Publié en 2010,
Photo de groupe au bord du fleuve est un roman du Congolais
Emmanuel Dongala, déjà connu pour
Johnny chien méchant ou le recueil de nouvelles
Jazz et vin de palme. Se plaçant nettement dans la veine sociale,
Photo de groupe au bord du fleuve est un roman résolument féministe, militant pour une dignité au quotidien pour ces femmes africaines.
Au bord du fleuve, dans un pays africain sans nom mais similaire à tant de pays de cet immense continent, un groupe de femmes casse des roches. Elles en font du gravier qui servira pour tous les chantiers du pays, et en particulier pour celui du nouvel aéroport international voulu par le président-dictateur, en place depuis 30 ans. Un matin, l'une de ces femmes, Méréana, entend à la radio que les prix des matières premières augmente, et notamment celui du gravier si précieux. le calcul est simple : puisque le gravier est vendu plus cher par les transporteurs, il est normal que les ouvrières, à l'origine de ces graviers, touchent également leur part. Rapidement, le groupe est convaincu, et Méréana se trouve propulsée porte-parole et même présidente. D'abord réprimé dans la violence, le petit mouvement fait preuve d'une témérité étonnante et déconcertante pour le pouvoir, qui change alors de stratégie. L'argent, au coeur de tout, devient alors un argument.
Dongala ne parle pas avec de grands mots et de grandes valeurs : liberté, égalité, solidarité … le combat de ces femmes a pour justification leur survie et celles de leurs enfants. Chacune de ces femmes a sa propre histoire, faite de hauts et de bas, de beaucoup de malchance aussi, d'horreur souvent.
L'Afrique contemporaine que décrit
Dongala est une Afrique très contrastée. Les femmes y sont victimes quotidiennement d'atrocités et de situations intolérables, pratiquées par les hommes et acceptées par la société : ainsi les femmes lapidées car elles se sont plaintes du viol qu'elles ont subi ou encore ces journalistes mises à nues et promenées ainsi dans les rues pour avoir dénoncé les pratiques odieuses de certains groupes masculins à l'égard des femmes. La démocratie n'existe pas, même sous sa plus simple apparence, et l'avantage des décisions revient à celui qui connait les personnalités les plus haut placées. Cependant, l'Afrique demeure une terre de possibles. Qui n'a pas de travail peut créer le sien propre. Les violences commises sont aussitôt connues par un formidable réseau de bouche à oreille qui permet des mobilisations quasi immédiates. Enfin, l'apparence étant, comme partout dans le monde, l'apanage du monde politique, les femmes du groupe du bord du fleuve peuvent compter sur la réunion des premières dames d'Afrique pour faire entendre leur combat.
Loin de dénigrer les hommes,
Emmanuel Dongala indique surtout que les femmes ne doivent pas attendre des droits que des hommes ou des autorités politiques pourraient leur donner, car ce qui est donné peut être repris. Au contraire, c'est par le combat que ces femmes, arrachant ainsi ces droits fondamentaux, pourront les conserver.