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EAN : 9782343187396
162 pages
Editions L'Harmattan (25/10/2019)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
De sa terrible solitude, la poète va tenter de faire « une voie » où retrouver des « traces » de l'Aimé, notamment dans la neige, avec son silence, sa blancheur qui l'associe au vide mais aussi à un réel immatériel. Elle même y sera « dans l'embrassement du Ciel et de la Terre,/ […] la ligne de l'horizon ». D'où une poésie aux résonances métaphysiques où se mêlent références mythologiques et bibliques. Ce recueil réunit les poèmes ayant gagné en 2019 le prix Naji Na... >Voir plus
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Sonia Elvireanu - le souffle du ciel
Collection Accent tonique - Poésie
L'Harmattan © octobre 2019
155 pages

Sonia Elvireanu est poète, romancière, critique, essayiste et traductrice. Elle écrit en roumain et en français. Membre de l'Union des écrivains roumains. Professeur à l'Université de Cluj-Napoca, Roumanie.

Le livre est dédié à l'être aimé. Celui-ci est comparé à l'une des plus belles manifestations naturelles : l'arc-en-ciel. Ce phénomène s'avère plus magnifique encore en raison de son caractère éphémère et insaisissable. Comme peut l'être l'amour. La lecture commencée, on devine vite que l'aimé est absent de la vie de l'auteur.
Je flâne dans la lumière pour retarder
la nuit avec l'étrange absence de toi.
Absent mais espéré.
A chaque tombée du soir je suis toujours
plus loin, mais si près de toi, mon amour
Cette absence, cependant, est refusée comme telle par le poète. Sonia Elvireanu évoque le passé au temps présent afin d'immortaliser le moindre souvenir. Peut-être aspire-t-elle à revivre le rêve d'Orphée :
Fais-moi découvrir que tu vis
quelque part dans un autre temps
Quel miroir traverser, quelle dimension investir pour que puisse s'accomplir le retour de l'aimé ?
tu n'étais nulle part, je t'ai appelé […],
je t'ai cherché, tu n'étais nulle part
Si le présent borne le passé et ignore le futur il est avant tout l'inverse du perpétuel. Les saisons passent et se renouvellent ; le temps épouse son orbe. C'est grâce à la contemplation du monde et à la compréhension de ses cycles que le poète va pouvoir incarner le disparu dans tout ce qui existe alentour ainsi que dans une temporalité sans limites. Cette communion nécessite des liaisons permanentes entre le moi profond et la réalité. Voilà pourquoi, dans ce recueil, abondent les références aux arbres, aux fleurs, depuis l'humble pommier fleuri au jardin, jusqu'à un rosier jaune, en passant par un bouquet de bouleaux. Mais aussi au terreau nourricier, au vent, à la pluie, au feu (très présent dans les allégories employées) ou bien encore à la neige, à la fulgurance d'un ciel au Levant. C'est parce que la beauté du monde a été partagée qu'elle s'éternise. Cette certitude acquise perpétue l'amour. L'aimé vit partout, peut ressurgir à l'improviste, regarder en se taisant ou bien interpeller. D'où le recours à des bribes de dialogues — rêvés ou rappelés ?
« Ouvre, ma bien-aimée, le jour est en train de mourir,
je suis venu te caresser […] »
En déployant une incantation lancinante, parfois traversée par le cri (ou, plutôt, par le désir d'un cri qui jamais ne vient), entre le souffle vital qui la porte malgré tout et la fascination du silence, Sonia Elvireanu tente d'exorciser l'insupportable.
Tout le texte est bercé par un ton élégiaque. le choix de l'exergue est révélateur. Cette citation de Rilke est extraite de la Première élégie de Duino. L'élégie, composante du classicisme germanique, excelle à exprimer le sentiment humain. Elle s'avère souvent mélancolique, parfois plaintive :
l'absence et l'ombre font souffrir
Si le distique élégiaque n'est pas toujours de mise ici, les strophes demeurent brèves et le rythme des vers, s'il n'est pas à dessein régulier, révèle toujours cette fluidité nécessaire au genre. Aucune hystérie, pas d'excès, mais beaucoup de pudeur, d'humilité. C'est en usant de douceur que Sonia Elvireanu choisit non pas d'effacer la mémoire de l'aimé mais bien de la conserver dans le moindre repli de la vie, non pas d'oublier l'absent mais d'incruster littéralement ses traces, comme si elles demeuraient palpables, dans chaque élément d'un paysage.
Mais le choix de Rilke nous éclaire également sur la démarche de l'auteur. A l'instar du poète autrichien, Sonia Elvireanu tisse des liens entre l'espace invisible de l'intériorité humaine et l'espace visible de la réalité de l'univers. A de rares exceptions près, comme il a déjà été constaté, c'est à l'aune du présent que l'auteur considère ces perspectives. Comme si le temps et l'espace se doivent de constituer une seule et unique dimension, comme si l'intimité de l'être et la vastitude du monde ne peuvent à terme que fusionner.
les nuits et les jours ne meurent pas aux tréfonds,
le vif d'hier nourrit mes matins vides,
leur lumière murmure dans le sang du jour
Par ailleurs, on constate le recueil pétri de mysticisme, de religiosité même. Comme le démontre la lecture de plusieurs titres : Psaume / le baptême de l'eau / La dernière confession / Entre les saints et les oliviers / Croix votive / Prière / La bénédiction de la mer, etc. Mais cette première impression s'avère incomplète tant la création poétique est empreinte de sensualité, d'amour de la vie, du désir d'accéder aux révélations terrestres. L'élan ne se brise pas au contact du monde fini ; il se fond en lui pour se gorger de son énergie. de nombreuses références à l'antiquité, mais aussi à la reine de Saba, figure solaire s'il en est, à un souvenir de voyage en Grèce viennent confirmer cette dimension païenne qui s'arrange fort bien du panthéisme évoqué plus haut.
Dès lors, invoquer un dieu apparaît presque réducteur. le poète sait que l'aimé n'a jamais été le centre de l'univers ; il n'en est qu'un élément. Il en va ainsi de tout être humain, simple partie d'un tout. La création est traversée par une sève unique et organisatrice. Une énergie sans commencement ni fin, universelle. Son dynamisme se manifeste dans le mouvement perpétuel qui détermine les trajectoires des planètes dans l'infini du cosmos au même titre que les ellipses des électrons au sein de la matière finie de nos corps.
Je suis une ronce dans la plaine,
le vent me courbe, mais ne m'arrache pas,
le soleil m'étouffe, mais ne me brûle pas […]
Cette énergie « dédaigne de nous détruire » (Rilke). Jamais elle ne nous terrasse mais, au contraire, nous renforce, décuple l'amour, abolit la distance qui pouvait nous séparer de l'absent :
le ciel m'enlève, la lumière me caresse,
les feuilles me bercent,
me tissent un manteau pour que la froideur
de la pierre ne m'envahisse pas […]
L'espérance violente, les rêves éveillés, tant de souvenirs si vivants, toutes ces promesses d'aubes encore lointaines, pour le poète, sans cesse, se perpétuent dans «le souffle du ciel ».

© 2020 Gérard le Goff
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