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254 pages
Calmann-Lévy (01/06/1884)
5/5   1 notes
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Si la postérité a surtout retenu « le Roman d'un Jeune Homme Pauvre », l'oeuvre d'Octave Feuillet, sans jamais être essentielle, n'en est pas moins emblématique d'une époque, tout restant très accessible pour ceux qui ne lui sont pas familiers. Ayant démarré sa carrière littéraire dans les dernières années de la Monarchie de Juillet, d'abord comme auteur de pièces de théâtre, Octave Feuillet voit sa vie basculer lors de la révolution de 1848. Après le court intermède républicain, ce monarchiste plutôt conservateur accueille favorablement l'avènement du Second Empire, mais sa production littéraire se recentre néanmoins sur le portrait doux-amer d'une aristocratie résignée et repliée sur ses valeurs morales. de 1858 à 1870, il demeure un écrivain de tout premier plan, fort apprécié par Napoléon III, qui voit d'un bon oeil le succès de ce nostalgique de l'Ancien Régime qui n'appelle pas l'aristocratie à remettre son roi sur un trône. Octave Feuillet est en effet loin d'être un auteur politique : il parle principalement d'amour, en s'attardant volontiers sur la psychologie de la femme, dont il sait à merveille démontrer l'inconstance et la duplicité, sans toutefois jamais en faire une condamnation morale. Peintre de l'immanence, Octave Feuillet esquisse les dessous des grandes familles non pour les célébrer, non pour les critiquer, mais pour en fixer la mécanique avec une rigueur presque scientifique. Loin de heurter les intéressés, cette démarche fut parfaitement comprise par ses lecteurs et lectrices : fixer est la préoccupation des nostalgiques, émus par la disparition progressive des choses. La force d'Octave Feuillet est précisément d'incarner cette nostalgie, mais sans amertume, sans rancune, sans rejet de la France impériale. Ses romans d'amours, passionnés, souvent dépeignant des romances contrariées ou impossibles, obéissent aux règles du romantisme, mais sont également imprégnées d'une certaine quête de réalisme, même si l'on peut juger avec raison que le réalisme de l'aristocratie française n'a rien de très âpre ou de très intense.
La chute du Second Empire en 1870 est aussi sur bien des plans celle d'Octave Feuillet, qui perd son poste de bibliothécaire au palais de Fontainebleau, et va se montrer extrêmement prolifique durant les vingt dernières années de sa carrière, à la seule fin de pouvoir survivre, tout en s'enfonçant dans un état dépressif qui déteint fortement sur ses derniers romans.
« La Veuve », publié en 1884, six ans avant sa mort, fait précisément partie de ces oeuvres tardives et tourmentées. L'intrigue du roman est comme souvent d'une grande simplicité : Robert de la Pave et Maurice du Pas-Devant de Frémeuse sont deux patriciens amis depuis leur plus tendre enfance, à l'image de leurs familles, toutes deux issues du Perche Sarthois. Les deux jeunes hommes se sont naturellement enrolés dans l'armée à la fin des années 1860. Rien ne les a jusque là séparés, pas même une femme. Mais lors d'un cantonnement à Vichy, Robert de la Pave fait la rencontre de Marianne d'Espinoy, une jeune femme d'une très grande séduction, pour laquelle il s'enflamme comme jamais il ne l'a fait encore. Sans même attendre de rentrer chez lui, il l'épouse quelques semaines plus tard à l'église de Vichy, puis l'envoie, avec sa dame de compagnie Mme de Combaleu, s'installer dans son château familial, où il ne tarde pas à la rejoindre lors d'une permission spéciale.
Maurice du Pas-Devant de Frémeuse, lui, reste mobilisé, et ne participe donc pas aux épousailles de son meilleur ami. Mais celles-ci sont de courte durée, car nous sommes en 1870 : la guerre franco-prussienne vient de commencer, et les deux amis officiers sont envoyés en urgence dans les Ardennes. Mais au cours des combats meurtriers qui ensanglantent cette guerre-éclair, Robert de la Pave est mortellement blessé. Son ami Maurice recueille ses dernières volontés. Mais déjà plus ou moins en proie au délire, Robert fait promettre à Maurice qu'il empêchera de toutes ses forces sa femme - et bientôt veuve - Marianne de se remarier, car il ne veut pas qu'elle soit à quelqu'un d'autre que lui. Il enjoint même à Maurice de ne pas hésiter, si Marianne se choisit un nouveau mari, à le tuer en souvenir de lui. Bien que révolté d'une telle demande, Maurice n'a d'autre choix que de jurer sur l'honneur ce que lui demande son ami mourant...
Après la mort De Robert, c'est sans grand enthousiasme que Maurice va à la rencontre de Marianne de la Pave, heureusement déjà informée par l'armée de son infortune. C'est donc avec une certaine froideur, sur laquelle Marianne se trompe, que Maurice transmet les dernières volontés de son défunt mari. Marianne se hérisse contre cette décision, d'abord parce qu'il ne lui vient évidemment pas en tête de se remarier quelques jours seulement après avoir appris la mort de son mari, mais aussi parce qu'une telle recommandation lui semble être une double défiance, celle de son mari mais aussi celle de son ami Maurice, dont elle prend la froideur désapprobatrice pour de l'antipathie. Cependant au fil des jours, puisque désormais Maurice et Marianne sont voisins, Marianne sent confusément que Maurice a agi en homme d'honneur et en ami fidèle, mais qu'à titre personnel, il désapprouve les volontés De Robert. Aussi lui propose-t-elle un marché : elle accepte de ne jamais se remarier, mais il lui faut une compagnie, dans ce grand château perdu au sein d'une campagne où elle ne connaît personne. Une compagnie sous la forme d'un ami fidèle, constant, qui saura à la fois lui servir de chaperon tout en lui parlant longuement de ce mari qu'elle a si peu connu, et dont elle porte néanmoins le nom et dont elle habitele château. Maurice accepte, mais se sent très vite pris au piège, d'autant plus que sa propre mère verrait plutôt d'un bon oeil la perspective d'un remariage de la jolie veuve avec son fils, et ne prend pas conscience de tout ce qu'une telle éventualité suscite comme tourment et comme culpabilité dans l'esprit de Maurice. Un matin où il doit aller faire du cheval en compagnie de Marianne, il lui envoie une dépèche pour se décommander, et prétend être appelé en urgence par son régiment. Il quitte son château en urgence et rejoint effectivement sa garnison, espérant qu'on acceptera de lui confier n'importe quelle mission.
Mais Marianne de la Pave n'est pas dupe un seul instant de ce départ précipité, et feignant de céder à l'insistance de sa dame de compagnie qui voudrait la marier avec son neveu, d'extraction modeste, mais qui a rondement mené ses affaires pour être à la tête d'une jolie fortune, elle fait annoncer ses fiançailles avec ce dernier, et en tient même personnellement informée la mère de Maurice, laquelle s'empresse d'écrire la triste nouvelle à son fils.
Affligé et furieux, Maurice de Frémeuse rentre d'urgence au Perche et se présente au château de la Pave, devant une veuve tout à fait heureuse de le voir et qui savoure sa victoire. Rappelant à Maurice qu'il est en dette d'une promenade à cheval, elle l'invite à repasser le lendemain, afin qu'ils puissent discuter plus tranquillement...
Maurice comprend alors qu'il est perdu... D'ailleurs, Marianne le lui fait clairement comprendre lors de la chevauchée du lendemain matin : elle n'a l'intention de se marier que si lui, Maurice, l'abandonne. S'il accepte d'être cet ami, ce confident dont elle a besoin, et qu'il s'installe à demeure au Perche, elle consent à casser ce mariage. Maurice n'a d'autre choix que de consentir. le soir même, recevant son fiancé, Marianne le fait boire plus que de raison, et celui-ci, doublement enivré par ses regards provoquants, lui saute dessus et tente de la violer devant plusieurs témoins, dont sa tante. Marianne tient alors un prétexte tout choisi pour annuler le mariage, et en profite pour se défaire de sa trop ambitieuse demoiselle de compagnie.
Maurice devient donc l'ami et le confident de Marianne, mais forcément, dans un petit village où tout se sait très vite, cette fréquentation assidue passe pour une relation amoureuse cachée, et plonge Maurice dans l'affliction. Son honneur est en jeu, et plus encore celui de Marianne. Cherchant une solution à cette situation que Marianne a sciemment provoquée en parfaite connaissance de cause, Maurice demande conseil à tous les gens de confiance auxquels il peut se raccrocher, y compris au curé du village, mais il n'obtient qu'une seule réponse : personne ne croyant un seul instant au caractère platonique de leur amitié, on ne lui désigne sa relation avec Marianne que comme un scandale déjà consommé qu'il est urgent d'officialiser devant l'autel...
La mort dans l'âme et se sentant honteux envers le souvenir de son ami, Maurice se retrouve obligé de demander Marianne en mariage, ce qu'elle accepte avec empressement et même soulagement. Car au final, à jouer à être amoureuse, Marianne s'est laissée prendre au jeu. Chacun est en effet le meilleur parti pour l'autre, même pour Maurice, car Marianne est une femme séduisante, sensuelle, élégante et attentionnée. Il ne pouvait rêver mieux. Seulement voilà, c'est la veuve de son meilleur ami...
Quelques jours plus tard, après avoir célébré le mariage dans l'église du village, une grande fête est donnée dans le château de la Pave, dont il a été décidé qu'il logerait les nouveaux époux. La victoire de Marianne est totale, elle en est très heureuse, mais triste et ombrageux, Maurice s'éloigne de la fête pour se promener dans les bois environnants. Ses pas le conduisent à un petit calvaire où, enfants, Robert et lui s'étaient fait la promesse de partager ensemble leur destin quel qu'il soit. Ce souvenir achève d'affliger Maurice en ce jour terrible, et il comprend qu'il n'y a qu'un moyen de rester fidèle à son amitié et de fuir la situation où Marianne l'a contraint. de sa veste, il sort un petit pistolet qu'il avait amené avec lui, et se tire une balle dans la tête.
Comme on le voit, « La Veuve » est un roman dont l'intrigue repose sur des questions d'honneur et de fidélité qui ne sont plus aujourd'hui de nature à tourmenter grand monde. Ces délicatesses de coeur, alimentées par la perspective du jugement dernier, ont cessé d'avoir cours à notre époque, et ce livre pourrait être parfaitement désuet, si Octave Feuillet ne s'intéressait autant à l'aspect psychologique de l'intrigue. Maurice de Frémeuse est en effet pris dans une spirale dont il ne peut s'échapper, prisonnier de son code de l'Honneur, mais aussi englué dans la toile de cette veuve un peu noire, qui pressent bien qu'elle gagnera au change en épousant Maurice. Pour autant, Octave Feuillet n'en fait pas une manipulatrice perverse : Marianne est juste une jolie femme qui sait quels sont ses atouts, et qui entend bien ne pas être dédaignée par l'homme à qui elle fera l'honneur de s'offrir. Toute la tristesse du destin de Maurice est que strictement personne dans son entourage, pas même Marianne, pas même sa mère, pas même ce gardien des bonnes moeurs qu'est le curé du village, ne soupçonne réellement quel dilemme déchire son âme quant à la promesse faite à son ami agonisant. Au final, le vrai coupable, le vrai traître, c'est Robert de la Pave, qui, en cédant à son orgueil mégalomane, a lui-même enchaîné son ami à sa veuve. Octave Feuillet ne cache pas que Robert est directement responsable du suicide de Maurice, Marianne n'ayant songé pour sa part qu'à refaire sa vie et à fuir la solitude à laquelle son coeur de jeune femme ne trouvait pas grâce. Sans la malédiction lancée par Robert, Maurice et Marianne auraient pu s'aimer ou même s'ignorer sans être malheureux. L'égoïsme du moribond finit par briser atrocement ceux qu'il voulait pourtant épargner...
Originellement, « La Veuve » étant un roman assez court (194 pages en gros caractères), la plupart des premières éditions sont accompagnées d'une courte scénette théâtrale, intitulée « le Voyageur » et présentée comme une suite de "scènes dialoguées". Il s'agit d'une histoire assez proche, en effet, du roman « La Veuve » : Henri d'Albret, explorateur et voyageur, revient dans sa Normandie natale après cinq ans d'exil volontaire. Très amoureux de sa cousine, il avait tragiquement souffert de la voir lui préférer un autre homme et avait donc décidé de quitter la France. Lorsqu'il revient cinq ans plus tard, guéri par ses aventures de sa passion juvénile, sa première visite est pour sa cousine Louise de Breville. Quelle surprise n'est pas la sienne de la découvrir veuve depuis déjà presque deux ans : son mari s'est tué lors d'un accident de chasse, et sa veuve ne l'a guère pleurée longtemps, car il ne l'avait pas rendue très heureuse. Elle est donc charmée de revoir son cousin, et lui trouve même une bien meilleure mine, une allure plus virile et plus affirmée. D'autant plus qu'elle reçoit fort peu de visites, à part celles de deux soupirants qui se disputent l'honneur de l'épouser : l'austère baron de Morne-Aubret et le fantasque et immature vicomte d'Escarel. Comme précisément, ces deux sbires viennent faire au même moment leur visite quotidienne, elle demande à Henri de les écouter et de les juger. Bien vite, Henri comprend que chacun de ces deux hommes, à sa manière, s'intéresse moins à Louise qu'au simple caprice d'en faire leur femme, puisque il leur en faut une, et de l'intégrer, de gré ou de force, à leurs petits univers clos. Une fois qu'ils sont partis, Henri donne ses impressions à Louise, qui les partage, et qui ajoute même qu'elle ne se voit épouser aucun de ces deux tristes soupirants, alors qu'elle l'a refusé lui, Henri, qui avait des mérites bien supérieurs. Aussi, Henri, remué par cette tardive confession, lui demande pourquoi l'avait-elle refusé, puisqu'elle lui reconnaissait tant de mérites ? Mélancolique, elle répond : "Vous vous y preniez si mal...". Henri demande alors : "Mais comment aurais-je dû m'y prendre ?". Et, les yeux enfiévrés, elle lui répond : "Comme aujourd'hui".
Cette touchante petite scène romantique, écrite avec beaucoup de finesse et d'astuce, se révèle au final assez bienvenue, car lue après la dramatique conclusion de « La Veuve », elle en atténue la tristesse et la douleur, et remet un peu de baume au coeur. Sans doute conscient de ce que son roman pouvait avoir de nhiliste et de désespéré, Octave Feuillet n'a pas voulu quitter son lecteur ou sa lectrice sur un sentiment négatif, et soit que cette courte scénette eût dormi dans ses archives, soit qu'il l'ait écrite pour l'occasion, sa douce candeur forme un attachant post-scriptum, qui nous amène à refermer ce livre avec une impression charmante et onirique. Comme toujours avec Octave Feuillet, on croit lire une vieillerie sans grand intérêt, et on découvre un romantisme touchant, intemporel, qui nous réconcilie avec la vie...
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