Photo de groupe au bord du fleuve est un roman féministe bien qu'écrit par un homme. C'est l'histoire d'un groupe de femmes qui survit en cassant des cailloux à la main pour alimenter les chantiers du pays. Ne supportant plus d'être exploitées et humiliées, elles décident d'imposer un prix de vente plus juste, qui leur permette de nourrir leur famille. Tout au long du récit
Emmanuel Dongala dénonce le machisme ambiant de la société (congolaise ?), et nous révèle les règles non écrites qui régissent la vie des femmes. En fait elles ont un statut précaire, même lorsqu'elles sont en charge de la famille. Rien ne leur est acquis, elles doivent accepter l'adultère, peuvent être battues si elles se révoltent, sont rejetées et dépouillées par la famille du mari en cas de veuvage. L'auteur parle aussi d'une fille "renvoyée de l'école à cause d'un abus sexuel de la part de son professeur". le prof étant intouchable, c'est forcément elle qu'on éjecte, même si elle est la victime.
Le récit entier est un réquisitoire en faveur de la condition féminine. La "révolte" des casseuses de cailloux est d'abord réprimée durement, puis suivie avec beaucoup d'attention par les autorités car le pays se prépare à accueillir une réunion des premières dames d'Afrique et une manifestation de femmes ferait désordre. C'est d'abord la ministre "de la Femme et des Handicapés" (titre éloquent s'il en est) qui intervient en premier avant que la femme du président ne s'en mêle. On comprend vite que leur préoccupation majeure est la bonne tenue de la réunion, mais pour les manifestantes peu importe, tout ce qui peut favoriser leurs revendications est bon à prendre.
Ce livre raconte aussi la corruption rampante, le luxe des gouvernants d'autant plus choquant que le peuple vit dans la misère. de ce point de vue il n'est pas tendre avec l'Afrique, mais il nous en fait découvrir également les bons côtés, en particulier la solidarité. Elle est omniprésente, que ce soit entre les femmes, entre les membres d'une famille, c'est bien la solidarité des uns et des autres qui permet à tous de survivre.
Le côté moins convaincant de ce livre, c'est une certaine naïveté lorsque l'auteur raconte le combat des femmes, certains épisodes (que je ne citerai pas ici) me paraissent peu crédibles car un peu trop imprégnés de bons sentiments pour être réels.