Un roman très réussi, efficace, qui combine dans une histoire simple, sur un temps court, un bon aperçu de tous les travers d'un pays non nommé qui pourrait être le Congo. Et cela sur un ton suffisamment léger pour que la lecture ne soit pas plombante ni désespérante.
Méréana casse des pierres au marteau, de blocs de grès elle doit faire des sacs de graviers qu'elle vendra une misère, pour survivre, elle et ses 3 enfants. Déjà c'est le premier choc, je n'imaginais pas que ce métier archaïque et inhumain existait, aujourd'hui. Mais si ! Un travail pour les femmes tout en bas de l'échelle sociale.
Méréana est intelligente, elle écoute les informations à la radio, elle comprend que la demande augmente la valeur d'un produit. Ce gravier est nécessaire à la construction du nouvel aéroport, et elle voit que bien d'autres prix ont augmenté. Elle se dit qu'il n'y a pas de raison qu'elles n'en profitent pas aussi. Avec les autres femmes de la carrière, elles se mettent d'accord sur une revalorisation du prix du sac de gravier. Aussitôt dit aussitôt fait. Mais la répression armée est immédiate, les sacs sont confisqués, des femmes sont arrêtées, d'autres blessées. Courageuses, elles font front et maintiennent leurs revendications, en prenant soin les unes des autres. Un groupe très solidaire se crée.
Progressivement nous faisons la connaissance de l'histoire de chacune d'elles, et nous avons en filigrane un portrait de la condition féminine et des institutions du pays. Mariage forcé, répudiation, prédation sexuelle, accouchement mortel, ravages du sida, hôpitaux sans aucun moyens, cout exorbitant de la vie, corruption, népotisme, disparitions inexpliquées, tout y est.
Le meilleur dans tout cela : c'est que cette belle histoire qui conte le malheur, le courage et les aspirations des femmes soit écrite par un homme. Très fin,
Emmanuel Dongala ne prétend pas parler au nom des femmes, il s'adresse à son héroïne Méréana, prenant la juste distance qui donne à la fois de la proximité et un retrait respectueux.
Vraiment une très belle lecture.