Un grand merci tout d'abord à Babelio et aux Presses universitaires du Midi pour ce livre reçu dans le cadre de l'opération Masse critique graphique « Glisser des beaux-livres sous le sapin ».
Première impression, à la réception du livre, j'ai regretté qu'il n'y ait pas plus « d'images », d'illustrations. Mais ce livre est une « compilatio », un assemblage d'études réalisées par des historiens, historiens de l'art et archéologues, présentées lors d'un colloque qui s'est tenu à Toulouse en 2017 et qui devrait être suivi à l'automne 2022 d'une exposition au musée de Cluny à Paris, intitulée « Les arts à Toulouse au 14e siècle ».
Par la suite, entrant dans la matière, j'ai eu l'impression de faire une incursion dans le XIVème siècle toulousain. Grâce au talent des auteurs, j'ai vu se dérouler devant mes yeux, disettes, épidémies de peste, incendies et inondations, démontage et remontage des enceintes de la ville. J'ai vu les armées du Prince noir aux portes de Toulouse et la population écrasée de taxes destinées à entretenir les troupes. Et assisté au renouveau de la tradition des troubadours, grâce aux Jeux Floraux, un concours de poésie, chansons et danses désormais en l'honneur de la Vierge.
J'ai pu relier des connaissances éparses jusque là pour moi telles que la guerre de cent ans, l'installation de la papauté à Avignon, ou l'essor de l'université à la période médiévale.
Certaines descriptions sont très visuelles, comme la translation des reliques de saint
Thomas d'Aquin en 1369. Les livres de comptes permettent de reconstituer les préparatifs de la procession qui sera grandiose. Les « grands » de l'époque participent au cortège, ce qui en ces temps de reconquête de territoires sur les Anglais revêt une dimension politique. C'est aussi l'occasion de frapper les esprits et d'affirmer la suprématie de l'Eglise sur l'hérésie.
La procession, dans un climat d'intense ferveur, se transforme en marche miraculeuse. Les fidèles, venus de tout le Midi, affluent. Ils veulent toucher les reliques du saint, placées sous un
dais avec des bandes de drap d'or. On a allumé 10 000 flambeaux, les soldats du duc d'Anjou veillent. On s'y croirait…
Le chapitre sur l'enluminure toulousaine au XIVème siècle est passionnant de bout en bout. L'histoire vraie du pauvre bachelier qui dérobe en 1374 « un manteau fourré de gris » et un manuscrit et « autres choses de petite valeur », ce pour quoi il sera condamné au pilori puis à la prison, nous indique la grande valeur d'un manuscrit à l'époque médiévale.
On y apprend à connaître les différents métiers du livre, parcheminiers, stationnaires et copistes, enlumineurs et peintres, dont les noms sont parfois connus, ainsi que les rues où ils étaient implantés ( rue des Pargaminiers, rue de l'Olm-Sec, rue des Ymaginaires), et que les livres avaient une grande mobilité, les étudiants les rapportant chez eux, à l'étranger, Belgique ou Angleterre.
J'ai été sensibilisée au problème de la déperdition des oeuvres qui témoignent du passé, car nombre d'ensembles architecturaux ont été détruits ou dispersés, chez des particuliers en France ou même à l'étranger. Ceci rend d'autant plus appréciable la mise à l'abri, par le premier conservateur du musée de Toulouse, lors de la Révolution, des magnifiques sculptures du Maître de Rieux.
Malgré le passage du temps, les études et la connaissance continuent de progresser.
Le développement de l'archéologie préventive a permis l'étude du vaisselier toulousain, vaisselle et verrerie, et laisse espérer de nouvelles découvertes. Des oeuvres restent encore à découvrir, ou à redécouvrir, tels les manuscrits cachés dans les tréfonds des bibliothèques.
Il m'est impossible de rendre compte de la richesse de cette « compilatio », d'un grand intérêt grâce à la diversité des sujets, et des angles d'études très variés intégrant le contexte historique, l'histoire des oeuvres, leur commande et leur commanditaire, l'histoire de leur restauration éventuelle ainsi que leur devenir en tant que collections de musée.
Au final, le haut niveau d'expertise des travaux n'aura pas été un obstacle, et je referme le livre, la tête pleine d'images, tout autant que de savoir. Je me suis sentie invitée à entrer dans
L Histoire par le biais de l'histoire de l'art tout autant qu'introduite au travail de ceux qui rendent possible ce voyage.
Enfin, le dernier mot sera pour les illustrations, magnifiques!