AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,28

sur 486 notes
Roman humaniste et social, Photo de groupe au bord du fleuve offre aux lecteurs la vision d'une Afrique, loin des clichés bon enfant, constituée de pays enchanteurs où les gens sont tous gentils, accueillants, non racistes et où les importantes traditions ne sont qu'un bienfait pour tous, chacun s'occupant soigneusement de son prochain. Dans son roman, Emmanuel Dongala met au jour les rapports de pouvoir d'une Afrique contemporaine dénuée de tout exotisme et ce, dans son intense brutalité, à travers la révolte d'un groupe de femmes réclamant un meilleur salaire qui rétribuerait plus justement un travail misérable et harassant, celui de casseur de pierre au bord d'un fleuve. Ce récit polyphonique donne à entendre la voix du narrateur mais aussi celles de toutes les femmes du récit s'entremêlant avec des extraits d'actualités radiophoniques ou journalistiques qui font l'état de différents pays africains :
« Encore une fois, le pouvoir autocratique et antidémocratique a frappé. Cette fois-ci ce sont des pauvres femmes innocentes, nos mères et nos soeurs, qui ont été tabassées et torturées sauvagement sur leur lieu de travail et dans les geôles du pouvoir alors qu'elles voulaient tout simplement négocier le prix de vente du produit de leur travail jusque-là acheté à vil prix par des entrepreneurs voraces, la plupart d'entre eux étant d'ailleurs des parents des hommes au pouvoir. [...] » ;
« En Papouasie-Nouvelle-Guinée, une jeune femme papoue a été brûlée vive mardi par les habitants d'un village de la région de Mount Hagen qui la soupçonnaient de sorcellerie après la mort de plusieurs personnes atteintes du VIH/sida ».
Ne cherchant rien d'autre que l'augmentation de leur salaire, ces femmes se retrouvent aux prises avec la politique du pays teintée de corruption quotidienne et à tous les niveaux de la société, la violence de la répression et le non-dit, la condition misérable des femmes et les traditions absurdes et meurtrières servant l'intérêt des hommes. Cette vision de l'Afrique par un auteur Africain montre aux lecteurs le bien triste univers de la population soumise aux diktats d'une politique de façade, les dirigeants n'étant présents que pour profiter de la solidarité mondiale en faisant croire aux pays donateurs que le monde africain évolue alors qu'en réalité, la tradition prime sur les lois et notamment, en ce qui concerne la vie des femmes. La richesse et la mauvaise foi des dirigeants, leurs palais, les buffets bien garnis contrastent avec la misère de la population qui n'a pas de quoi se payer des médicaments, des frais hospitaliers ou tout simplement, une sépulture. En Afrique, tout se monnaye, même le drap que l'on pose, à l'hôpital, sur un mort. La crasse, la puanteur, la pourriture, omniprésentes dans ce récit et alliées à la propagation du sida non soigné montrent que l'Afrique traditionnelle et religieuse sert la cause de dirigeants corrompus qui profitent de cette situation.
Mais l'auteur donne aussi à voir un formidable groupe de femmes qui se détache de ce cloaque ; elles apparaissent tel un soleil et comprennent qu'en s'unissant, malgré leurs différences, elles pourront se protéger de la violence des hommes, de celle de familles voleuses et voraces et bien sûr, des membres du gouvernement qui vont s'intéresser de très près à leur revendication. Si ces femmes n'obtiennent pas tout ce qu'elles souhaitent, elles ont compris que c'est en s'unissant qu'elles pourront lutter et gagner leur indépendance.
Avec ce roman, Emmanuel Dongala porte un coup terrible au pouvoir des hommes en Afrique. Il dénonce les violences sexuelles, l'hypocrisie religieuse, la tyrannie du mariage, la culture du viol. Parfois, ce roman s'apparenterait à un roman de Zola mais dans un rapport à la langue moins didactique ou idéaliste. Emmanuel Dongala est un romancier important de langue française. Né au Congo d'une mère centrafricaine, il a dû s'exiler aux Etats-Unis tandis que la guerre civile ravageait son pays.

Lien : http://yzabel-resumes-et-poi..
Commenter  J’apprécie          40
Sous ce très très beau titre ( je n'ai même pas lu la quatrième de couverture avant de l'emprunter dans ma bibliothèque préférée), un magnifique portrait d'un groupe de femme congolaise, casseuse de pierre au bord du fleuve. Chacune a son histoire, triste ou tragique, qui l'a menée au bord de ce fleuve pour se briser le corps à casser ces pierres, vendues 10 000 francs le sac pour des chantiers de travaux publics.

Un récit militant sur la condition des femmes, l'injustice sociale et le combat collectif qui réussit à faire vivre des personnages attachants et un peu plus complexes que leur rôle social. Au fur et à mesure que le récit avance, le lecteur découvre, par flash back, l'histoire de chacune d'elles : le femme veuve, chassée par la famille du défunt ; celle accusée de sorcellerie et chassée de son village par ses propres enfants ; la jeune femme qui a fui un mariage forcée à 13 ans ; le "deuxième bureau" agressée par la première dame. Des femmes de tous les milieux que la fragilité sociale de leur condition de femme, donc dépendante des hommes pour vivre, réunit .. Seules elles ne peuvent que survivre.

La protagoniste principale est Mereana, qui a quitté depuis peu un mari volage pour lequel elle a sacrifié ses propres études et espérances professionnelles à cause d'une grossesse précoce. Elle devient le porte parole de ces femmes qui refusent de continuer à vendre leur sac de pierre à 10 000 francs mais en exigent 20 000. Elles sont frappées, arrêtées… mais la politique s'en mêle. Leur simple combat prend de l'ampleur et de la visibilité. Elles se retrouvent confrontées au média, aux ministères et à la corruption.

Emmanuel Dongala, fait le choix, plutôt rare de parler à la deuxième personne du singlier : comme s'il racontait toute l'affaire à Mereana, elle-même. Il évite peut être ainsi à la fois la position de l'écrivain omniscient et le " je" trop intime. le "tu" lui permet de la regarder avec admiration et d'être le miroir dans lequel elle peut, elle aussi, admirer sa force et se reconnaitre comme grande.

Il montre une Afrique cruelle et machiste sauvée par le courage des femmes; même si parfois la question se pose de la naïveté de l'histoire .. à moins que ce ne soit moi qui soit trop pessimiste et qui aie du mal à croire qu'un petit groupe de femmes, même très solidaires, puisse mener un tel combat jusqu'au bout.
Commenter  J’apprécie          40
Le titre du livre se rapporte à 16 femmes africaines qui se rendent au bord du fleuve pour y casser des cailloux et en remplir des sacs, qu'elles vendent ensuite pour la construction de routes. Elles se photographient ensemble sur le chantier, pour garder une trace et un souvenir de leur lutte pour revendiquer une augmentation du prix de leur sac de cailloux.
Méréana, parce qu'elle a de l'éducation et parle bien, est leur porte-parole, d'autant que le chantier de l'aéroport est un formidable argument pour appuyer leur demande.
Leur rébellion finira par ébranler le système politique, de la ministre de la Femme et des Handicapés, au ministre de l'Intérieur jusqu'à la femme du Président.
On y découvre des femmes fortes, indépendantes et soucieuses de leur émancipation, un bel hymne à la solidarité.
Emmanuel Dongala dénonce un pays d'Afrique où règnent corruption , terreur et violence faite aux femmes.
Commenter  J’apprécie          40
J'ai eu un beau coup de coeur pour ce roman de l'écrivain d'origine congolaise Emmanuel Dongala.

« Tu te réveilles le matin et tu sais d'avance que c'est un jour déjà levé qui se lève. Que cette journée qui commence sera la soeur jumelle de celle d‘hier, d'avant-hier, et d'avant avant-hier. » Au bord d‘un fleuve d'Afrique, Méréana trime comme un forçat pour joindre les deux bouts. Avec quinze autres femmes, elle casse des pierres toute la journée. Elles s'appellent Batatou, Bileko, Moyalo, Moukiétou, Ossolo, Atareta, Iyissou, Bilala, Laurentine… Toutes, elles réduisent la roche en graviers, pour ensuite vendre les sacs. Mais un jour, la construction d'un aéroport va changer la donne : les prix des matières premières s'envolent et les femmes décident de profiter elles aussi de cette manne inespérée. Elles vont vendre leurs sacs de pierre plus chers. Ou en tous cas, elles vont essayer, car quand on est une femme, les choses ne sont jamais faciles en Afrique. Intimidations, coups, arrestation, elles désignent Méréana comme leur porte-parole, pour que leurs revendications aboutissent.

Commence alors une vraie épopée contre le pouvoir en place et les traditions, sorte de conte moderne en prise avec la réalité, sans exotisme, une odyssée féministe, un roman qui fait du bien et pourtant j'ai grincé des dents, parfois blêmi, souvent râlé toute seule en le lisant. Emmanuel Dongala dénonce les misères faites aux femmes sans pathos, sans misérabilisme. Un discours à la deuxième personne du singulier qui passe très bien et crée une vraie empathie, une écriture par moments mignonnement ampoulée. Par petites touches intercalées et bien dosées dans la trame du récit, on va découvrir les histoires de ces femmes : « Même si aujourd'hui vous êtes logées à la même enseigne, chacune y a échoué en empruntant la route particulière de sa souffrance. » Sida, grossesse « attrapée dans la rue », viol, mariage forcé… « Triste à dire, mais en Afrique il n'y a pas que le sida et la malaria qui tuent, le mariage aussi. » Méréana et ses compagnes de fortune sont toutes splendides, à leur manière. Volontaires, avides de s'en sortir, des héros ordinaires. Il y a beaucoup d'humour aussi dans ce roman, souvent mordant. Certaines situations de corruption et de dessous de table sont autant burlesques qu'elles font froid dans le dos. Emmanuel Dongala n'épargne personne dans ce pays où « la tradition est plus forte que tous les textes de loi que l'on peut pondre ».

Je conseille vivement ce roman humaniste plein d'empathie, d'optimisme et d'humour. Une lecture intelligente, qui permet de mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons.

« Ne sommes-nous donc femmes que pour souffrir ? »
Lien : https://lettresdirlandeetdai..
Commenter  J’apprécie          40
Emmanuel Dongala nous plonge au coeur de l'Afrique dans la vie de Méréana, mère célibataire avec trois enfants à charge. Elle travaille avec une quinzaine d'autres femmes en tant que casseuse de pierre au bord d'un fleuve. Son destin va subitement changer après avoir appris la construction d'un aéroport où le prix du gravier a augmenté de manière exponentielle. Quand elle partage sa pensée auprès des autres femmes qui est de passer de 10 000 à 20 000 francs le prix du sac afin de pouvoir sortir chacune de la misère et de profiter du marché juteux à leur niveau, elle en reçoit l'unanimité et devient aussitôt la porte-parole pour la négociation.

Cette négociation ne se déroulant pas comme prévu, cette revendication va devenir le leitmotiv de ce groupe de femmes pour se faire entendre même si cela remonte au Ministre de l'Intérieur voire à la femme du Président. Elles ne se démonteront pas et elles montreront leur obstination qui va bien au-delà de la partie pécuniaire : réaliser ses rêves et vivre dignement.

Cette lutte qui durera un certain temps nous permet de découvrir le passé lourd de chaque femme dans un continent, l'Afrique, contemporain où nous Européens nous sommes loin de cet univers et du combat pour le droit des femmes.

Les révélations sur les rapports de pouvoir en ajoutant à cela la politique, les moeurs et la pauvreté apportent de quoi pimenter cet excellent ouvrage.

Le style littéraire met en valeur la puissance et la violence que subissent les femmes dans ce milieu rude. Les chapitres courts rythment la lecture et donne une cadence à ses quelques jours de lutte avec ses différents rebondissements.

Bref, un énorme coup de coeur !

Tout lecteur : 4,5 / 5 2 semaines
Commenter  J’apprécie          42
Je recommande chaudement cette lecture pour comprendre la mentalité des africaines d'aujourd'hui (cf. aussi le livre "Trois femmes puissantes"). Des casseuses de pierres se battent pour conserver leur dignité en vendant leurs sacs au juste prix. Petit à petit l'histoire de chacune nous est dévoilée.
Commenter  J’apprécie          40
Si l'oppression de ces femmes africaines par les mâles dominants et brutaux, est magnifiquement décrite, j'ai été très dérangée par l'effet de rhétorique de l'auteur qui consiste pour le personnage principal, à écrire sa narration à la 2ème personne: "Au lieu de se taire, ton imbécile d'ex-mari, lève la main. Tu sais qu'il ne peut pas ne pas se donner en spectacle dès le moment où il voit ton ombre" de la première à la trois cent trentième page, ce qui m'a paru indigeste. Dommage que le style soit ainsi alourdi.
Commenter  J’apprécie          40
Méréana est une jeune femme africaine comme elles doivent être nombreuses à l'être. A la lecture de ce roman, on découvre un peu plus la douleur mais aussi et surtout le courage et la dignité de ces femmes qui se battent juste pour vivre, pas de grands discours, pas de grandes envolées politiques, juste l'envie de changer leur quotidien qu'elles trouvent injuste.
J'ai été époustouflé, happé par cette lecture. le "tu" que l'auteur emploie y est sans doute pour beaucoup, Méréana, ça a été moi pendant ces quelques 400 pages, du coup j'avais du courage, de la dignité, et le sens du bien commun, pendant au moins cette lecture!!
Avec ce roman on plonge dans la vie quotidienne des femmes, des hommes de ce pays et c'est drôlement bien fait (on se prend à lire avec l'accent de là-bas. ;-)
Commenter  J’apprécie          40
Ce roman reste extrêmement lumineux malgré les thématiques abordées. J'ai aimé découvrir l'histoire de chacune de ces femmes et les accompagner dans leurs revendications qui, malgré elles, sont devenues leur lutte. Et quand le style est au rendes-vous, que réclamer de plus ?
Commenter  J’apprécie          30
Je connaissais le président de la plus grande république, représenté en vaillant soldat, en pêcheur à la ligne accompli, en tireur d'élite, chevauchant un ours, un cheval ou caressant un léopard .....
En Afrique aussi, on connaît le président de la république par ses affiches. Il y est représenté, en veston cravate, en tenue de sport en train de courir le marathon, en blouse d'infirmier, avec une truelle à la main, sur un tracteur, sur un voilier ...
Je ne connaissais pas le nycthémère, ou nyctémère, Mejesaistout me dit que c'est un terme technique utilisé en pharmacie, physiologie, en médecine, en science vétérinaire ou encore en écologie pour désigner une alternance d'un jour et d'une nuit correspondant à un cycle biologique de 24 heures.
Je ne connaissais pas le terme, lévirat, Mejesaistout me précise que c'est un type particulier de mariage où le frère d'un défunt épouse la veuve de son frère, afin de poursuivre la lignée de son frère.
J'avais connaissance que l'extraction du sable sur les côtes capverdiennes était un moyen de subsistance pour de nombreux habitants. Il faut nourrir la famille et les terres arides des îles ne sont pas très généreuses. Alors même si c'est illégal, cette activité est très fréquente. Les conditions sont extrêmement éprouvantes mais curieusement ce sont quasi exclusivement des femmes qui exercent ce travail. Ce sont "les voleuses de sable", elles ramassent le sable et le revendent à l'industrie du bâtiment pour subvenir aux besoins de la famille.
J'ignorais le travail de casseuse de pierres ... on les trouve dans le sud de Brazzaville, dans la carrière de Kombé des femmes concassent la pierre. Organisées en coopérative grâce à l'appui de l'État, elles développent une filière économique pour écouler leurs produits. Pour se nourrir et sauver leur petite famille, elles ont accepté ce dur labeur. « Nous ne comptons pas sur les hommes pour vivre. La plupart ici nourrissent leurs enfants seules. Les jeunes filles qui nous rejoignent dans ce travail ont traversé des difficultés énormes. Elles savent ce que c'est que de vivre sans travail et sans argent »

Ce livre part d'une situation bien réelle de femmes casseuses de pierres pour nous raconter une histoire de lutte sociale sur un continent où être femme est déjà un lourd handicap, il faut affronter les coutumes de soumission à l'homme, à la tradition et se débrouiller avec les enfants, héberger, nourrir, tout le monde ...
La recette est bien connue mais pas toujours facile ni à appliquer, ni à mettre en oeuvre, l'union fait la force, l'unité est le remède miracle ...
Une description glaçante de la condition féminine en Afrique, une lutte sociale réussie qui nous permet d'obtenir une belle photo de groupe au bord du fleuve .
Commenter  J’apprécie          30




Lecteurs (1080) Voir plus



Quiz Voir plus

L'Afrique dans la littérature

Dans quel pays d'Afrique se passe une aventure de Tintin ?

Le Congo
Le Mozambique
Le Kenya
La Mauritanie

10 questions
289 lecteurs ont répondu
Thèmes : afriqueCréer un quiz sur ce livre

{* *}