On ne va pas se mentir, ce n'est pas pour sa couverture que j'ai voulu découvrir ce roman… Mais un roman qui traite d'une adolescente qui rêve de faire du stand up, je trouvais le sujet suffisamment original pour avoir envie de me lancer dans cette lecture.
Haylah se décrit comme une mordue de comédie, de one (wo)man show. Elle regarde toutes les vidéos à ce sujet, lit des articles sur le comique et la construction d'un texte percutant, écoute chaque post cast qui traite du sujet. Elle écrit chaque jour avec humour des saynètes sur ce que lui inspire son quotidien, son petit frère Noah et son absence de filtre, ses camarades. A part sa mère et ses deux meilleures amies, personne n'est au courant de sa passion dévorante. Mais tout change quand elle découvre à la fête du lycée que l'un de ses camarades, Leo, partage sa passion du stand-up. Et si elle osait enfin se lancer ?
Seulement Haylah manque considérablement de confiance en elle, entre un père qui les a abandonnés, et un IMC loin des canons de la beauté. Même s'il est hors de question qu'elle s'impose à changer pour répondre aux dictats sociétaux, Haylah vit avec beaucoup de contradiction ce corps plein de rondeurs. Elle estime que ce n'est pas ce qui la définit mais parle en permanence de ce corps encombrant, barricadant ses ressentis derrière beaucoup d'humour. Elle s'est même appropriée le surnom de "truie" que des imbéciles lui ont donné, préférant faire rire et déjouer la méchanceté des autres en leur retirant le pouvoir de leurs insultes. Je comprends la démarche de cette jeune fille (et de l'autrice à travers elle) mais je vous avoue avoir eu beaucoup de peine à lire ce surnom en permanence, à voir tout le monde l'appeler ainsi, même ses amis ou son petit frère. C'est sans doute volontaire mais il n'empêche que ce qualificatif assumé m'a profondément dérangée.
Le second point est que ce roman se veut drôle, avec de nombreuses blagues, monologue ou saynètes que Haylah s'imagine déclamer sur scène. Et cet aspect-là était très plat, l'autrice me laissant insensible à son humour. J'adore les romans qui savent nous faire passer du rire aux larmes en quelques lignes et j'ai trouvé que ce postulat n'était pas rempli. Je me suis ennuyée la première moitié du roman : c'est certes plein d'énergie, de pensées d'Haylah sur sa famille, son collège… mais, sans la pointe d'humour que j'attendais, j'ai trouvé ça long.
Heureusement, l'émotion est arrivée au moment où Haylah commence à affronter ses peurs et ses contradictions, au moment où elle se lie avec Léo autour du travail de l'écriture de sketchs et que ce qu'elle ressent l'oblige à affronter tout ce qu'elle met de côté derrière beaucoup d'humour.
Il est question de féminité, de grossophobie, des injonctions permanentes qui nous sont faites sur l'importance (ou pas) de notre physique, de la différence d'exigence faites aux hommes et aux femmes. La façon d'aborder ces sujets étaient parfois maladroites mais les thèmes sont importants et le maelstrom d'émotions qui parasitent en permanence l'esprit d'Haylah a fait écho à ce que beaucoup d'entre nous ont pu ressentir durant leur adolescence.
C'est un roman pour adolescents et l'originalité de la thématique de base (les stand up), couplé aux questions sur l'apparence, la difficulté de se détacher des dictats que la société (et nous en les intériorisant) nous impose, en font une lecture qui pourra toucher le lectorat visé.
Les idées sont là mais je ressors très partagée sur cette lecture avec, pour ma part, un certain manque d'émotions, notamment d'humour, alors même que c'était la thématique première. J'ai été bien plus touchée par des romans comme
Je suis ton soleil de
Marie Pavlenko et
La fourmi rouge d'
Emilie Chazerand, romans dont les autrices ont su mieux jouer, à mon sens, sur ces gammes émotionnelles, sans perdre en qualité sur les messages en arrière-plan.