Photo de groupe au bord du fleuve est l'histoire d'un groupe de femmes "casseuses de pierres", forcées d'accomplir un travail harassant et misérable pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles.
Toutes ont une histoire propre, qui sera révélée au fil de l'intrigue, et qui brosse le portrait d'amantes, de veuves, d'épouses répudiées, de sorcières ou de rebelles ayant refusé ou ayant été exclues de la société patriarcale congolaise, où l'homme a toujours raison.
Par une narration déroutante, où l'auteur s'adresse à la protagoniste principale en la tutoyant, on suit le rythme quotidien de ces femmes ; chaque journée débutant par la préparation des enfants pour l'école, avant d'accomplir une journée de besogne, puis de rentrer pour profiter d'une douche. Les journées de travail s'entremêlent ensuite aux souvenirs, aux ambitions manquées, et aux proches décédés, accompagnées chaque matin par la radio, qui égrène elle aussi son lot d'actualités horrifiantes.
A travers l'aventure d'une dizaine de femmes exigeant d'être "décemment" payées pour leurs sacs de pierres,
Emmanuel Dongala nous livre une vaste étude de la position de la femme au Congo : enfance, mariage forcé, tabou sur la sexualité, grossesses indésirables, viols, héritages floués, fétichisme et accusation de sorcellerie, fonction de reproductrice...
Le voile est levé sur la corruption, l'hypocrisie des dirigeants sur la scène internationale, le simulacre de démocratie. Et au milieu de cette jungle qui horrifie le lecteur occidental, on retrouve deux femmes, ministre et première dame, qui se comportent en hommes aux places qu'elles occupent, et une longue réflexion de la part de la protagoniste principale.
Rien n'est monochrome, et si la narration est parfois un peu lente, on savoure cette mine d'informations sur le Congo.