Après le bel
Ubik, j'ai poursuivi la lecture de Philip K.Dick avec l'incontournable Blade Runner dont le premier titre était Les androïdes rêvent -ils de moutons électriques ?
Incontournable, bien évidemment en raison de l'adaptation cinématographique signée par
Ridley Scott en 1982 mais, attention, comme beaucoup d'adaptations, celle de
Ridley Scott se situe quand même à des lieux du matériel original même si le coeur de l'intrigue demeure similaire...
Dans tous les cas, c'est assez compréhensible de savoir pourquoi certains lecteurs et lectrices ont préféré le film au roman.
Dans une certaine mesure, ce roman de
Philip K Dick écrit en 1966 et publié en 69 est plus névrosé, plus oppressant encore que son adaptation qui est forcément plus spectaculaire.
Blade runner ou plus précisément Les moutons rêvent -ils de moutons électriques est un super roman de
Philip K. Dick. Autant le dire sans détour, c'est un titre fort qui joue énormément sur l'existentiel , sur ce qu'est être humain, sur la notion d'empathie dans une société futuriste qui s'encloisonne de plus en plus dans la solitude et dont les modèles d'androïdes s'enchainent de manière de plus en plus perfectionné. C'est un titre pesant qui vous prend aux tripes et qui baigne dans une atmosphère de paranoia et de solitude.
Pourtant, tout comme
Ubik, ce fameux roman possède aussi un petit côté absurde avec le personnage principal, Rick Deckard dont le but est de s'acheter un véritable animal de compagnie, un mouton en chair et en os pour remplacer son ersatz de mouton électrique...
Tout comme
Ubik qui fut, a priori, écrit la même année,
Philip K Dick représente une société avide à la consommation mais cette fois -ci dans un registre plus sinistre d'une certaine manière puisque les citoyens désirent avant tout des animaux vivants, des derniers représentants d'espèces disparues depuis une grande guerre. C'est un constat assez pessimiste, d'une mélancolie extrême puisque ces animaux vivants représentent en effet des souvenirs disparus, des pulsions de vie pour des gens qui sont prisonniers sur Terre, dans leur vie. La société n'est plus qu'une ombre et pour ressentir des émotions, les personnes utilisent des boites à empathies qui les connectent entre elles et leur font vivre des émotions à partir du cadre morose de leur appartement.
L'intrigue démarre sur cet absurdité d'un quotidien presque dénué de sens et puis elle bascule dans le polar futuriste et existentielle avec la traque des Nexus-6 , une nouvelle génération d'androïdes très perfectionnés et qui se fond avec aisance dans l'espèce humaine.
Notre héros Rick Deckard se plonge en même temps que sa traque dans une espèce de quête un peu existentielle dans laquelle il va découvrir la notion d'empathie, notion qui semble très chère à l'auteur et qui hante régulièrement ce roman.
Autant le dire, il faut aimer les longs dialogues assez réfléchis autour des androïdes. La confrontation est d'abord verbale dans le roman original comme le montre le test que Deckard soumet aux robots pour détecter leur véritable nature ou encore sa relation avec la curieuse Rachel Rosen.
Quelques passages hallucinés retentissent également dans cette traque comme la figure presque biblique d'un certain Mercer et qui entraîne le roman vers des sommets hallucinés que n'aurait pas renié un certain Jodorowsky...
Blade Runner, c'est tout simplement des personnages qui vous touchent, que ce soit les androides injustement (ou pas) persecutés ou encore la figure de Isidore, un humain "spécial" qui vit seul dans un immeuble abandonné. Si ce roman fait mouche, c'est parce qu'il nous fait confronter à une sorte de peur ancestrale , la peur d'être isolée et d'être coupé de l'humanité. En tout cas, c'est ce qu'on ressent face au personnage d'Isidore.
Il est difficile de résumer et de définir Blade Runner car c'est un roman qui touche aussi bien à la SF existentielle qu'au polar, à du roman d'anticipation qu'à l'absurdité... C'est un roman très prenant, assez sombre dans l'ensemble, qui est vraiment rongé par un parfum de fin du monde. En ce sens, il est dans le même moule qu'
Ubik mais il est même plus sombre que ce dernier.
Dans tous les cas, ce roman est tout simplement un rouage essentiel dans la bibliographie Dickienne ! Il faut par contre passer outre la comparaison avec le film et se plonger vraiment dans l'univers du roman et pas celui (plus spectaculaire) du film bien que l'adaptation de
Ridley Scott demeure un très bon film de SF en soi !
Le Blade Runner de K. Dick est plus nihiliste, plus oppressant, plus lent aussi, c'est tout simplement un roman d'anticipation qui fait peur et qui vous plonge dans un agréable et cathartique désoeuvrement.