L'ambition de
Monique Dixsaut n'est pas d'exposer de manière ordonnée la philosophie de
Nietzsche, mais vise à « montrer en quoi
Nietzsche est un éducateur ». Pour y parvenir l'auteure se concentre sur le concept d' "antinomie" et de son dépassement ("par delà").
L'antinomie y est définies comme l'opposition entre deux "lois", toutes deux instituées par l'autorité légitime, nécessitant l'arbitrage d'un tiers extérieur et supérieur aux deux parties en cause.
Nietzsche en relevant les grandes antinomies (de l'idéalisme, de la philologie, de la morale), démontre que le résultat contredit le but que chacun de ces trois termes prétend poursuivre. Il invite donc à renoncer à nos "croyances" en tant que vérité, a marquer le divorce entre "valeur" et "vérité", pour accepter le caractère construit de toute vérité. En effet pour
Nietzsche dénoncer les antinomies, c'est "voir des problèmes là où les mots semblaient précisément exclure tout problème", mais ce n'est pas pour renoncer à toute vérité. C'est laisser le champ pour trouver ses vérités, rechercher la contradiction avec les autres (et encore mieux : avec soi-même) pour les mettre à l'épreuve sans cesse, et les réévaluer. C'est la que pointe la distinction fondamentale entre contradiction et antinomie.
Si cette dernière relève d'une opposition que l'on ne parvient pas à surmonter cognitivement, c'est parce qu'elle repose sur des "croyances" admises comme étant des vérités, le renversement des croyance permet de la dépasser. La contradiction en revanche est à rechercher, elle permet par la discussion entre des points de vue contraire de solidifier la vérité ou au contraire la remettre en cause par la raison. Plutôt que de se reposer sur des croyances, l'homme de la "conscience nouvelle" recherche en permanence la contradiction pour consolider ses position par la raison . Il refuse de "croire" à ses vérités, mais n''est convaincu que par la raison.
Les renversements de
Nietzsche vont assez loin, puisque c'est le langage lui même qui est questionné (ou plutôt notre croyance en la vérité du langage), à travers la généalogie et l'étymologie. de même
Nietzsche rejette l'idée qu'il y aurait une logique unique, "rationnelle", il y a autant de démarches (dialectique, linguistique, psychologique, historique) que de contradictions à affronter.
L'ouvrage est structuré en trois parties qui recouvrent trois grandes antinomies : Interpréter (antinomie de l'histoire et de la lecture), antinomie des deux mondes (sur l'être et le devenir ; réalité et apparence), antinomie de la morale.
Malgré les affirmations de l'auteur, l'ouvrage constitue aussi une exposition globale de la pensée de
Nietzsche, qui peut en constituer une bonne introduction. Si l'angle adopté est marqué : aborder la pensée de
Nietzsche par les antinomies. Il s'avère que cet angle est sans doute le plus adapté pour donner une vision d'ensemble de la philosophie de
Nietzsche. C'est parce que
Monique Dixsaut a pertinemment saisi ce saillant de l'antinomie, et qu'elle réussit à mener jusqu'au bout sa "monstration" du caractère éducateur de l'oeuvre de
Nietzsche, qu'elle aboutit à donner une vision d'ensemble de l'auteur.