Le Sacre du Roi

Le rituel du sacre des rois de France suit, peu ou prou, le rituel d'ordination d'un évêque. Et qui dit sacre dit onction. Ce rite précède celui du couronnement et ce dernier est suivi de la célébration de l'eucharistie.
Décrivons rapidement, à la suite de Patrick Demouy, auteur du très bel ouvrage le Sacre du roi, l'ensemble de la cérémonie pour bien comprendre ce qui s'y passe.
Celui qui va devenir roi, et qui fait une courte oraison la veille de l'événement, pénètre dans la cathédrale Notre-Dame de Reims par le porche central revêtu d'une tunique rouge et s'en va s'asseoir sur une cathèdre placée face à celle de l'archevêque, tandis que celui-ci part chercher la Sainte-Ampoule apportée processionnellement depuis la basilique Saint-Remi (sans accent!) de Reims. L'archevêque dépose la Sainte-Ampoule sur l'autel, où se trouvent aussi les regalia, symboles de la royauté : éperons, épée, sceptre, main de justice ou verge, anneau et couronne, ainsi que d'autres vêtements ou objets. Les regalia, que l'on appellera aussi "honneurs de Charlemagne" pour les opposer aux "honneurs de Napoléon" sous le Premier Empire, ont été apportés depuis Saint-Denis en Ile-de-France où ils sont ordinairement conservés entre deux sacres.
Après les serments traditionnels prêtés par le futur souverain, et peut-être après le Te Deum Laudamus, on passait les chausses et les éperons à celui qui devait être bientôt sacré et on lui remettait l'épée dite de Charlemagne (Joyeuse) qu'il replaçait sur l'autel avant de la reprendre pour la confier au sénéchal de France appelé à la porter pointe en l'air tout au long de la cérémonie. Puis, agenouillé devant le faldistoire, le futur monarque, qui entendait d'abord réciter la litanie des saints et des saintes, recevait les onctions, mélange d'une goutte d'huile de la Sainte-Ampoule et du chrême consacré le Jeudi de la semaine sainte, sur la tête, sur la poitrine, entre les épaules et sur les épaules et dans le creux des bras. Après quoi, on revêtait le futur souverain de la tunique royale et du grand manteau violet constellé de fleurs de lys. Puis venait l'onction sur les mains avant qu'on ne passât aux mains du roi les gants et l'anneau dit de Saint Louis à la main droite. Puis venait la remise au souverain des insignes de la royauté : sceptre, verge, couronne. Alors intervenaient les douze pairs du royaume, six laïcs placés à gauche de l'archevêque et du roi et cinq prélats de France qui venaient se positionner à droite de l'archevêque de Reims (ce qui faisait six pairs ecclésiastiques), le roi occupant la position centrale et souveraine, à mi-chemin des fonctions des uns et des autres comme s'il participait totalement des deux.
Les pairs soutenaient la couronne un instant. On conduisait ensuite le roi vers une estrade qu'on appelait échafaud, et du haut de laquelle il pouvait être vu par toute l'assemblée. Ôtant sa mitre, l'archevêque prononçait alors la phrase rituelle : "Vivat Rex in aeternum!", acclamation reprise en choeur par l'ensemble des pairs du royaume. La cérémonie se poursuivait avec la concélébration de l'eucharistie.
On peut, outre la description détaillée de ces rites, trouver dans ce livre la chronologie et l'historique des sacres, en rappelant que Louis XVIII eut l'intelligence après la Révolution et l'empire de ne pas se faire officiellement sacrer à Reims et que Charles X, au contraire, crut pouvoir rétablir le cérémonial dans sa plénitude à l'aide de quelques gouttes prélevées "miraculeusement" de la Sainte-Ampoule pourtant brisée pendant la Révolution comme avaient été profanées les tombes de la nécropole royale de Saint-Denis.
Le clou du livre de Patrick Demouy est la traduction du latin au français du livre du sacre de Charles V- son ordo- et la reproduction des trente-huit miniatures censées représenter son sacre et son couronnement. Le sacre de Charles V eut lieu en 1364 et l'ordo en question daterait de 1365. L'ensemble fut emporté en Angleterre en 1429 sur l'ordre de Bedford, régent anglais qui occupait Paris dans les années 1420. Il est toujours conservé au British Museum.

François Sarindar, auteur de Charles V le Sage, Dauphin, duc et régent (2019).

Un beau livre à parcourir par toutes petites touches et grands arrêts, comme on visite un musée.

Patrick Demouy raconte l'origine et l'évolution du Sacre, cette onction unique en Europe. Il décrypte les enjeux symboliques et politiques de cette cérémonie qui a permis d'assoir la légitimité du Roi et de sa dynastie pendant des siècles.
Riche, complet, c'est une « saga » savamment construite en 3 parties et illustré par une magnifique iconographie, réunissant 300 images anciennes.

Il y a de quoi nourrir le visiteur occasionnel aussi bien que le passionné.

Un livre magnifique sur la forme avec de très belles illustrations et passionnant sur le fond, l'histoire du sacre des rois de France, la sacralité de leur fonction, le sens symbolique, l'évolution historique. Il est à signaler qu'une partie de l'ouvrage est consacrée à présenter les circonstances et le déroulement de chaque sacre. Une référence sur cette question.