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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Dans Melmoth furieux, Sabrina Calvo dessinait les contours de la Commune de Belleville : ses habitants, son architecture, ses (non)-règles de vie. Une utopie faite de bric et de broc, portée par des désirs de liberté et de respect de l'autre. Mais toujours sur le fil du rasoir car entourée, cernée par des forces armées hostiles à ce mode de vie, à ce non-respect de la norme établie. Dans Maraude(s), Dilem & Bri nous font faire le tour de cette enclave fragile mais précieuse.

Place Krasucki (que de souvenirs à l'évocation de ce nom !), point de départ des maraudes de ce petit opuscule. Je suis navré d'utiliser Google Maps tant cela va à l'encontre de tout ce que véhicule l'ouvrage, mais n'habitant pas Paris ni sa proche banlieue, et désirant tout de même mettre des images sur ces lieux, je saute le pas. le petit bonhomme jaune me transporte sur une place construite autour d'un arbre au feuillage accueillant : « le Micocoulier – increvable et déjà centenaire ». Ça met tout de suite dans l'ambiance. Et nous partons pour une promenade. Je laisse de côté la carte électronique pour me plonger dans les mots. Maintenant que j'ai une image de départ, je reviendrai aux pixels après ma lecture complète de Maraude(s).

Huit courtes balades à travers cette commune, morceau de Paris sorti de son carcan rigide et mortifère, empli d'yeux espions et de groupes armés. Point de départ, à chaque fois (ou presque), la place Krazu. Et les auteurs nous convient à un parcours au fil des rues, des cours, des immeubles. Entre ceux qui sont libérés, ouverts à l'échange, à la réflexion, à l'expérimentation. Et ceux qui se cloîtrent, fermés sur eux, avec des murailles faites de grilles et de codes, enclaves dans l'enclave. Promenade parmi des gens différents, parfois en désaccord, mais toujours prêts à discuter, à échanger, pour améliorer le quotidien dans le respect de l'autre.

Face à eux, le reste du monde. Et les relations ne sont pas au beau fixe. « Car c'est une guerre. » Guerre interne et externe. Comme je le disais plus haut, certains « riches » n'ont pas quitté Belleville et se recroquevillent dans leur propriété, enfermés, protégés par des barrières. Ils militent pour tenter de bloquer les changements impulsés par la Commune en proposant leur propre vision du monde, à base de « bouts de métal anti-clodo sur les bancs publics. » (Brassens doit se retourner dans sa tombe). Les contrôleurs de la CAF se sont regroupés et effectuent des contrôles sans raison. Traces anciennes de la vie d'avant qui n'ont pas réussi à passer à autre chose. Et les joggers continuent à courir, en régiments, en « véritables cyborgs mercenaires ». Heureusement, certains ont mis leur besoin au service de la Commune, produisant de l'électricité.

Mais le danger rôde, car la guerre externe avec la « cité connectée » n'est pas terminée. Loin de là. Toujours plane « la menace policière ». Les barricades sont dressées et tiennent. Enfin, pour la plupart. Et les militants affûtent leurs armes. Certains vont jusqu'à fabriquer des explosifs. Une guerre, je vous dis. D'autant que des espions tentent sans cesse de pénétrer la Commune et d'y disposer ses « yeux » : les « bubons-caméras ». Observer pour mieux détruire. Mais ils auront du travail, à vouloir cartographier et organiser ce labyrinthe tortueux et varié.

Cette Commune est foutraque (plus encore que le monde des Flibustiers de la mer chimique de Marguerite Imbert), pleine de différences et d'oppositions. Mais elle est vivante. On y retrouve des gens passionnés par ce qu'ils réalisent. Et c'est merveilleux. Par exemple, comme dans Melmoth furieux, le tissu est encore et toujours là : les copines couturières tissent et cousent des « manteaux impossibles ». Et quand l'une d'entre elles est embarqué hors de cette zone de liberté, on organise un commando pour la récupérer. Au nez et à la barbe des « normies », des forces de l'ordre, de ces représentants d'un Empire guerrier et violent.

J'ai fini de lire Maraude(s) et, la tête pleine d'images, je vais les confronter à celles, pixellisées, de Google. Prolongement finalement bienvenu, qui me permet d'ancrer ce monde dans le monde réel. de comprendre que cette lutte décrite n'est pas que de papier et d'encre mais également de béton et de sang, de chair et de bitume. de donner encore davantage de vie à une Commune dont on ne peut qu'espérer qu'elle va continuer à résister.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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Déambulations dans les rues et les lieux emblématiques de la Commune imaginaire de Belleville : « Ici, c'est le radeau des naufragés de Paris – cielleux qui ont fui la grille smart de la cité connectée pour activer des liens réels. »
(...)
« Comment inventer l'avenir si le passé nous échappe ? » se demandent Dilem & Bri. Cette description jubilatoire d'un futur possible, assemblage d'utopies désirables en prise avec les (inévitables ?) reliquats d'oppressions existantes, existera les imaginations et semble poser une question complémentaire : Comment inventer l'avenir si on ne commence pas par l'imaginer ? Sans être pessimiste pour autant, leur récit évite la facilité de l'idéalisation et refuse l'économie des écueils : d'ailleurs, « la rue de l'Avenir est une impasse où l'horizon est bloqué par un haut mur d'immeuble ». « Nous avons besoin d'un but, pas simplement de résister. Il nous faut un dégagement, un nouveau monde à construire. Mais comment articuler l'impossible quand le simple possible paraît impensable ? La lutte contre la répression est continue, sans limites. Nos moyen, eux, sont limités, et si nous pouvons contenir des assauts depuis nos murailles, il est peu probable que cela suffise. »

Article complet sur le blog :
Lien : https://bibliothequefahrenhe..
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Sous le signe du combat toujours recommencé, du bonheur de vivre différemment et de l'utopie radicale, une vigilante et joyeuse dérive à deux par les rues et les places de la Commune imaginaire de Belleville.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2023/01/05/note-de-lecture-maraudes-dilem-bri/

Retour à la Commune de Belleville, que l'on avait connu pleine de bruit et de fureur, au milieu des combats de rue, des menées souterraines, des vengeances et de la vindicte ordo-capitaliste, dans « Melmoth furieux » (2021). Avec ce « Maraude(s) », publié à La Volte en octobre 2022, concocté à deux voix par Sabrina Calvo (Bri) avec le poète urbain Dilem, nous voici conviés sur le même terrain à un périple en apparence plus apaisé, quasiment bucolique, par places et ruelles connaissant une forme de répit armé et toujours vigilant face à la domination qui rôde aux alentours. Parcours allègre d'un périmètre de défense (on verra à la lecture que Elsa Dorlin et son « Se défendre » ne sont pas être si loin), occasions de convivialité authentique glanées au fil du fortuit (mais qui sont d'autant plus significatives qu'elles émanent volontiers d'une lutte aux objectifs majoritairement partagés – malgré les ou grâce aux différences d'appréciation de la situation par toutes les composantes de la Commune), dérive placée d'emblée ou presque sous le signe debordien de la psychogéographie appliquée (les cercles concentriques et les pénétrantes tracées par le Iain Sinclair de « London Orbital », « London Overground » et « Quitter Londres » proposent bien ici leurs échos) : « Maraude(s) » – dont le titre renvoie aussi, naturellement, à cet élément permanent du paysage contemporain affligé que sont désormais les rondes conduites par les associations pour offrir leurs services de première nécessité aux sans domicile fixe, aux migrants, aux travailleuses et travailleurs du sexe, et à tout que la Cité capitaliste rejette et déclasse si volontiers à ses marges – nous offre tout cela. Mais cette novella le fait à sa manière bien personnelle, inscrivant dans la marche même parmi les paysages urbains des XIXème et XXème arrondissements parisiens ses traits d'humour noir, ses formules-chocs, ses pas de côté inattendus et ses slogans joyeusement multivoques.

Dans une échappée d'écriture devenue relativement rare dans la fiction contemporaine (on retiendra parmi les heureuses exceptions des textes d'Alain Damasio ou de Kim Stanley Robinson, d'Ursula K. Le Guin ou de Doris Lessing), « Maraude(s) » accepte, voire recherche le triple choc de la théorie, de la discussion et de la praxis, se refusant ainsi à céder sans résistance à la doxa du show don't tell, mécanique littéraire si souvent dominatrice même lorsque la « règle » gagnerait à être mise de côté.

Dans cette collection Eutopia de la Volte qui s'efforce depuis maintenant quelques années de nous proposer des textes à la fois courts et roboratifs, contribuant à redonner du souffle utopique à nos principes espérance en jachère, à l'image du « Résolution » de Li-Cam, du « Collisions par temps calme » de Stéphane Beauverger ou même du « Un souvenir de Loti » de Philippe Curval (d'une tout autre manière), « Maraude(s) » se signale aussi par plusieurs phrases révélatrices (citons par exemple « Nous avons besoin d'un but, pas simplement de résister : l'imaginaire des cabanes ne suffit plus » ou « Comment inventer l'avenir si le passé nous échappe ? ») qui la placent résolument, davantage encore sans doute que « Toxoplasma » et « Melmoth furieux », du côté de cette utopie radicale qu'appelle de ses voeux Alice Carabédian dans son récent essai tonique, du même nom. Et cette convergence combative des imaginations littéraires et politiques à bien de quoi nous réjouir.

Lien : https://charybde2.wordpress...
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