Djebel Amour », et qui relate justement cette histoire d'amour hors normes.

La dernière partie de ce livre s'intitule « Gourmandises mêlées », et là j'y ai appris des choses fort intéressantes. L'auteur conclut en nous livrant une recette originale de couscous à la mode du sud-ouest. Et pourquoi pas ? le couscous peut, à mon sens, se décliner selon les goûts et envies de chacun, en fonction de la région où il vit et les ingrédients disponibles. Certains le préparent en sauce rouge, d'autres en sauce blanche, avec tel ou tel légume, ou même pas de légumes du tout, et beaucoup de viande, ou pas de viande puisque le grain associé aux pois-chiches se suffisent à eux-mêmes, comme les plats végétariens. Il y a aussi le couscous au lait, avec pour seuls légumes du potiron et des pommes de terre, et de la viande de mouton salée. Il y a aussi le couscous au poisson, ou encore le rarissime couscous noir ( le grain est fabriqué avec du blé fermenté).

Bref, il y en a pour tous les goûts. C'est le plat qui se partage et se décline à l'infini !

Ce que l'auteur a voulu démontrer au fil des pages, c'est que depuis le haut Moyen Age jusqu'à nos jours, la frontière entre le monde occidental et le monde arabo-musulman n'a jamais été hermétique, mais poreuse. Il y a toujours des échanges, directement ou indirectement, une imprégnation culturelle qui a laissé des traces.
Apprendre à se connaitre, s'enrichir de la différence de l'autre et progresser ensemble...

Bonne lecture.

Lien : https://lebouddhadejade.blog..

Voilà un beau livre sur la tolérance et qui prouve que la connaissance de l'Autre efface bien des préjugés infondés.
Christian Foulon a choisi des exemples de relations entre le Sud Ouest et le monde arabo-musulman sans vouloir être exhaustif mais en donnant envie d'en savoir plus grâce aux références citées. J'ai donc appris que le duc d'Aquitaine avait donné sa fille en mariage à un gouverneur musulman, qu'un pape français Sylvestre II était féru de savoirs et en particuliers des sciences arabes, que le comté de Tripoli a été occitan etc... et pour citer l'auteur " ces histoires sont autant de haltes autant d'occasions de réflexion invitant au dialogue".