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sur 162 notes
Mustapha Kamel, un militant nationaliste égyptien du début du XXe siècle, a dit : « Si je n'étais pas né Égyptien, j'aurais voulu être égyptien. » (Évidemment, on parle ici des Égyptiens modernes, pas ceux des pharaons et des pyramides.) L'auteur Alaa El Aswany (qu'on connaît grâce à son roman « L'immeuble Yacoubian ») se demande pour quelles raisons l'on voudrait être égyptien. Quelles seraient les qualités du peuple égyptien ? Qu'a-t-il fait qui soit digne de mention ? En quoi se distingue-t-il ? C'est le point de départ de son recueil de nouvelles « J'aurais voulu être égyptien ». Il y présente le vrai visage de son peuple. Pas l'image polissée, mensongère que plusieurs essaient de faire croire. Par exemple, Issam Abd el Ati, qui souhaite devenir dessinateur dans un monde où les arts et la culture sont dénigrés ou, du moins, peu pris au sérieux, considérés comme un passe-temps, se butte contre des portes closes et un travail de crève-faim alors que, parfous en Occident, les caricaturistes et autres dessinateurs peuvent gagner leur vie en faisant ce métier qu'ils aiment. La culture n'est pas assez valorisée en Égypte.

Dans cette nouvelle et les autres, El Aswany raconte de destin de laissés-pour-compte, le quotidien des petites gens. Ceux qui subissent et, en même temps, ceux qui font subir. Ces chefs (pas exclusivement ceux à la tête de l'États, aussi les petits chefs de services qui se croient importants mais qui sont plutôt incompétents, même les chefs religieux intransigeants et vivant dans le passé) qui abusent de leur pouvoir. Parfois, même les formules pieuses et joliement tournées peuvent laisser transpirer des préoccupations égoïstes, comme dans « Ma chère soeur Makarem ».

Mais les petites gens ne sont pas innocents non plus, s'il le faut, ils sont prêts à voler leur prochain pour une bouchée de pain, un emploi. Ils sont prêts à tout, en fait. Ils sont souvent jeunes et ambitieux. le meilleur exemple est Hicham, le jeune étudiant en médecine dans « le factorum »,. Qu'a-t-il proposé à au professeur Bassiouni, le chef du département de chirurgie, pour obtenir son poste ? Surement rien de très honnête… Bref, ces jeunes qui dénoncent un système sont près à jouer le jeu quand cela fait leur affaire. Ainsi, ils perpétuent le système… Et pas seulement les jeunes. Tout le monde finit par se laisser corrompre. Dans « Une décision administrative », Mohamed Ibrahim, un brave homme employé au service de nettoyage d'un hôpital, se voit affecté contre son gré au poste d'agent de sécurité et devient un homme dur, intransigeant, méchant.

Petite parenthèse : j'ai beaucoup apprécié la nouvelle « Dans l'attente du guide », elle m'a replongé dans l'atmosphère de la Trilogie du Caire, de Naguib Mahfouz, que j'ai adoré.

Donc, « J'aurais voulu être égyptien » est un ouvrage très contestataire. D'ailleurs, il s'est attiré beaucoup de reproches, allant de l'anti-nationaliste à… bien d'autres choses. Mais cela m'importe peu, et à l'auteur également. Toutefois, ce style si incisif, si critique peut parfois sembler rébarbatif. Il y manque un peu de douceur à mon goût. On y retrouve des visages baignés de larmes (et même de sang), des visages ravagés par la honte et le désespoir. Sinon la cupidité. Des gens qui courbent l'échine. Et qui malgré tout sont fiers d'être égyptien ? Peut-être y a-t-il un peu de rancoeur de la part de El Aswany. Dans tous les cas, comme on dit, on ne peut faire une omelette sans casser d'oeufs… le message est lancé, aux Égyptiens à y voir. En attendant, pour les lecteurs, c'est un moment de lecteur appréciable et intéressant.
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Dès la première nouvelle le ton est donné. C'est évidemment tout sauf égyptien – il ne trouve à son peuple aucune qualité – qu'Issam aurait voulu être, étranger parmi les siens, et éprouvant pour l'Occident une dangereuse fascination…Frustration, fantasmes, folie et le piège va se refermer sur celui qui ose mettre en question la fausse gloire d'un régime rongé par la gangrène et qui comme toutes les dictatures n'a pour seule réponse que la répression.

Les autres nouvelles sont de la même veine, qu'elles dénoncent l'hypocrisie de la religion, la corruption du monde médical, la cruauté des enfants, la lourdeur des liens familiaux, l'injustice sociale, la lâcheté de ceux qui veulent réussir à tout prix, bref, une société qui ne fait pas rêver et offre peu de place au talent, à l'humour, à la jeunesse.

Ces textes ont été censurés car trop critiques à l'égard de l'Égypte même si c'est une oeuvre artistique et qui pour cette raison doit être prise au second degré…La censure est malheureusement vieille comme le monde et la liberté d'expression un bien précieux qui mérite d'être défendu ! Cela dit j'ai préféré les romans d'Alaa El Aswany, plus aboutis, bien qu'on retrouve déjà son humour et sa lucidité sous sa plume profondément humaine.
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"Plus notre vision se précise, plus apparaissent les rides" affirme Issam, l'un des personnages principaux de J'aurais voulu être égyptien, recueil de nouvelles de Alaa El Aswany ( dentiste et écrivain engagé dont le célèbre L'Immeuble Yacoubian a été adapté au cinéma) qui étudie les défauts des Egyptiens à la loupe (ce qui a fait interdire ce livre par l'Office du livre).
Un titre ironique (car on attend le si) issu de l'affirmation tronquée de Mustapha Kamal: "Si je n'étais pas né égytien, j'aurais voulu être égyptien".
Evidemment ce sont les personnages qui parlent, se défend en préface Alaa El Aswani.Toujours est-il qu'au fil des pages l'Egyptien est parfois et tour à tour décrit comme "un simple larbin", est capable de harcèlement sexuel, use et abuse de son statut de chef,est un malade égoïste dont la vie passe avant celle des autres, peut être haineux dans une famille haineuse,aime fumer du haschisch dans les réunions amicales,appartient à une "civilisation morte", porte le poids des traditions, a des à priori concernant la sexualité, disjoncte facilement, est avare sauf pour la dot car là c'est la promise qui est cupide...Bref, une caricature impitoyable!!!!
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Ce recueil de nouvelles est paru peu après "L'immeuble Yacoubian", qui a rendu célèbre Alaa El Aswany. Les dix textes présentés sont de longueur très variable, mais tous donnent une image sans complaisance de l'Egypte contemporaine. Je n'ai pas la prétention de connaitre le peuple égyptien, mais je sens bien l'authenticité de ces tableaux de la vie quotidienne dans ce pays. Avec des mots le plus souvent mesurés, l'auteur décrit avec réalisme ses concitoyens : leur mesquinerie, leurs obsessions sexuelles, leur religiosité hypocrite et les impitoyables rapports de force. Cruauté et compassion alternent dans ces nouvelles. J'ai particulièrement apprécié les (courtes) nouvelles "La séance de gymnastique" et "Un regard sur le visage de Nagui" (dont les héros sont des enfants), et aussi "Le factotum" (qui met en scène un jeune adulte).
Mais le texte le plus remarquable est le premier, intitulé "Celui qui s'est approché et qui a vu". C'est une nouvelle particulièrement longue et ambitieuse. Dès les premières lignes, le narrateur Issam Abd-el Ati n'y va pas de main morte: « Je défie qui que ce soit de me citer une seule vertu égyptienne. La lâcheté, l'hypocrisie, la méchanceté, la servilité, la paresse, la malveillance, voici les qualités des Egyptiens ». On comprend sans peine que ce texte ait été interdit dans le pays ! de fait, Issam Abd-el Ati décrit avec virulence la petitesse de ses concitoyens, qui le rejettent et qu'il méprise. Il s'isole dans la tour d'ivoire qu'il s'est construite… jusqu'à une rencontre presque miraculeuse, que je ne me sens pas le droit de révéler ici. J'ai compris que, en fait, le héros est un peu (ou beaucoup) fou; son rejet de la société égyptienne ne relève pas d'une vérité objective. Mais Alaa El Aswany utilise habilement ce personnage atypique pour exprimer ses critiques personnelles à l'encontre d‘un peuple asservi constamment et mal dans sa peau. Ce texte me semble beaucoup plus subtil que ne le laisserait croire une première lecture trop rapide.
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Caricature de l'Egypte ou pamphlet contre l'Egypte, son régime et les égyptiens?
L'état égyptien a choisi : il a muselé la liberté d'écriture de Alaa El Aswany, (auteur que j'ai découvert il y a plusieurs mois avec l'immeuble Yacoubian) et a interdit cet ouvrage qu'il trouvait diffamatoire pour l'Egypte principalement à cause de la première nouvelle "Celui qui s'est approché et qui a vu", nouvelle qui reprend l'essentiel des "Feuillets d'Issam Abd El Ati"
Pour cette raison il faut lire ce livre féroce, qui nous décrit une société égyptienne coupée de son riche passé, voulant vivre la vie occidentale, ses turpitudes et celles des égyptiens, l'hypocrisie et la main-mise des religieux, les chefs incompétents et nuisibles, l'administration inutile la drogue, l'égyptien obsédé sexuel ou avare, ses relations avec les femmes, le piston....
Ce pays se coupe ainsi de ses racines riches, de sa culture millénaire, "l'art et la littérature sont complètement morts en Égypte"
Un humour et une férocité toujours présents confirmant si besoin était l'amour profond que l'auteur porte a son pays détruit à petit feu par le pouvoir et les dirigeants égyptiens
"Vous l'aimez (L'Egypte) exactement comme on aime un spectacle pittoresque au cirque ou comme on aime un à animal rare au zoo. Croyez-moi si vous étiez né en Égypte, ce serait une tragédie."

Lien : https://mesbelleslectures.wo..
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Le premier roman de cet auteur, publié après le succès de l'immeuble Yacoubian. L'Office du livre en avait refusé la publication, le trouvant injurieux pour la nation égyptienne.
El Aswany nous montre une galerie de personnages attachants, énervants ou même détestables (selon qu'ils ont du pouvoir ou non). Il n'est pas tendre avec ses compatriotes mais nous montre aussi les difficultés auxquels ils ont à faire face à cause d'une administration inhumaine. Obscurantisme, arbitraire et corruption règnent en maître. Et il est difficile de trouver sa juste place dans une telle société.
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Avec son humour corrosif, loin des clichés touristiques, l'auteur nous emmène dans les coulisses d'un pays très secret, l'Égypte. Ce recueil rassemble des textes non publiés ou peu connus d'Alaa El Aswany. Il s'ouvre par une longue nouvelle (ou un court roman au choix), intitulée bizarrement "Celui qui s'est approché et qui a vu", reprenant pour l'essentiel "Les feuillets d'Issam Abd El Ati" qui ont valu tant de déboires auprès de la censure égyptienne au futur auteur de "L'immeuble Yacoubian". Les autres nouvelles, plus courtes, sont tout aussi savoureuses. Elles dépeignent sans pudeur et sans complaisance les diverses facettes de l'âme égyptienne. Quel curieux mélange de roublardise et de finesse que l'esprit égyptien d'aujourd'hui, façonné par des siècles de servitude après avoir dominé le monde "civilisé" ! J'ai particulièrement apprécié la nouvelle intitulée "Le factotum", où l'on voit Hicham, un brillant étudiant en médecine, tout innocent dans sa candeur juvénile, se hisser d'un puissant coup d'épaules dans la hiérarchie du département de chirurgie d'un grand hôpital du Caire. On ne saura pas quel stratagème il a utilisé pour se faire valoir auprès du grand patron, mais ce n'est sans doute pas joli joli... Cela se passe pourtant ainsi dans notre pays, non ? À travers l'égyptien, c'est bien l'homme qu'Alaa El Aswany dépeint. Balzac n'est pas loin...
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Ainsi que cela transparait entre les lignes de la préface, il ne s'agit que de notes sous forme de petites nouvelles écrites avant "L'Immeuble Yacoubian" et que l'éditeur, souhaitant surfer sur la vague du succès de ce best-seller a souhaité publier dans la foulée. Malheureusement, il n'y a pas de magie dans l'écriture ni dans les faits relatés. (simple opinion, bien sûr)
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Il faut savoir que dans cette édition (Babel) ce mini roman ou longue nouvelle partage l'ouvrage avec une quinzaine d'autres nouvelles. D' où une certaine doublle déception. La première de la nouvelle principale qui relate la vie de Issam. Un personnage qui vit dans son monde. Un univers a plusieurs niveaux dont la réalité et l'imaginaire se croisent et s'entrecroisent. Une critique sans pitié de la société égyptienne dont la petitese des caractères est sans cesse mise en avant. La seconde déception vient des autres nouvelles. Leurs chutes m'ont generalement déçues. Il n'en reste pas moins que l'on retrouve avec bonheur le style oriental et prenant de l'auteur qui lui a valu une telle renommée pour son roman majeur: " L'immeuble Yacoubian".
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Des nouvelles, dont une - plus longue - "Celui qui s'est approché et qui a vu" annonce le succès des romans qui suivront. (les ingrédients sont les mêmes : ironie et sarcasmes envers un monde d'hypocrisie et de faux-semblants.
Dans la préface l'auteur raconte avec délice comme son roman a été refusé par l'Office du livre égyptien. Il nous plonge dans un univers où règnent la médiocrité et l'arbitraire.
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