Derrière ce titre, tout à la fois beau, original et énigmatique – «
Demande à la poussière » –, se trouve l'histoire d'un écrivain – Arturo
Bandini –, encore balbutiant, partagé entre son ambition d'être publié et son envie de connaître, aimer et détester les femmes. Aimer et détester, car la relation qu'il établit avec elles est des plus troubles ; au mieux empreinte de la gaucherie de la jeunesse, au pire – et c'est ce qui s'affirmera au fil des pages – manifestant un réel comportement pervers, voire mentalement sadomasochiste. Une serveuse de bar, d'origine mexicaine, Camilla, en fait les frais. Quand elle s'ouvre à lui, il la moque méchamment et la rabroue ; quand elle s'éloigne, il cherche à la revoir. Un lien avec son activité littéraire paraît pouvoir être esquissé : on observe les mêmes hésitations, parfois la même impuissance, mais aussi une passion excessive. de Camilla, on dirait qu'il veut faire un personnage de roman haut en couleur, avec des émotions exacerbées, une réelle souffrance, une sombre désespérance ; un personnage dont il pourrait s'inspirer pour des écrits futurs (c'est d'ailleurs, ce qu'il fera, mais avec une autre, la dénommée Vera, rencontrée comme dans un rêve). Est-il conscient du mal qu'il inflige ? Pas, sûr, lui qui se perd dans un olympe artistique, bien au-dessus des autres :
« Dis, pourquoi t'es si méchant que ça ?
– Méchant ? Ma chère petite, moi j'aime hommes et bêtes tout pareil. Il n'y a pas la moindre trace d'animosité dans mon système. Après tout, on ne peut pas être à la fois méchant et grand écrivain. » (p. 169)
Ce récit à la première personne est fort et noir. Sur fond de Los Angeles des années trente, il mêle la dèche, la faim, l'alcool, la drogue, la violence (morale surtout), le désespoir… le style est direct, âpre, avec parfois des incorrections volontaires pour mieux montrer la brutalité de certaines situations (par exemple, lors d'un tremblement de terre : « le sang et les blessés. Dans un immeuble de cinq étages, que j'étais quand c'est arrivé, même que je dormais à poings fermés » – p. 151).
Je m'interroge encore. Quelle était donc la question à laquelle on a répondu :
demande à la poussière ?