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EAN : 9782866653910
206 pages
Hermé (05/11/2004)
4.67/5   3 notes
Résumé :
La déportation et la mise en esclavage de plus de 15 millions d'Africains constituent l'une des plus grandes tragédies à l'origine du monde occidental actuel. Systématique et sans pitié, la traite négrière s'organisa en système économique global durant quatre longs siècles. Dans la plupart des pays européens, un semblant de débat séparait ceux qui protégeaient ce marché fort lucratif et de nombreux philosophes, dont la volonté humaniste, confrontée à leurs propres i... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Parce qu'une critique de « Autobiographie d'une esclave » par thedoc m'avait mise en appétit, me voilà avec l'envie d'approfondir le sujet. Cela tombe bien un docu avec un auteur dont le nom commence par une lettre qui me manque pour le challenge ABC m'attendait sur les rayons de la bibli.
En 1994 l'UNESCO lança le programme La route de l'esclave, afin de « contribuer à une meilleure compréhension de ses causes et des modalités d'opération ainsi que des enjeux et des consé-quences de l'esclavage dans le monde » « de mettre en lumière les transformations globales et les interactions culturelles issues de cette histoire » et « contribuer à une culture de la paix en favori-sant la réflexion sur le pluralisme culturel …»
Ce livre y fait référence, son titre semble en découler et l'un des auteurs Marie-José Theil est en charge dudit programme. L'autre Claude Fauque est une spécialiste du textile, elle avait donc eu l'occasion de croiser le sujet de la culture du coton et de l'indigo. Divers voyages l'y avait aussi ramené.
Je trouve une certaine ressemblance, hors le format, entre ce livre et ceux de la collection Découverte Gallimard. Environ 190 pages, une riche iconographie, des extraits de journaux et livres contemporains des faits, des citations. Il comprend deux préfaces, l'une de ton plutôt humaniste de M. Olabiyi Yaï, délégué de la République du Bénin auprès de l'UNESCO, et l'autre un peu plus belliqueuse de Mme Christiane Taubira, alors députée de Guyane. Il est complété par le texte de la loi du 21 mai 2001 qui reconnaît l'esclavage crime contre l'humanité, quelques cartes d'époques et les compléments des légendes.
Une première partie traite du côté économique de la chose, de son organisation tandis que la deuxième présente le quotidien des esclaves essentiellement en Amérique.
Claude Fauque aborde le sujet par la question de l'assurance de la cargaison pour bien souligner combien la traite des Africains était codifiée, et essentiellement considérée du point de vue économique. L'assurance est effective si la mort survient par « fortune de mer ». C'est ainsi qu'un capitaine jeta par-dessus bord plus de 200 Africains parce que les réserves d'eau étaient épuisées et que la noyade permettait le remboursement tandis que la mort par la soif, non. Fort heureusement ce n'est pas en nos temps plus civilisés que des gens pourraient connaître une fin équivalente sur une mer quelconque.
L'ouvrage s'étend du 15ème siècle où l'utilisation des Africains commença, avant même la « découverte » de l'Amérique par Christophe Colon, jusqu'aux différentes abolitions en Angleterre, France et bien sûr États-Unis. Les premiers furent les Portugais qui implantèrent la culture de la canne à sucre dans des îles du Golfe de Guinée, la nécessité d'une main d'oeuvre importante les amena à se «servir» en Afrique. Puis l'auteur aborde divers aspects tels les Compagnies des Indes, le Code Noir, les différentes côtes africaines : côte des esclaves, côte de l'or, les ports négriers français, en particulier Nantes et Bordeaux. Nantes bénéficiera doublement du commerce triangulaire car l'arrière-pays fabriquait beaucoup de toiles peintes à l'usage des Africains. Il fait un point sur le terme pacotille qui n'avait pas dans ce contexte de connotation péjorative.
L'Afrique était elle-même terre d'esclavage domestique pour faire le travail des guerriers. Mais pour les auteurs si elle a vendu ses hommes et femmes, rien n'indique que les vendeurs africains avaient connaissance de la cruauté du sort des esclaves.
La seconde partie évoque l'arrivée, les différentes plantations : coton, canne à sucre,… les punitions, la place des esclaves, des affranchis et des mulâtres les uns par rapport aux autres. Les métis et noirs affranchis n'étant pas eux-mêmes exempts de préjugés, les noirs libres possédaient également des esclaves s'ils le pouvaient afin de s'identifier aux blancs. Il parle aussi du marronnage, les révoltes, et des divers mouvements en faveurs de l'abolition. Contrairement à ce qui est dit dans les deux ouvrages précédemment lus, il est ici déclaré que la plupart des enfants nés de l'union de l'esclave féminine et de son maitre étaient affranchis, si toutefois le père pensait à le faire avant sa mort car sinon l'enfant était de même statut que la mère. Plusieurs personnages importants sont évoqués : Toussaint Louverture, Harriet Tubman dont j'ai appris qu'elle était le Moses du négro Spiritual « Let my people go », Frederick Douglas, Victor Schoelcher,… et bien d'autres à travers des extraits de leurs journaux ou oeuvres : Bernardin de Saint Pierre, Thoreau,… Les auteurs sont assez critiques envers les hommes des Lumières qui regrettaient les mauvais traitements infligés aux esclaves mais apparemment pas l'esclavage en lui-même, l'infériorité des Africains leur paraissant réelle. Il rend toutefois hommage à des personnages comme Condorcet, l'abbé Grégoire...

Cet ouvrage intéressant est très grand public. J'aurais souhaité plus de précision, plus de chiffres. Par ailleurs si l'iconographie, sortie en grande partie des archives de l'UNESCO, est vraiment riche et diversifiée : tableaux, dessins, gravures, ces images ne sont pas toutes accompagnées d'une légende, même dans les pages en fin d'ouvrage. L'absence d'index indique bien qu'il ne s'agit pas d'un ouvrage universitaire, il aurait pourtant été utile.
Certains dessins sont des caricatures des esclaves, mais il y a aussi de nombreux tableaux et je me suis demandé à quelle fin ils avaient été peints.
Des citations je retiendrais celle-ci de Georges Duby : « Il ne suffit pas de mettre en avant des faits, il faut les regarder avec les yeux des hommes de l'époque. »
A posséder et à feuilleter, ou lire de bout en bout.

Challenge ABC 2014-2015

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"Les routes de l'esclavage : Histoire d'un très grand 'dérangement'" de Claude Fauque et Marie-Josée Thiel est un beau livre sur le fond et sur la forme. Il est très bien illustré et permet de mieux comprendre pour ne pas oublier ce qu'a été le scandaleux commerce d'esclaves noirs déportés d'Afrique, tragédie historique en raison des dizaines de millions de victimes déportées d'un continent à l'autre.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Certains chefs africains ne se laissaient toutefois pas convaincre par les négriers. Ils s’opposaient à la traite, tout au moins dans un premier temps. Mais les négriers avaient des moyens détournés pour parvenir à leurs fins : on sait que l’une des causes du coup d’État de 1818 ayant abouti au renversement du roi Adandozan du Dahomey (1797-1818) fut son hostilité à la traite négrière. Le souverain estimait en effet que « le pays pouvait tirer meilleur profit de l’esclave si on l’utilisait à cultiver la terre. Il réprouvait la guerre elle-même, dans laquelle son peuple perdait un sang et des bras précieux ». Un habile négrier portugais d’origine brésilienne, Francisco Felix de Sousa, intrigue avec l’aide des princes et des dignitaires mécontents de la politique d’Adandozan, et Gankpé, frère du roi et chef d’armée accéda au trône sous le nom de Guézo. Si un chef était débiteur d’un négrier pour des achats de marchandises, il suffisait que ce dernier exigeât son remboursement en esclaves pour que la brèche fût ouverte.
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On a peine à évoquer les tortures infligées : marquage au fer rouge, amputation de nez, des oreilles, des doigts, castration, bûcher… Même si on les replace dans le contexte d’un temps où les châtiments corporels contre les Blancs inférieurs étaient aussi de mise, la systématisation de ces conduites, considérées comme nécessaires à la survie de l’esclavage, demeure effarante. Le fait d’être, sur les grandes propriétés, sous l’autorité d’un «commandeur», sorte de contremaitre noir chargé d’autorité, a encore exagéré les conduites violentes de punition. Car il lui fallait se faire obéir de ses congénères… et tenir le fouet quand il s’agissait de punir les marrons qu’on capturés. Ces pratiques s’établirent dans la durée, ce bon vieux temps où, il est vrai, l’on envoyait aussi au bagne des Jean Valjean pour avoir volé un pain ! L’esclave, qui représentait un investissement précieux, était dans le même cas seulement fouetté ou mis au pilori.
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Nanon fut distinguée par son propriétaire , Guillaume Pierre Tavernier de Boullongne, et en aura un fils, le petit Joseph. Le père, qui l’adore et va s’occuper soigneusement de son éducation, ne peut lui transmettre (toujours le Code Noir !) son titre nobiliaire : il l’adoubera en le faisant chevalier… du nom d’une terre voisine ; et c’est ainsi qu’en plein XVIIIème siècle, le chevalier de Saint-Georges conjuguera son sang africain avec la tradition de la chevalerie médiévale.
[…] Et le planteur enrichi veut que son fils, dont la beauté est éclatante, reçoive l’éducation d’un gentilhomme : tir, escrime, manège, école de danse ; tout lui sera offert, tout lui réussira. Il devint le plus grand escrimeur de son temps (provoquant même en duel le fameux chevalier d’Éon). Mais il reçoit une première rebuffade auprès des mousquetaires du roi : « Les cadets des grandes familles qui s’enorgueillissent de servir dans ces deux compagnies d’élite de la maison militaire du roi repoussent bien vite ce nègre qui n’a pas sa place parmi eux. Ils ont le droit pour eux […]
La musique lui permettra de survivre, et il garde sa popularité dans la société parisienne en vue jusqu’à sa mort en 1799. Trois ans après sa disparition, Paris l’appelait toujours le « Mozart noir ». Mais, le 20 mai 1802, Bonaparte rétablit l’esclavage : il ne s’agit plus d’ériger en exemple un Noir qui « a réussi ». Le silence et l’oubli tombent sur le chevalier de Saint-Georges, son histoire et sa musique. Un silence de deux siècles…
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La déportation et la mise en esclavage de plus de vingt millions d’africains pendant quatre cents ans constituent le plus grand « dérangement » historique à l’origine de notre univers occidental actuel, pour reprendre le terme appliqué en son temps à la déportation des acadiens en Louisiane.
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"Un commerce d'hommes!.... grand Dieu!... et la nature ne frémit pas! S'ils sont des animaux, ne le sommes-nous pas comme eux?"
Olympe de Gouges
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