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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Une lecture de vacances, une seule ! Mais qui fait son poids : 1108 pages. le courant continu des pensées d'une ménagère de moins de cinquante ans, plutôt stressée et désabusée, vivant dans l'Ohio, et élevant quatre enfants dont une ado plutôt irascible.
Tout en préparant des canapés et autres friandises pour une réception (réception qui au final n'aura pas lieu), notre mère de famille laisse ses pensées divaguer sur des sujets aussi variés que la mort de sa mère (dont elle ne s'est jamais remise), son enfance avec sa soeur et son frère, la série des Ingalls et leur petite maison dans la prairie, l'éducation des enfants, la politique foutraque de Trump, l'Obamacare, la pollution de l'eau, de l'air, son poulailler, les multiples agressions aux armes à feu, son mari Leo, son ado Tracy qui lui reproche tout, son cancer dont elle est sortie, des chansons, des livres (qu'elle n'a jamais le temps de lire), les films qu'elle regarde tout en confectionnant ses tartes tatin, tartes qu'elle vend dans les environs et qu'elle doit livrer tout en conduisant ses enfants à la crèche, à l'école ou à leurs différentes activités extra scolaires…
Tout cela dans une longue logorrhée sans point, où les idées s'enchaînent comme lorsqu'on refait le monde, entre potes, sans limite. Une seule notion, une sorte de mantra, fait repartir la machine à penser qui commence inéluctablement par ces mots : le fait que… Une longue logorrhée qui s'explique par un rebondissement inattendu, au détour d'une phrase et sous une pluie de pommes !

C'est très déstabilisant au départ et j'avoue avoir pensé arrêter la lecture, perdue dans le tourbillon des pensées. Mais un je ne sais quoi m'a clouée à la porte du frigo jaune et je n'ai ensuite pas pu refermer cette lourde porte (je rappelle 1108 pages à digérer) tant les ingrédients à l'intérieur donnaient irrémédiablement le goût d'une Amérique, dans toute son âpreté : pollution, armes à feu, éradication des Indiens, racisme, violence… Une Amérique dont on sent bien que l'auteure ne supporte plus, ne reconnaît plus.
Et toutes ces réflexions arrivent au détour d'un mot, d'une allitération, d'une conjonction de pensées, sans que le lecteur ne voit arriver l'impact, ni même parfois l'humour qui surgit dans ce maelström de mots.
Les seules interruptions, plutôt courtes, sont celles apportées par l'observation d'une lionne d'Amérique (couguar) qui élève trois lionceaux et les difficultés qu'elle rencontre pour les protéger et les maintenir en vie. Quel parallèle ! Mais il faut avouer que du point de vue humain ou animal, la mère connaît les mêmes angoisses.

Bref ! Mais est-ce vraiment le mot qui convient… Un très bon roman qui nous parle de la difficulté d'être mère dans une Amérique de tous les excès.
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Mille cent pages de lecture, un peu difficile au début, très prenante par la suite. Lucy Ellmann propose deux récits imbriqués, qui vont petit à petit se rejoindre. Dans le second, un narrateur omniscient conte la vie d'une femelle cougar (puma, lionne des montagnes), ses préoccupations de mère, sa compréhension étonnante, décalée, des humains.
Mais l'originalité et la force du roman tient surtout à la nature du récit principal. Plus de mille pages de texte compact, avec pour seules séparations des virgules. Il s'agit du monologue intérieur d'une « ménagère de moins de cinquante ans », « monologue intérieur, mais perméable au monde » comme dit François Bon*. Les pensées se succèdent, souvent sans lien apparent et introduites par le leitmotiv « le fait que » ; assez souvent limitées à quelques mots. La phrase (unique, pour mille pages) avance aussi parfois par associations d'idées ou de sons, et c'est cela qui m'a rendu la lecture difficile au début : pas question d'avoir une lecture rapide, attentive seulement au sens général, il faut saisir en détail chaque mot pour suivre les méandres de l'expression. Cette lecture attentive est aussi nécessaire parce que la narration n'est pas exactement chronologique : des faits sont mentionnés, jusqu'à un final grandiose, mais toujours dans ce flux de réflexions qui souvent revient en arrière et introduit les événements par le petit bout.
Les préoccupations de la narratrice sont surtout celles d'une mère de famille inquiète (comme la lionne des montagnes) : qu'est-ce qu'être un bon parent, comment profiter de ses enfants mieux qu'on n'a vécu avec ses parents, comment vivre dans un monde que l'homme est en train de détruire, comment faire face au « silence méprisant » d'une ado... L'autrice n'a vécu que treize ans en Amérique mais nous fait partager sa vision pessimiste de ce que deviennent les États Unis, minés par la violence, le sexisme, les inégalités sociales et un président qui confond le monde réel avec ses opinions. Elle nous parle aussi beaucoup de faits culturels : livres pour la jeunesse et surtout films anciens, dont un bon nombre que je ne connaissais pas ou plus assez. Beaucoup de rêves sont aussi rapportés avec de nombreux détails, je ne sais pas au juste à quoi ils servent, disons au moins à mieux nous immerger dans le cerveau de cette femme inquiète et proche de chacun de nous.

Pour finir il faut saluer la traduction de Claro : comme Ulysse ou Finnegans Wake ce roman est un bloc de texte et la traduction rend bien les aspects formels et poétiques de cette grande déferlante. J'ai hélas remarqué quelques erreurs de traduction (qui vont au-delà du choix discutable, je pense, mais je n'ai pas le texte anglais), quelques problèmes de relecture : mots manquants, erreurs de syntaxe. Mais ces brèves irritations ne m'ont pas gâché cette longue lecture, dont je suis sorti époustouflé.

* le fait que Claro (ou : Claro traducteur des Lionnes de Lucy Ellmann) - YouTube ).
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Le fait que...voilà la ritournelle de ce livre, en boucle, injonction à une forme d'hypnose...J'ai picoré ce livre et ne l'ai pas lu comme un livre normal car ce livre est hors norme... le fait que l'auteur arrive à me toucher, le fait que j'ai été comme en apnée lorsque je picorais ce texte, dense, véritable fleuve de 1 phase, une seule , déferlement de pensées,de listes de courses, de publicité, de musique, de jeux de mots aussi (je me suis demandée comment avait fait la traductrice pour traduire ces jeux de mots)...inclassable et irrésistible...je me surprends à me dire, tiens est-ce que moi aussi j'entremêle ainsi mes pensées, ce que j'entends, ce que je vois. Cela se passe-t-il ainsi dans le cerveau? Ce livre vaut le détour, je comprends qu'il puisse énerver mais se donner une liberté en le lisant comme on l'entend permet de trouver la démarche passionnante.
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« Je n'avais d'autre interlocutrice que moi-même, et il est absurde de coucher par écrit ce que l'on se dit à soi. »
Lucy Ellmann a pris le contre-pied de cette phrase d'Edith Wharton dans son roman Les Lionnes, laissant son personnage de mère de famille soliloquer à sa guise sur plus de mille pages bien serrées. Celle dont on ignorera même le prénom jusqu'à la toute fin, cuisine tartes et gâteaux dans sa maison de Newcomerstown, Ohio, revendus à quelques commerces du coin. Son second mari Leo, ingénieur civil, est souvent en déplacement pour son travail et la charge de la maisonnée lui incombe donc en grande partie. Quatre enfants à aimer, éduquer et soutenir : Stacey, 15 ans, Ben, 9 ans, Gillian, 8 ans et Jake, 4 ans, plus quelques poules dans son jardin, sans oublier deux chats et un chien. Bref, le quotidien d'une mère au foyer tentant de garder le cap.
J'ai été déroutée au début par le style télégraphique des phrases, les digressions abondantes, les accumulations de faits divers et les sigles et acronymes (avant de constater trop tard leur définition dans une liste placée à la fin du livre). En plus de pratiquer des associations inconscientes (tous frais payés, touffe rayée; Fox News, fake news, barbouze; austère, Jane Austen; où est Jake, chèque, chaque, lac), la narratrice se lance dans des diatribes intérieures contre les armes à feu, la pollution, la politique (Trump), la violence conjugale, l'ingratitude des ados, les blessures d'enfance et j'en passe. En parallèle, comme une pause à tout ce verbiage, on suit le parcours d'une femelle couguar et de ses petits, retour à l'instinct maternel originel ancré dans la nature.
Obsédant, hypnotisant, ce roman m'a ébloui, me projetant dans les pensées incessantes de cette femme, ses peurs, ses rêves, ses souvenirs, ses projections. Une femme ordinaire prise dans le tourbillon de la vie moderne et connectée, timorée en société, mais qui affiche intérieurement une pensée solide, un bon jugement et un amour indéfectible envers sa famille. le roman s'avère une critique cinglante de la société américaine autant dans son histoire passée que dans ce qu'elle représente aujourd'hui. J'ai bien ressenti cet énorme cri du coeur d'une citoyenne en alerte car ce que nous observons et constatons depuis quelques années, de l'autre côté de la frontière, est loin d'être rassurant pour le futur.
Et pour reprendre le fil de la narration, le fait est que c'est un maudit bon roman!
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Voilà un "roman fleuve", c'est le moins que l'on puisse dire !
J'ai aimé tout d'abord ce jaune bien vif de la couverture (je ne découvre qu'à l'instant qu'il s'agit d'un frigo avec la poignée, c'est fou, je n'y avais absolument pas fait attention !!!), ce titre, intrigant, si éloigné de la thématique de la quatrième de couverture, a priori, son épaisseur, je vous l'avoue, me refroidissait un peu (ahh, le frigo!)...
J'ai été -décidément!- un peu lente aussi à prendre conscience de l'exploit de la forme voulue par l'auteure : quasiment 100 pages, en... une seule phrase !!! Je cherchais naïvement la fin du chapitre pour voir où je m'arrêterais pour une première entame... mais ne l'ai point trouvée, loin s'en faut ! du coup, là j'étais plutôt mitigée, sceptique devant cette drôle d'idée. Puis, j'ai lu. J'avoue, j'ai dû me prendre par les yeux, car ce gros frigo m'était fermé de manière assez hermétique, dur dur d'y mettre vraiment le nez, d'en percevoir tous les mets cachés. Mais, finalement, au bout, tout de même, de quelques 100-150 pages d'effort laborieux, ça y est, je suis tombée dedans, j'ai plongé dans cette écriture rafraîchissante, tellement originale, cette richesse de thématiques abordées, cette sensibilité, cette justesse de ton, cette habileté à tout dire tout en taisant les choses... J'en suis sortie, comme je l'aime après une lecture forte : remuée, interpelée, pleine d'admiration.
J'espère que cette petite tartine vous aura donné l'envie d'entrouvrir ce beau frigo littéraire, car, même s'il se mérite, vous pourrez en savourez chaque saveur distillée au gré de ces très belles pages.
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Défi relevé par Lucy Ellmann et par Claro, le traducteur (et par moi aussi du coup ). 1100 pages d'une seule phrase, un long rugissement, un long flux de pensées, où se dessine la personnalité de la narratrice, son passé, son présent, sa vie. Une femme sans nom qui partage ses opinions sur son pays qui part a volo, sur l'économie, sur l'ecologie, la planète etc...avec humour mais inquiétude. La narratrice tisse un portait inquiétant des États-Unis, "la + grande démocratie du monde" où on risque de se faire tirer dessus n'importe quand, où l'on doit s'endetter pour soigner un cancer, où l'on risque sa vie chaque jour en buvant de l'eau polluée ou de la nourriture enrichie en plein de trucs dégoûtants. La narratrice est une mère de 4 enfants qui a une petite entreprise de pâtisserie, très timide, peu sûre d'elle, fragile et pourtant elle se débrouille plutôt bien.
C'est bien écrit, bien rythmé même si 200 pages de moins n'aurait pas été gênant.

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Le fait que je ne me serais sans doute jamais lancée dans cette lecture fleuve si je n'avais pas eu devant moi au moins 2 semaines de confinement, le fait que ça m'a pris exactement 17 jours pour en venir à bout, le fait que ça valait le coup, le fait que si on passe outre la lourdeur apparente du texte et que si on se laisse glisser sur les phrases, les mots, les noms qui s'enchaînent à vous couper le souffle, en énumérations plus folles les unes que les autres, le fait qu'il est judicieux d'avoir Google à portée des yeux pour pouvoir apprécier pleinement les foules de références culturelles typiquement américaines, le fait que le dernier tiers de ces 1100 pages et quelques m'a vraiment bien accrochée, le fait que ce roman est un sacré tour de force d'écriture, qu'il ne ressemble à aucun autre et que je suis contente d'avoir vécu cette lecture-expérience, le fait que je me demande si l'auteure n'aurait pas innocemment glissé le prénom de la narratrice, quelque part, au milieu de son pavé.
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« Les Lionnes » de Lucy Ellmann, traduit de l'anglais (Ducks, Newburyport), par Claro, puis édité en France (2020, Seuil, 1152 p.) a été finaliste du Booker Prize 2019. Une référence donc, margé ses huit phrases qui d'étalent sur les onze cents et quelques pages.
Fille de deux critiques littéraires américains et mariée à Todd McEwan, également écrivain, elle a se quoi lire (dans sa cuisine, bien entendu). Elle a commencé des cours dans un atelier d'écriture créative (creative writing) à l'université de Kent, à Canterbury. Très vite lassée de l'ambiance universitaire, elle se et à son compte, reprenant son adage préféré « Workshops are for jerks. What you need is an editor » (Les ateliers sont faits pour les abrutis. Ce qu'il vous faut c'est un éditeur). Voilà les futurs écrivains en herbe prévenus.
Un long monologue intérieur d'une femme, mariée à Leo, quatre enfants, ses chats et ses poulets. Elle prépare des tartes tatin pour un restaurant local. Pas tout à fait remise du décès de sa mère, mais remise d'un cancer et d'un premier mariage. Il faut dire qu'elle vit dans l'Ohio
Le tout sous forme de monologue intérieur. Dans les ateliers de création, on appelle cela le « courant de conscience » ou le « flux de conscience » (Stream of consciousness). C'est ce que ressent Molly dans « Ulysse » de James Joyce. C'est la 18eme partie, ou « Penélope » avec le rêve éveillé de Molly « je l'ai poussé à me demander en mariage oui d'abord je lui ai donné le morceau de gâteau à l'anis que j'avais dans la bouche et c'était une année bissextile comme maintenant oui il y a seize ans mon dieu après ce long baiser je pouvais presque plus respirer oui il a dit que j'étais une fleur de la montagne oui c'est ça nous sommes toutes des fleurs le corps d'une femme oui voilà une chose qu'il a dite dans sa vie qui est vraie et le soleil c'est pour toi qu'il brille aujourd'hui » où c'est plein de « oui » qui commencent en « o » et qui se terminent quasiment en orgasme « puis il m'a demandé si je voulais oui de dire oui ma fleur de la montagne et d'abord je l'ai entouré de mes bras oui et je l'ai attiré tout contre moi comme ça il pouvait sentir tout mes seins mon odeur oui et son coeur battait comme un fou et oui j'ai dit oui je veux Oui ».
Dans « Les Lionnes », le oui orgasmique est remplacé par « le fait que ». le retour à la réalité, coincée derrière la porte du réfrigérateur jaune de la couverture. Et il y en a des « le fait que » qui commencent chaque réflexion, 19396 en tout. Sur plus de 400 000 mots en tout, cela fait tout de même près de 13 %, soit près de 140 pages. Un index de fin avec tous les « le fait que » serait bienvenu.
"le fait que nous ayons soudainement décidé de faire tout ce tas de pommes de senteur comme cadeaux de Noël pour les gens.........". Pour un peu on aurait droit à la recette (un peu comme dans « O » de Miki Liukkonen que je viens de finir).
Cependant ce qui reste de ce pavé, c'est une peinture des USA plus que sombre. L'image qui vient en tête c'est le tableau de Goya au musée du Prado à Madrid « Saturno devorando a un hijo » (Saturne dévorant un de ses fils). Toile sombre au sous-sol du musée dans la salle des Goya, pas très loin du « Perro semihundido », image du chien qui se noie.
Mais la réalité est là avec Donald Trump et ses groupuscules d'« Open Carry », défendeurs du second amendement sur le port d'armes. Pour ce qui est de la longueur de la phrase, et de sa non-ponctuation, je préfère, et de loin le « Zone » de Mathias Enard (2008, Actes Sud, 516 p.) qui a en plus la contrainte des pages et du kilométrage entre Paris et Rome.
Pour la traduction (remarquable comme souvent) de Claro, quelques trouvailles, sa marque de fabrique « deux semoules, deux semaines, Smetana » ; « forêt, faux rat » ;ou le plus douteux « ascétique, assez de tiques ». Mais après tout, je préfère encore (et toujours de James Joyce les « Sinbad the Sailor and Tinbad the Tailor and Jinbad the Jailer and Whinbad the Whaler and Ninbad the Nailer and Finbad the Failer and Binbad the Bailer and Pinbad the Pailer and Minbad the Mailer and Hinbad the Hailer… »
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