Difficile de critiquer ce livre. On sent l'auteur authentique. Elle sait de quoi elle parle et sa plume est belle. C'est déjà beaucoup;)
Mais malgré les seulement 159 pages du livre, on peine parfois à cause du manque d'intrigue.
En fait, ce sont des tableaux de l'univers carcéral. Bien décrits. Froids. Factuels. Ressentis. Mais sans trop de liens les uns avec les autres.
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Roman sur une gardien de prison et sur son quotidien. L'ensemble forme un tout très réaliste et bien construit. L'écriture est jolie (malgré quelques phrases, surtout au début, qui laissent perplexes et quelques expressions bizarres). La fin est un peu décevante mais les tableaux de la prison de la Santé et de Fresnes sont très intéressants.
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Le mieux que je puisse dire : on se cherche, on refuse de se trouver, on tourne. Les femmes n’ont rien à voir ici ; on en parle sans cesse mais un autre gouvernail maintient un autre cap. Je ne parle pas d’homosexualité, à tort peut-être, je ne sais pas dire encore. Je suis ethnologue débutant.
J’ai vu ça d’abord : les remontées de promenade, à heures fixes. C’est un ballet à la lenteur étonnante. Dans la cour les nouveaux qui descendent du quartier haut remplissent leur devoir de transmission : interrogations, informations. À ce que j’en ai compris, tout se sait pourtant, mais il leur faut dire et redire, sucer longuement les affaires du dehors qui viennent en déferlantes via le parloir.
On se persuade vite que l’enfance a disparu, où le bon pain a déjà été mangé. Ici le ciel n’est ni bleu ni calme ; à la première mise le gris gagne la partie.
On prend une douche le soir pour tuer cette odeur qui se colle aux pores. Mais la saleté s’incruste. Moi je me douche aux mots, le soir je note tout ce que j’ai observé : les us et coutumes, le rite deviné derrière le geste. Et derrière le rite, la conjuration.
Le nom des avocats, les peines encourues, les lettres reçues. Ils organisent aussi le trafic de cigarettes ou de shit, puis, en habiles danseurs de cordes, balancent les uns et les autres. Ils sont circonspects avec nous comme avec les détenus, habitants d’un univers de proximité successive ; tout le monde n’est pas doué pour ça.
Jamais les clés. Jamais la main. À l’école pénitentiaire, c’est l’interdiction annoncée dès le premier jour. Les peaux ne se rencontrent que pour un contact abrupt.
Le mystère donne du prestige, et le prestige, c’était mon cache-misère à l’époque.
La prison n’accroche pas que les détenus à son tableau de chasse. Elle nous fusille lentement, nous autres aussi.