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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
"C'était l'année où il prenait le métro d'un bout de la ville à l'autre, trois cents kilomètres de rail. Il aimait se tenir debout, à l'avant de la première voiture, les mains bien à plat contre la vitre. La rame fonçait dans le noir. Les gens, sur les quais des stations réservées aux omnibus, fixaient le vide, comme ils avaient appris à le faire depuis des années. Il se demandait vaguement, alors qu'il passait comme une flèche devant eux, qui étaient réellement ces gens. Son corps vibrait à l'unisson des vitesses de pointe. Ça allait si vite parfois qu'il se demandait si on n'était pas en train de perdre le contrôle. le bruit atteignait des stridences douloureuses qu'il acceptait comme une épreuve personnelle. Une autre courbe délirante. Il y avait une telle charge de métal dans ce vacarme qu'il pouvait presque sentir un goût de fer sur sa langue, comme celui que découvre un enfant en portant un de ses jouets à la bouche."

Cet incipit l'annonce, il y a de l'exaltation et du métal, inévitablement des armes, dans ce récit romancé de la vie de Lee Oswald, l'assassin (présumé) de JFK. Au départ, le livre suggère qu'il s'agissait de rallumer l'hostilité des exilés cubains envers Castro, frustrés après l'échec de la baie des Cochons, en commettant un attentat manqué contre le Président des USA, qu'on attribuerait aux communistes castristes. À la source, des anciens de la CIA, plus ou moins liés à Cuba, à ses ressources perdues, à quelques accès d'idéalisme trouble. le projet échappe finalement à ses initiateurs et au bout, il y a Oswald, cet ancien Marine instable qui oscille d'une vie à l'autre, du ratage au rêve d'être quelqu'un – Libra signifie en anglais le signe du zodiaque de la Balance –, Oswald qui se retrouve à une fenêtre du bâtiment des Archives d'Elm Street à Dallas, muni d'un fusil à lunettes. Un gringalet tout désigné devient l'ennemi numéro un du monde occidental. Il n'y survivra que deux jours. Don DeLillo opte cependant pour un deuxième tireur qui serait l'auteur du terrible impact au crâne du président, visible dans le film 8 mm d'Abraham Zapruder.

Une excellente fiction, plantureuse (650 pages Actes Sud Babel), qui s'attarde sur la dynamique complexe des ramifications de ce qui n'est pas à proprement parler une conspiration de têtes pensantes. Elle restitue un parcours plausible et sensible d'Oswald, crétin pas nécessairement antipathique, raconte le vengeur Jack Ruby et une constellation d'individus issus de milieu mafieux, d'activistes et trafiquants de drogue, avec la CIA et le FBI en toile de fond.

"...une suite d'incohérences qui parvinrent à prendre forme, à atteindre un résultat grâce, principalement, à la chance. Des hommes habiles et des imbéciles, des indécisions et des fortes volontés, et aussi des conditions atmosphériques."

Les cent cinquante dernières pages sont intenses, particulièrement si l'on a connu cette période où la mort violente de Kennedy et les enquêtes controversées marquèrent les esprits. Les dernières lignes prenantes vont à Marguerite, la mère d'Oswald, restée seule avec les fossoyeurs aux obsèques. Deux gamins ramassent un peu de terre en souvenir, lançant le nom de son fils : "Elle se sentait creuse à l'intérieur de son corps et dans son coeur".

Ce roman "ne se réclame d'aucune vérité littérale", ajoute dans une note Don Delillo, qui préfère y voir un refuge où l'on peut "trouver une manière de penser à cet assassinat, sans se voir imposer ces demi-vérités ou ces multiples possibilités, que charrie un courant de spéculations qui devient de plus en plus fort au cours des années. ("Libra" a été publié en 1988).

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Ô Don, Don… Réputé difficile à lire : eh ben c'est pô faux… Alors voilà du petit conseil pour se balader sereinement dans son Libra :
se rappeler que DeLillo peut, d'une phrase à l'autre, dire "il" en parlant d'une autre personne que le paragraphe précédent, quel taquin cet écrivain, mais bon, c'est un coup à prendre.
Noter le nom des trois personnages "de l'ombre", qui traficotent au début et établissent des plans dans de savoureuses discutions, avec les épouses notamment. Noter aussi qu'il peut les appeler par leur prénom, puis par leur nom de famille, puis par leur surnom, puis leur nom entier, comme ça, en changeant selon ses humeurs :
Walter, Everett, Win, c'est la même personne.
Larry, Laurence, Parmenter, itou.
Mackey, TJ, T Jay, idem.
Sans parler de notre Balance, (Libra en anglais), et ses noms, pseudonymes, noms d'emprunts, Lee, Oswald, O.H. Lee, mais aussi Alek puis Alik, Leon-comme-Trotsky, etc…
Se rappeler que le livre est construit en double pont (la première fois que j'ai vu cette alternance de chapitres présent/passé, c'était dans "Liberté pour les Ours" de John Irving), c'est aussi un coup à prendre : ici, en 1963, nos trois gars de la CIA, qui manifestement, se sont plantés en toute beauté lors de la Baie des Cochons et ont été gentiment écartés en guise de punition - et veulent encore se sentir actifs. Là, le petit Lee Oswald deviendra grand, ses errements au fil de sa drôle de vie si courte, depuis les années 40 de sa petite jeunesse, jusqu'au jour fatal où Jack Ruby l'abat en 63, end of the story à 24 ans à peine.
Et hop, yapuka plonger.
Et c'est du grand. Quel écrivain !

Quel boulot, d'abord. Un boulot de collecte, sur la vie d'Oswald : le ptit gars du sous-sol avec une môman pas douée pour l'amour ni l'attention, un grand frère qui sert de modèle en l'absence d'un pôpa mort trop tôt (Lee est le troisième de la fratrie, le deuxième fils de monsieur Oswald le bien-aimé, qui hélas est mort d'une crise cardiaque deux mois avant la naissance De Lee). Les années de collège, le ptit gars a un QI élevé (118 dit-on) mais il est dyslexique, pas foncièrement intégré - mais bah, il n'en fait pas une maladie, après tout, il avance. Les années dans la Navy comme le grand frangin, pas vieux, à 17 ans. Ça le trimbale du Japon à la prison militaire, allez, ce sont des expériences, il les vit. Résonnent dans sa tête des envies d'appartenir à un projet, un projet de monde meilleur. Il lit Marx, Trotsky, Lénine, il rêve du royaume des Soviets où ce monde est en train de s'épanouir en vrai, il veut en tâter. Il apprend le russe et se renseigne pour que son rêve devienne réalité - j'ai lu ici et là qu'il avait tout raté, et je ne suis pas d'accord. Il a été au turbin, il a confronté ses rêves à la vraie vie, il y a été avec son corps, son esprit, bille en tête et relativement honnêtement. En Urss après le cauchemar stalinien, l'ambiance est à la détente avec Kroutchev. Des petites histoires de rencontres avec quelques jeunes femmes, des femmes sur des terres lointaines, comme s'il ne se sentait pas d'appartenir au monde américain par sa sexualité ou ses amours. Puis Marina, bah il n'a que vingt ans après tout, c'est une rencontre comme on en fait à cet âge, pour elle aussi, rien de grandiose, des petites vies cocasses. le système soviétique ne lui convient plus trop, finalement. Il aurait aimé apporter sa pierre à l'édifice du bien des peuples, être ce héros qui donne tout à sa nouvelle patrie, mais sa nouvelle patrie ne sait pas quoi faire de ce petit gars étrange, alors elle n'en fait rien, voilà. Bon, disons que sa môman lui manque, puisque maintenant elle se préoccupe de son sort, et son frère aussi, alors il convainc Marina de s'essayer à l'Amérique. Exil pour elle, sacré exil, le petit bébé June est né, ils partent tous les trois pour la Nouvelle Orléans, allez, on va tâcher de faire quelque chose de sa vie. Mais bof, l'Amérique n'est pas non plus le paradis, nulle part c'est le paradis d'ailleurs. Sans être l'enfer pour autant. Ya un pays, ya des gens, et encore, à 20 ans, des rêves de gloire, des rêves de se montrer utile. Il n'a que 21 ans, 22 ans, le petiot.
Et là, il rejoint le "rêve" des trois ex-CIA sus-nommés. Un plan pour réveiller l'Amérique, qui se transforme en vengeance. le rêve de confectionner une réalité de fiction, de fictionner une histoire pseudo-vraie, de changer la face du monde mais à leur idée, en adaptant un conte à leurs actions de l'ombre. Dans le jeu des vrai-faux, il y a Don DeLillo lui-même, qui fictionne sur de vrais évènements en rendant réelles des zones d'ombres et s'amuse avec tout ça.
Le boulot.
D'autres personnages sont apparus, entre temps, et eux ont réellement existé : David Ferrie le très étrange corps sans poils qui se dessinait des sourcils et portait des moumoutes aléatoires, les photos qu'on trouve de lui me collent le malaise, c'est un très curieux bonhomme - qui se prend de tendresse pour le petit jeune kinanveu. Il est le pilote d'avion de Guy Banister et des anti-castristes, pour toutes les actions troubles.
Guy Banister en son fief de la Nouvelle-Orléans, ex-flic, ex-FBI, du genre suprémaciste blanc anti-communiste qui a participé à toutes les actions anti-castristes dont la Baie des Cochons, un vieil alcoolique violent. Il bosse avec le ponte de la mafia New Orleans, Carlos Marcello, appelé Carmine Latta dans le livre. La secrétaire de Banister, Delphine Roberts, a elle aussi existé.
George de Morenhschildt qui traverse l'histoire occidentale, de nazis en pontes communistes, russe et et plein d'autres choses, est ami avec la famille Bouvier et proche de la tante de Jackie Bouvier-Kennedy. Il prend aussi Oswald sous son aile, ainsi que Marina, parlant russe.
Le fasciste général Walters du sud suprémaciste.
Les mafieux Sam Giancana (de Chicago), Santos Traficante (de Cuba puis de Miami) et Jimmy Hoffa du syndicat des Camionneurs.
Et bien sûr, Jack Ruby. Encore un sacré bonhomme, avec ses chiens, ses stripteaseuses, ses lamentations...

Quant à nos trois ex-CIA du début, Win, Larry et T.Jay, qui ont foiré l'attaque de la Baie des Cochons, ce sont des noms inventés… Rien trouvé pour T.Jay, mais en farfouillant sur le net, pour Everett et Parmenter, je trouve qu'ils pourraient s'appeler Allen Dulles et Richard Bissell, respectivement directeur et responsable des opérations clandestines de la CIA. Et peut-être Franck Bender, directeur de l'opération de la baie des Cochons (merci Wikipedia). Allen Dulles fut congédié de son poste historique de directeur de la CIA. Son adjoint Richard Bissell fut envoyé à l'Institut d'Analyses de la Défense après avoir présenté sa démission. le Général Charles Cabell, chef des opérations de la Baie des C (et frère d'Earl Cabell, maire de Dallas de 1961 à 1964 tiens tiens), fut également limogé. Il était très rageur, ensuite, accusant Kennedy d'être responsable de l'échec.

Le boulot de recherches, donc. Et puis le talent littéraire. Comme Ferrie ou George, je l'aime bien maintenant, cet étrange Lee Oswald, grâce à Don Delillo. J'ai amèrement regretté qu'il soit tué si vite, le Patsy - le Patsy, ça veut dire le Pigeon, et c'est ce qu'il clame aux journalistes au poste de police de Dallas où il est enfermé, I'm just a patsy. Il venait d'avoir vingt-quatre ans, c'est pô ben vieux. S'il était resté en vie… J'ai lu dans un commentaire Babelio qu'il y avait de l'Etranger de Camus dans Lee Oswald, c'est super bien vu. Oswald au calme dans sa cellule protectrice, nourri logé, de la lecture, peu de contacts avec l'extérieur, des décennies d'enfermement, paisibles. Il est encore plus un étranger à sa propre vie que Meursault, tout en l'ayant menée comme il pouvait. Etranger au Japon, étranger en Russie et finalement, étranger aux USA, mais rien n'est grave. S'il était resté en vie…
Suis tombée sur les photos de quelques-uns de ces messieurs, morts. Ca ne plaisantait pas et ça ramène la "fiction" de Don DeLillo dans le réel (et ça fait froid dans le dos). Il n'use pas de la violence comme James Ellroy peut le faire, mais les faits se suffisent à eux-mêmes. J'ai bien aimé mon ordre de lecture : American Tabloïd et ses personnages de fiction, mêlés à cette troupe qui a vraiment existé (Guy Banister et David Ferrie, par exemple, y jouent un grand rôle) et qui s'arrête le 22 novembre 1963 à 12h29. Suivi de American Death Trip, qui commence le 22 novembre 1963 à 12h30 et se poursuit jusqu'en 68 avec les assassinats de Martin Luther King puis Bobby Kennedy. Et enfin, Libra. James Ellroy raconte qu'il a été soufflé par le talent de Don DeLillo et son Oswald si humain. Il a repris un peu la même construction, les mêmes fistouilles pour perdre le lecteur en le forçant à rester concentré. Et il évoque à peine Oswald dans ses deux pavés, ne voulant faire de l'ombre au Libra de DDL.
Théorie de DDL : l'idée primitive était de faire un attentat contre Kennedy, mais en le ratant. Un truc grandiose, qui aurait désigné Castro comme coupable, réhabilitant la CIA qui a empêché de justesse l'assassinat, vengeant ainsi les perdants de la Baie des Cochons à l'amertume vive… mais l'amertume était trop vive. Théorie de J.E. : tuer Jack Kennedy, c'était la plus féroce des punitions envers Bobby Kennedy, l'intransigeant Bobby qui faisait rien qu'à empêcher les capi de la mafia de mafieuser tranquillement.
Curieusement, c'est Libra qui m'a donné envie de plonger dans l'océan internet pour en savoir plus. J'avais fait des recherches pour savoir si les personnages de Ellroy avaient existé ou non, mais rien de plus. Tandis que là, j'ai mis des images sur tout le monde à part les personnages de fiction, j'ai rencontré Marina et Môman Marguerite, Robert le frère de l'un ayant tué le frère De Robert… J'ai même vu les petites Junie et Rachel, les filles d'Oswald, devenues grandes, et leur très curieux destin : comme dit Rachel, on est quatre sur terre qui avons les images de la mort de nos pères que nous avons si peu connus, des images qui ont fait le tour du monde : les deux enfants de JFK, et ma soeur et moi… J'ai rencontré le malsain David Ferrie, Jack Ruby la victime-coupable collatérale, les chefs de mafias, et ces photos de leur cadavre. Et j'ai suivi la liste des morts étranges d'après l'attentat, toutes ces fifilles stripteaseuses de chez Ruby qu'on a massacrées une par une, les témoins, les participants de loin, les participants de près. L'assassinat de Kennedy reste encore vibrant de tout ce mystère morbide, j'aime que ces grands écrivains se soient penchés dessus et nous livrent leur théorie à laquelle j'adhère. Au moins, pas de tireur unique. le reste coule de source. Sacrée époque. Philip Roth, dans sa vénérée American Pastorale située dans les années 60, ne parle pas de Kennedy. C'est troublant.
Finalement, j'ai envie de replonger dans les Ellroy avec tout ce que j'ai appris au passage. Mais aussi dans le 22.11.63 de Stephen King. Au fil des lectures et toujours passionnée, je vais devenir bientôt LA spécialiste internationale de Kennedy, la famille, de l'arrière-grand-père aux petits enfants, les épouses, et surtout les maîtresses de Jack mais aussi de Bobby, et même les amants de Jackie. Sinatra, les mafieux, Vegas. Marilyn bien sûr. Oswald maintenant. La Baie des Cochons, Hoover, la CIA, les haines explosées. Et le jour de l'assassinat. Si vous avez des questions…
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Pour Don DeLillo, l’assassin du président J.F. Kennedy se nomme certainement Lee Harvey Oswald. Cet homme avait vingt six ans au moment des faits. Comment ce garçon originaire de Louisiane, raillé et isolé dans sa jeunesse, va-t-il se retrouver à une fenêtre donnant sur la Dealey Plazza à Dallas le 22 novembre 1963 avec un fusil dans les mains et presser la gâchette ?

Le roman suit les étapes de son existence : engagé chez les Marines à dix sept ans, il se nourrit d'ouvrages marxistes. Le type taciturne prend de la consistance. Il quitte l’armée, s’exile trois ans en Union Soviétique où il travaille comme ouvrier métallurgique pour obtenir la nationalité ; en vain. Retour près de Dallas, avec Marina qu’il a épousée à Minsk.

Il n’a pas trente ans et son existence médiocre le déçoit. Il croit se forger un destin en assassinant un général à la retraite militant anticommuniste notoire. Echec. Tentative de retour à Moscou. Nouvel échec. Il espère rejoindre Fidel Castro, milite pour sa cause, infiltre un groupe anti castriste, part pour Mexico où demande un visa pour Cuba et un pour l’URSS. Echec au carré. Les boulots sans intérêts alternent avec le chômage. Marina attend une seconde fille.

Mais il n’est pas le seul dans cette histoire à attirer l’attention de DeLillo. Fait curieux, le KGB, le FBI et la CIA se sont intéressés au cas Oswald bien avant le crime qui a fait basculer l’Amérique. Il y aussi des activistes de tout bord qui gravitent autour de ce type, mutique et difficile à cerner. Parmi eux des hommes frustrés par l’échec de la Baie des Cochons ; ils montent cette conspiration contre le Président Kennedy. Le meurtre n’aura de sens que s’il est perpétré par un pro-castriste. Lee est partagé. Mais il se cherche un destin. Il sera leur homme. Un tireur parmi d’autres. Mais celui qui compte le plus car il sera la seule face visible de l’iceberg. Homme au tempérament secret, il est abattu par Jack Ruby avant d’avoir pu donner sa version du complot. Les autres disparaitront dans le sang et l’indifférence.

Avec DeLillo, son histoire devient le centre d’un roman de 650 pages. L’homme est suivi pas à pas. Alternent les vies de nombreux personnages qui auront un rôle dans cet assassinat qui se pose au sommet d’une pyramide, le croisement de destins variés dont le sens sera déterminé par le choix de Lee d’abattre Kennedy.

Lee est un damné. Un être maudit plus qu’un raté. Hanté par un idéal marxiste, il est fasciné par Kennedy. Pourtant il lui faudra accomplir un acte qui fera basculer la destinée de l’Amérique. Pour la nation fracassée par le crime de son président, il n’est qu’un meurtrier aux intentions troubles, assassiné trop tôt par Jack Ruby pour ait pu livrer toute son histoire.

Alors DeLillo livre son interprétation dans un livre qui se tient par lui-même. Ni biographie, ni roman historique. Il décrit plutôt les problèmes de couple, les obsessions d’une mère, l’exécution sur le bord de la route d’un chien devenu trop vieux, les disputes de couple, les états d'âmes de l'employé middle class, les blagues qui font rire les strip-teaseuses ... Le roman fourmille de ces vies qui s’entremêlent au hasard de l’existence ou parfois sur commande dans un réseau labyrinthique qui donne le tournis.

A vrai dire, pour lire ce roman, cela a été long. Libra a été même difficile à terminer. Peut-être parce que le sujet concerne une époque et un événement moins familiers. Avec le recul du temps (le livre a été publié en 1988) comment le prendre : témoignage ou invention ? Peu importe sans doute, mais il est difficile de repérer les lignes de forces narratives, les personnages clés.

Voilà peut-être le message de DeLillo quand il redonne sa véritable substance à l’existence – où en vérité les coups de théâtre sont assez rares.

Le roman polyphonique évolue très lentement vers ce moment de l’assassinat, sans aucune  construction savante ni le recours tragique à rouage fatal du destin. L'histoire est prise à rebours. Et ce qu'on y voit est plutôt une combinaison de facteurs non liés entre eux. Jusqu'à ce que Lee décide à un moment de prendre en main la situation et donner consistance à son histoire personnelle.

Un ensemble brillant. Un style qui m'a vraiment plu. A lire. Puis à relire par bloc ou en totalité.

T. Sandorf

Lien : https://thomassandorf.wordpr..
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Libra est un roman qui livre une version de plus sur le crime le plus marquant de l'histoire contemporaine des USA. On peut se demander pourquoi un écrivain veut se colleter avec une pareille histoire, avec un sac de noeud que beaucoup ont rendu inextricable ? Faut il ajouter de la fiction à une affaire qui dépense l'entendement ?
On comprend vite que DeLillo suit plusieurs voies : une pour expliquer l'esquisse et l'exécution d'un complot pour faire payer à Kennedy son lâchage des anticastristes dans le débarquement de la baie des cochons, une autre pour s'attacher à la personnalité de Lee Harvey Oswald et enfin une pour faire que Oswald et le complot se rencontrent.
Ce qui passionne l'auteur est, d'évidence, cet Oswald imprévisible, égocentrique, mythomane et influençable. Un tel personnage est fascinant pour l'écrivain qui peut dérouler une biographie bien réelle mais tout aussi déroutante. Il reste à recréer de l'atmosphère autour des faits, à mettre de la couleur et de la chair sur un parcours qui défie l'imagination.
Pour ce qui est des causes de l'assassinat ce qu'invente DeLillo vaut bien les autres théories qui se sont développées au cours du temps, ici plus de CIA que de Mafia, pas trop de FBI et une construction qui se tient avec une origine plausible.
Restait à relier Oswald avec la machination, les conspirateurs cherchaient un bouc émissaire, celui qui servirait d'écran de fumée et de leurre. La chance entre dans le jeu et les met en contact avec Oswald dont le parcours erratique rendrait fou le plus rationnel des enquêteurs.
C'est dans cette relation entre les meneurs du complot et Oswald que DeLillo est vraiment convainquant, il imagine avec finesse la manipulation réalisée pour faire rentrer un tel trublion dans l'organisation d'un attentat, comment l'irrationalité du bonhomme est utilisée à ses dépens pour le piéger.
Le roman est long, parfois touffu et redondant mais il faut lui reconnaitre une grande qualité de construction, une finesse dans la caractérisation des personnages et une peinture réussie de l'Amérique des années soixante, particulièrement du contexte politique du Sud.
Au bout du compte il ne s'agit pas de savoir si la vision de DeLIllo est plus prêt de la vérité que celle de Ellroy par exemple, mais d'en apprécier la clarté, la cohérence et la beauté littéraire.
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