AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782868535894
Le Temps qu'il fait (02/05/2013)
4.25/5   2 notes
Résumé :
Les poèmes de ce volume ont été écrits entre 1917 et 1923 — date du départ de Fundoianu pour la France, à l’âge de 24 ans — et publiés de 1920 à 1930 dans différentes revues roumaines. C’est donc de Paris que le poète compose son recueil, en effectuant un choix parmi de nombreux textes. On trouve dans Poèmes d’autrefois (Le temps qu’il fait, 2010) un certain nombre de «paysages» d’inspiration similaire.

Cette poésie n’est traditionnelle qu’en apparenc... >Voir plus
Que lire après PaysagesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Benjamin Fundoianu, avant qu'il ne devienne Fondane.

Il s'agit ici de l'édition bilingue, avec la traduction française par Odile Serre, du seul recueil de poèmes écrits en roumain par Fondane. Il est composé en France où il s'installe en 1923 avec des textes écrits entre 1917 et 1923 et il est publié en 1930 en Roumanie. À l'origine ces poèmes avaient fait l'objet d'une publication dans les périodiques littéraires roumains.

Dédié à Ion Minulescu, que le poète qualifie de « premier chantre de la révolte lyrique roumaine » ce recueil révèle une personnalité poétique prête à saper de l'intérieur sous un faux semblant de continuité les modèles classiques.

Andreia Roman en propose une analyse intéressante : le poète « demeure un tempérament lyrique, même dans les terribles années de la guerre ou la poésie s'était révélée impuissante devant « le paysage mécanique, les balles, les barbelés, les tanks », l'obligeant à constater que « le Beau n'était pas moins douteux que la Vérité, le Bien, la Civilisation ». On retrouve, dans ses vers, la plupart des thèmes, traditionnels et modernistes confondus, cultivés par les poètes roumains de son temps : tristesses provinciales (George Bacovia et autres symbolistes), religion du silence (Lucian Blaga), quête de la transcendance (Tudor Arghezi), nostalgie du monde patriarcal (Ion Pillat), rêve des contrées lointaines (Ion Minulescu) ; thèmes qu'il exploite dans un mélange déconcertant d'imitation et de rejet. »

Le maitre mot de ces poèmes reste cependant le désespoir, mais il est à noter qu'aucune dérive lyrique ne vient entacher leur beauté.

Je relève pour finir, un autre poème dédié à Gala Galaction (L'Heure de visite) cité ici par coco4649.
Commenter  J’apprécie          950

Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Sinaia

(II)

Les montagnes font un tourbillon d'eau contre ta joue ;
tu en détaches le bouquet mouillé sur les sapins
aux genoux ployés, à la crinière de nuit,
chevaux rétifs, hennissants et captifs.
Sur les bords de l'étang aux longs cils,
je sais des rires de femmes engloutis
et des regards limpides verdis comme la terrine.
Une flamme annonce l'imminence du vide,
et le chemin cerne l'étang, comme un couteau.
Que de sang ! Le temps, le temps éclate sur le couchant ;
la forêt a ce soir la folle effervescence de la bonde.
Les cerfs ne savent rien de l'automne roux,
et dans leur sommeil, âmes de feuille aux pieds nus,
ils rêvent limiers, cors et chasseurs redoutés,
venus s'emparaient du bocage, de ses bois, de ses sabots –
et la forêt, abattue, pleure, les narines palpitantes.
Commenter  J’apprécie          260
IV


De leur ancienne maison, les vieux sont sortis,
jusqu'au portail, près du grillage rongé de lierre;
dans leurs yeux un sourire d'étang de plaine, serein.
T'en souviens-tu ? T'en souviens-tu encore
Le verger jetait des pierres aux mirabelliers.
Les coings à la peau lisse, derrière les carreaux,
jouaient sur deux claviers pour échanger leurs propos.
Le divan mollissait comme une poire, mon matou,
et on était bien dans le vieux fauteuil moldave,
aux feuilles de bois toujours plus ternies par les ans.
Ils cachent si bien notre jeunesse, les albums
au fermoir de cuivre ! Le passé gît sous la lampe
et comble est le miroir au visage ridé.
Il est si long le temps depuis qu'aujourd'hui n'est plus,
stérile et languissant comme une convalescence.
Tu attends tous les soirs la même diligence
qui débarque toujours les mêmes juifs de retour.
Dans les foyers je sais des navires en partance
et des plages vers New York que l'océan charge d'os.
Un phare fait encore des signes apeurés à travers les volets ;
C'est tout. Te voici devant la claie rongée de lierre :
deux jeunes gens frappent au vieux portail. Tu es sorti,
tu as dans les yeux un sourire immobile, serein,
d'étang de plaine, en automne. T'en souviens-tu encore ?

                                             1922

Commenter  J’apprécie          30
Le bourg sent la pluie, l'automne et le foin.
Le vent apporte du sable, bouillant, dans le poumon,
et les filles attendent dans la ruelle salle
le silence qui tombe sur chaque soir,
et le facteur encapuchonné, lourd et indifférent.
Des chariots pourchassés par la pluie sont passés,
et le silence sur toute chose depuis longtemps moisit.
Dans les maisons, des hommes simples parlent le yiddish.
Des oies, chaussées de jaune, longent d'un pas lent une palissade ;
écoute la pluie étouffer les réverbères à gaz,
et la feuille vieillir dans les cloches de cuivre.
Écoute le long silence gris de l'automne
et la diligence de Dorohoi qui s'approche.
De la plaine, montent, désolés, les troupeaux de bœufs,
et parce qu'ils mugissent, le cou tendu, comme s'ils tétaient –
les yeux rouges, le bourg, saisi d'effroi, mugit.
(Herţa)
Commenter  J’apprécie          50
LE SPLEEN


Dans la maison de silence, de lierre et d'ortie,
pleine du sommeil de hiboux camus, aux yeux petits,
personne ne sait quand l'automne a franchi le seuil,
quand les années se mirent à forcer les murs, pour sortir.
Une cloche sourde appelait au repas et au coucher ;
lors, son airain était déjà fêlé et se couvrait de vert-de-gris ;
je l'écoutais, la bouche contre les dalles, geindre
pour retenir le mortier et la fuite du temps.
Des matous de porcelaine, aux yeux verts, ont ronronné
le départ de ceux qui ne sont plus revenus;
mais on entendait, le soir, dans des gémissements d'accouchées,
les touches s'attarder sur les mains, comme des lèvres.
Peut-être maman est-elle ici, somnolant dans son fauteuil –
elle tricote des bas de douce laine, pour les grands-parents.
Si les pluies rousses soudainement tombaient,
elles couleraient encore dans mes membres, comme dans des gouttières,
et tu serais dans la maison seul, vide et monotone –
comme dans l'île de quelque farouche Robinson.

                                             1921
Commenter  J’apprécie          20
Herța



II
à Colomba

Sur le fil des sentiers, la maison est lointaine ;
le chemin est jaune de sang où les courges ont craché ;
écoute monter la betterave, le fenouil et l’oignon ;
voici, si douces à l’oreille, les sources d’eau vive,
et le matin est de neige entre nous ;
tu foules des ongles de fragrance sur quelque taupinière
et les coqs ont crié sur les blocs de soleil.
L’automne gît au cœur d’une poire juteuse et fraîche.
Les vaches suisses, au blanc tablier, mugissent.
L’aujourd’hui entre au manoir seigneurial
et claires sont les veines sur la main des légumes.
Les bœufs sous leur chapeau de paille vont au labour,
ils frottent leur sommeil inachevé contre les piliers ;
ils ont aux narines une odeur de lait et de ravin
et s’en vont pleins d’ennui susciter le sillon –
derrière la claie, où s’ouvre la nature.

/Traduit du roumain par Odile Serre
Commenter  J’apprécie          20

Videos de Benjamin Fondane (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Benjamin Fondane
Incandescente poésie de la liberté,le feu du dedans : Benjamin Fondane.
autres livres classés : littérature roumaineVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (9) Voir plus



Quiz Voir plus

Testez vos connaissances en poésie ! (niveau difficile)

Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?

Paris
Marseille
Bruxelles
Londres

10 questions
1228 lecteurs ont répondu
Thèmes : poésie , poèmes , poètesCréer un quiz sur ce livre

{* *}