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EAN : 9782911406928
163 pages
Editions HB (22/08/2001)
4.25/5   2 notes
Résumé :
Les deux pièces de Charlotte Delbo ici présentées ont le mérite de rassembler, en les concentrant sous la forme théâtrale, ce qui caractérise son œuvre littéraire, intimement liée à sa vie. Cette femme de lettres, auteur dramatique, résistante déportée à Auschwitz, est morte à Paris en 1985.
Comme chacun d'entre nous, son expérience personnelle l'a construite, mais son expérience, partagée avec des millions de personnes, s'appelle Auschwitz puis Ravensbrück ;... >Voir plus
Que lire après Une scène jouée dans la mémoire - Qui rapportera ces paroles ?Voir plus
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Deux pièces de théâtre au menu du jour. Passons rapidement sur la première qui est un extrait de la pièce « Ceux qui avaient choisi » déjà chroniquée dans nos pages :

https://deslivresrances.blogspot.com/2017/11/charlotte-delbo-ceux-qui-avaient-choisi.htm

Ici seul le face-à-face entre Françoise (le double de Charlotte) et Paul (double de Georges DUDACH, son mari, qui sera fusillé juste après une dernière entrevue du couple en 1942 à la prison de la Santé) est présenté. Les adieux d'un couple dont les deux membres savent que l'homme va mourir dans les prochaines heures. Déchirant. La pièce s'ouvre sur un poème, en forme d'exorcisme, de cynisme envers la mort :

« Je lui ai dit
Que tu es beau.
Il était beau de sa mort à chaque seconde plus visible.
C'est vrai que cela rend beau
La mort.
Avez-vous remarqué
Comme ils sont
Les morts, ces temps-ci
Comme ils sont jeunes et musclés
Les cadavres de cette année ?
Elle rajeunit tous les jours
La mort
Cette année »

Quelques phrases très fortes qui restent ancrées dans la mémoire : « Ce n'est pas l'âge de la mort qui compte, c'est le temps de la vie ».

« Qui rapportera ces paroles » est en quelque sorte une version théâtrale de « Aucun de nous ne reviendra » (premier tome de la trilogie « Auschwitz et après » présentée également dans nos colonnes).

https://deslivresrances.blogspot.com/2019/02/charlotte-delbo-auschwitz-et-apres.html

Le camp d'Auschwitz, des femmes prisonnières discutent, monologuent parfois. Tout l'univers de Charlotte DELBO est comprimé en quelques dizaines de pages : la déportation, la vie en camps, la mort, l'odeur (incessante, obsessionnelle), la faim, la soif, la folie. Elles sont 15 000 en tout dont 200 françaises, mais ici seules 23 femmes vont prendre la parole, elles représentent les 230 du convoi pour Auschwitz du 24 janvier 1943, ce convoi dont Charlotte DELBO a fait un livre, déjà chroniqué chez nous :

https://deslivresrances.blogspot.com/2019/02/charlotte-delbo-le-convoi-du-24-janvier.html

Il ne restera que deux prisonnières vivantes en fin de pièce. Pour témoigner, expliquer l'horreur. Comme dans « Mesure de nos jours » (dernier volet de la trilogie « Auschwitz et après »), elles se demandent ce qu'elles vont devenir une fois libérées, si toutefois elles le sont un jour. Comment revivront-elles ? Comment pourront-elles reprendre goût à la vie, dialoguer avec celles et ceux et qui n'ont pas connu l'enfer ? « Il faut qu'il y en ait une qui revienne, toi ou une autre, n'importe. Chacune s'attend à mourir ici. Elle y est prête. Elle sait que sa vie ne compte plus. Pourtant, elle s'en remet aux autres. Il faut qu'il y en ait une qui revienne pour dire. Voudrais-tu qu'on ait détruit ici des millions d'êtres et que tous ces cadavres soient muets pour toujours, que toutes ces vies soient sacrifiées pour rien ? ». Il faudra bien raconter l'indicible, se souvenir malgré la nausée, pour témoigner contre l'horreur : « Ils ont trouvé cela pour faire plus de place dans les chambres à gaz. Ils mettent les enfants à part et ils les brûlent vivants. Les enfants, cela ne se débat pas ». Il faudra raconter pourquoi les autres ne sont jamais revenues, en quelles circonstances : « Il y a celles qui sont mortes du typhus. C'est la plus belle mort, ici. On délire presque tout de suite puis on tombe dans le coma ».

« J'écris à voix haute » disait-elle. Charlotte DELBO sera inlassablement, infatigablement, la porte-parole de ces femmes mortes en déportation ou meurtries à vie pour les rescapées. Elle se sacrifiera en quelque sorte pour la cause, la mémoire. Son oeuvre est en ce point remarquable, possédant de nombreux ponts entre les ouvrages, qu'ils soient récit, poésie ou théâtre (dans ces deux pièces, le pont s'appelle Paul, avec l'évocation dans la deuxième pièce de la dernière rencontre avec l'être aimé, en fait la première pièce du volume). C'est une oeuvre unique, dense et décharnée à la fois, où chaque mot sonne avec une puissance révélatrice. Ce présent recueil est sorti en 2001 chez HB Éditions, il montre toute la solidité, la lucidité du théâtre de Charlotte DELBO. La préface ainsi que la postface sont truffées d'éléments sur le personnage même de Charlotte, ce qui rend le tout encore plus homogène et intimiste. Quand le théâtre est de telle qualité, il se rend indispensable pour comprendre le passé.

Je tiens à dédier cette chronique à un être qui m'est particulièrement cher et qui travaille actuellement entre autres sur l'oeuvre de Charlotte DELBO. Bon courage, toute ma sincère gratitude, ma profonde amitié et mon respect éternel et vibrant.

https://deslivresrances.blogspot.fr/

Lien : https://deslivresrances.blog..
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Vidéo de Charlotte Delbo
Charlotte Delbo : Spectres, mes compagnons - Lettre à Louis Jouvet (France Culture / Théâtre et Cie). Texte présenté par Geneviève Brisac. Réalisation : Marguerite Gateau, avec des archives INA. En partenariat avec l’association “Les Amis de Charlotte Delbo”. http://www.charlottedelbo.org/. Conseillère littéraire : Céline Geoffroy. Enregistré au Festival d’Avignon le 18 Juillet 2013. Diffusion sur France Culture le 2 octobre 2016. Texte lu par Emmanuelle Riva. Photographie : Charlotte Delbo, via le site internet de “L'association des amis de Charlotte” • Crédits : @copyright Schwab. « Charlotte Delbo fut l’assistante de Louis Jouvet au Théâtre de l’Athénée avant d’entrer dans la Résistance. Elle est arrêtée avec son mari Georges Dudach le 2 mars 1942. Le 23 avril 1945, après vingt-sept mois de captivité dans les camps d’Auschwitz-Birkenau et de Ravensbrück, elle fut libérée par la Croix-Rouge et internée en Suède. Elle n’avait pas encore trente-deux ans. Des deux cent trente prisonnières de son convoi, elles n’étaient plus que quarante-neuf. Et Charlotte Delbo se préparait à consacrer le restant de ses jours à trouver les mots justes, à écrire des livres et des pièces de théâtre pour faire vivre la mémoire et les mots de ses amies assassinées, et de son mari fusillé. La première chose qu’elle fit, le 17 mai 1945, ce fut d’écrire une lettre. On peut imaginer dans quel état de faiblesse elle se trouvait. C’était une lettre à Louis Jouvet, qui disait : « Je reviens pour entendre votre voix. » Il y eut d’autres lettres, jusqu’à cette dernière qu’Emmanuelle Riva lira, une lettre non envoyée, non terminée, non reçue, interrompue par la mort de Louis Jouvet, en 1951. Une lettre comme un testament politique et littéraire, où le courage, la peur, le rêve et la pitié pèsent leur juste poids. » Geneviève Brisac Cette lecture de « Spectres, mes compagnons » est agrémentée d'extraits de la Radioscopie consacrée à Charlotte Delbo, produit par Jacques Chancel et diffusée le 2 avril 1974. Remerciements à Claude-Alice Peyrottes, présidente d'honneur de “L'association des amis de Charlotte”. Source : France Culture
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