À l'origine publiée en allemand sous le titre "Der Unfall" (L'accident) , la bande dessinée "
Apprendre à tomber" de
Mikael Ross, scénariste et dessinateur, été traduite et publiée en France aux Éditions Sarbacane.
Je ne suis pas du tout surprise du très bon choix que cette maison d'édition a fait.
À mes yeux, son catalogue offre un panel d'albums d'une qualité certaine.
Je ne pense pas avoir lu beaucoup bandes dessinées ou de romans graphiques semblables. C'est déjà son premier atout. .
Mais venons-en à l'intrigue. Noël en est le personnage principal. Nous le découvrons justement au moment de Noël, où il prépare son anniversaire. On comprend très vite qu'il est handicapé et qu'il souffre de troubles mentaux. Il vit seul avec "Mamoune", sa maman, dans un grand immeuble à Berlin.
Mais malheureusement un jour, elle fait un AVC et est plongée dans le coma. le lecteur comprend très vite que sa situation est très critique.
Son handicap ne lui permettant pas de vivre seul, Noël est conduit dans un foyer, qui est en fait particulier. Il se situe dans le village de Neuerkerode en Basse-Saxe.
À partir de cet instant, nous, lecteurs, suivons son cheminement dans ce village atypique puisqu'il a été conçu -et existe dans la réalité- pour faire vivre ensemble tous types d'habitants, quels que soient leurs difficultés personnelles, leur âge, leur genre ou leur origine.
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Apprendre à tomber" retrace tout le parcours de Noël pour accepter sa nouvelle vie, qui, on le comprend vite, va être définitivement celle-ci.
Ce livre est aussi un moyen de découvrir tout le travail effectué et les choix opérés par l'institution de Neuerkorode depuis sa création.
À l'origine de la BD se trouve une volonté de célébrer les 150 ans de la Fondation.
Mikael Ross a effectivement accepté le projet de mettre en images et en texte la vie du village. Pour ce faire, il y a vécu en immersion, afin de mieux appréhender, par le concret, l'initiative aussi ambitieuse que folle, qui a vu le jour à Neuerkerode, à la fin du 19e siècle.
Cette fondation protestante
est née d'une volonté individuelle, puisqu'initialement, c'est le pasteur Gustav Stutzer, s'occupant déjà de garçons handicapés, qui a décidé ainsi que la fille de banquier Lobbecke de prendre en charge les soins apportés aux personnes réduites à l'Assistance publique.
Et dès cette époque, ils travaillèrent au nom de l'inclusion de la participation des personnes accompagnées sur place.
Cet ouvrage est selon moi un coup de maître car le lecteur vit avec Noël, à travers son regard d'ado- adulte-enfant, qui comprend et perçoit les choses à sa manière et au gré de ses rencontres. On y découvre les autres personnes accompagnées et responsabilisées au sein de cette institution.
Bien sûr, la vie n'y est pas toujours paisibles puisque chacun doit composer avec l'originalité de l'autre ; parfois dans le conflit, relativement violent, parfois avec patience et humour, souvent avec tolérance.
Cependant, on constate très vite que chacun de ces personnages grandit dans la coexistence avec l'autre.
Cette fiction totale est un véritable plaidoyer pour les efforts consentis par la Fondation protestante de Neuerkerode.
Bien que le sujet traité ne soit pas aisé, je n'ai pas pu lâcher le livre et, en peu de temps, je suis arrivée avec surprise à la dernière page, en regrettant de devoir quitter Noël et son petit monde, mais soulagée qu'il ait sa place dans un univers fait pour lui. La fin est porteuse de beaucoup de promesses.
À noter, enfin, les trois pages annexées, permettant de mieux connaître Neuerkerode et son histoire.