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Jean-Michel Déprats (Traducteur)Gisèle Venet (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070404636
288 pages
Gallimard (04/11/1998)
3.97/5   18 notes
Résumé :
Dans cette tragédie sombre et violente , John Ford (1586-env. 1639) poursuit l'exploration de la pathologie des passions déviantes qu'il avait menée dans ses autres pièces, en montrant l'amour incestueux de Giovanni, jeune étudiant frais émoulu de l'université de Bologne, et de sa propre sœur, la belle Anabella.

Écrite en 1625 dans une langue qui mêle la prose aux vers, Dommage qu'elle soit une putain se situe à Parme, dans l'Italie de la Renaissance.... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Qui sont les grands hommes ? Sont-ils des exceptions, des individualités, des émanations indépendantes, des comètes surgies de nulle part et qui s'en vont de même ou sont-ils la suprême représentation d'une tendance, les personnages les plus en vue de groupes de personnes de talent comparable ?

Plus que jamais, William Shakespeare est l'arbre qui cache la forêt du théâtre élisabétain, qui, de la fin XVIème au début XVIIème a inondé la scène d'une multitude d'auteurs et de pièces absolument exceptionnelles. Et ces pièces exceptionnelles n'étaient pas toutes signées Shakespeare, loin s'en faut.

Aujourd'hui, si je vous parle de John Ford, cela vous évoque forcément le grand cinéaste américain du milieu du XXème siècle. SI je vous parle de Ben Johnson, vous imaginez cet athlète canadien convaincu de dopage en finale du 100 m des J. O. de Séoul. Mais ces noms, ainsi que quelques autres, ont eu une vie avant le XXème siècle. Ce sont d'excellents dramaturges assez injustement oubliés, à tout le moins, de ce côté de la Manche.

John Ford a donc écrit cette pièce (et pas que cette pièce), une magnifique tragédie dont Shakespeare n'aurait pas rougit s'il l'avait eu à son répertoire. C'est une tragédie un peu à la mode espagnole de Lope de Vega, c'est-à-dire que l'auteur n'hésite pas à alterner des passages comiques ou des décalages de niveau de langue entre les différents personnages.

On peut dire sans peur que cette pièce est admirable. Il en fut d'ailleurs tiré une adaptation cinématographique sous le titre Annabella où Romy Schneider et Alain Delon, du temps de leur splendeur, tenaient les rôles principaux. Il est également important de noter que le théâtre jouait, à l'époque de John Ford, le rôle qu'occupa le roman au XIXème siècle et qu'occupe l'essai de nos jours. À savoir, celui d'ouvrir le débat, de mettre sur la table des questions de société, parfois brûlantes.

Ici, il est question d'inceste et de sa perception sociale et religieuse. Ce n'est pas un inceste de type oedipien mais de type jupitérien (car on sait que le dieu des dieux Jupiter était marié à sa soeur Junon).

John Ford, évidemment, place un peu un cas limite, mais que je trouve intéressant pour la réflexion. Un frère et une soeur, beaux et convoités de toute part, ressentent en eux, depuis longtemps et sans oser se l'avouer, un sentiment d'attachement supérieur à la norme communément admise.

Arrivé au paroxysme de cet état amoureux sans avoir jamais pu le confesser, Giovanni est le premier à briser le tabou. Il est prêt à en payer le prix si Annabella n'est pas sur la même longueur d'onde que lui. Mais il ne s'est pas trompé : ce que lui ressent palpiter au fond de lui-même palpite en symétrique dans le coeur de sa soeur.

Que doivent-ils faire ? Jusqu'où ? Jusqu'à quel point pourront-ils faire s'accorder leur amour véritable avec les exigences sociétales et religieuses ? L'affaire est d'autant moins simple qu'Annabella est en âge d'être mariée et qu'en regard de son exceptionnelle beauté et de ses autres vertus, les prétendants se pressent à la porte de son père, Florio.

C'est même d'autant plus valorisant car, bien que de famille roturière, de valeureux jeunes nobles aux fortunes confortables se proposent de faire fi d'un tel décalage de classe. Que peut-il advenir ? Je vous laisse le soin de le découvrir.

Par ailleurs, l'auteur n'hésite pas à greffer un certain nombre d'autres personnages qui gravitent autour d'Annabella et Giovanni afin de nous faire un riche tableau sociétal et psychologique de ces différents protagonistes.

Donc, une pièce que j'ai pris énormément de plaisir à découvrir et qui n'est pas loin de tutoyer les sommets de la dramaturgie shakespearienne, à mon avis, mais ce n'est qu'un avis. Dommage que ce ne soit qu'un putain d'avis...
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Une pièce écrite par John Ford (le dramaturge) en 1625, sur un sujet tabou : l'amour incestueux entre un frère et une soeur. L'adaptation de Jérôme Savary est moderne (le spectateur ou le lecteur n'est même pas protégé par une langue éloignée dans le temps) et elle est franchement provocatrice. En cela, je pense que Jérôme Savary a été fidèle sinon au texte au moins à l'esprit de la pièce et à l'impression que voulait laisser John Ford à ses contemporains.
Cependant, cela reste une tragédie classique, avec des héros aveuglés par l'amour ou la vengeance, des valets fidèles ou fourbes, des sentiments poussés à leur paroxysme et du sang. Dans le genre, je n'ai pas trouvé cette pièce très bonne, les intrigues sont trop embrouillées, il y a beaucoup de personnages (quinze en tout) dont certains sont inutiles alors que les actions des héros sont parfois incompréhensibles (j'en suis encore à m'interroger sur la non-réaction de Giovanni, dans un premier temps, au mariage d'Annabella).
Intéressant uniquement pour son côté scandaleux. L'auteur prend parti pour cet amour incestueux (qui, bizarrement, est peut-être le seul sentiment pur dans cette pièce) et contre une Eglise et une morale hypocrite représentées par le Cardinal. Pourtant tout le monde est aveugle dans cette pièce, le seul à y voir clair, dès le début, est un religieux : le frère Bonaventure. Et, au bout du compte, dans toute cette folie, la morale bien que malmenée reste sauve, elle.
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Dommage que ce soit une putain est un classique de John Ford, auteur anglais du XVIIe siècle, représentant du théâtre élisabéthain. C'est une véritable découverte pour moi car je connais mal la littérature anglaise de cette époque.
La pièce raconte l'amour impossible et incestueux entre Annabella et son frère Giovanni. Leur père, qui sent venir le scandale, cherche à tous prix à marier sa fille et évalue la qualité des différents prétendants. Autour de cette intrigue principale, gravite une ribambelle de personnages, à la fois grotesques, tragiques et cruels. le spectateur / lecteur assiste à une série de rebondissements plus macabres les uns que les autres, sans le moindre souci de respecter la bienséance, règle majeure dans le théâtre français de la période classique. C'est une oeuvre vraiment étonnante de modernité.
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La tragédie Élisabéthaine dans toute sa splendeur avec ce thème maintes fois traité de l'inceste, de l'impuissance de la religion et du désespoir amoureux.
Un texte fort qui se lance doucement mais dont le dernier acte révèle la puissance tragique.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
PUTANA : Il faudra faire attention à vous, vous qui êtes sous ma garde, ou l'on va bientôt vous enlever pendant votre sommeil.
ANNABELLA : Mais, nourrice, ce genre de vie ne me donne aucun plaisir ; mes pensées sont tournées vers d'autres objets.
Je voudrais que tu me laisses.
PUTANA : Vous laisser ? Pas étonnant que vous le souhaitiez ! Laissez-moi ne pas vous laisser, ma petite ; il y a de l'amour là-dessous. Mais je ne vous blâme pas : vous avez un choix digne de la plus grande dame d'Italie.
ANNABELLA : Je t'en prie, parle moins.
PUTANA : Allons du pire au meilleur. Il y a d'abord Grimaldi le soldat, un gaillard bien bâti. On dit que c'est un Romain, neveu du duc de Montferrat ; on dit aussi qu'il a fait des prouesses dans les guerres contre les Milanais ; mais, ma foi, ma petite, je ne l'aime pas, ne serait-ce que parce que c'est un soldat : pas un sur vingt de vos capitaines ferrailleurs qui n'ait reçu quelque blessure très intime, laquelle empêche un membre de se tenir d'aplomb. Il me plaît d'autant moins qu'il n'est pas ferme sur ses jarrets. Pourtant il pourrait faire l'affaire s'il n'y avait pas d'autre homme disponible, mais ce n'est pas lui que je choisirais.

Acte I, Scène 2.
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BERGETTO : Fillette, jolie fillette, viens m'embrasser, fillette ! (Il l'embrasse.) Ah, ah ! Poggio !
PHILOTIS : Voilà qui laisse quelque espoir. RICHARDETTO : Vous aurez tout le temps. Écartez-vous un peu ; nous devons discuter la chose à fond.
BERGETTO : Ne m'avez-vous pas apporté des douceurs ou d'élégants colifichets ?
PHILOTIS : Vous en aurez tout votre content, mon cœur.
BERGETTO : " Mon cœur ! " Note-le bien, Poggio ! Par ma foi, je ne peux m'empêcher de t'embrasser une fois de plus pour ce " mon cœur ". 'Il l'embrasse.) Poggio, je sens un je-ne-sais-quoi qui enfle monstrueusement près de mon ventre. POGGIO : On y trouvera remède, monsieur.

Acte III, Scène 5.
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BERGETTO : Oh ! au secours, au secours ! Une maille a sauté dans mes entrailles. Oh ! appelez vite un remailleur de chair ! Poggio !
PHILOTIS : De quoi souffrez-vous, mon amour ?
BERGETTO : Je suis sûr de ne pas pouvoir pisser par-devant et par-derrière et pourtant je suis trempé des deux côtés. De la lumière, de la lumière, holà ! Des flambeaux !
PHILOTIS : Hélas ! Un scélérat a tué mon amour !
RICHARDETTO : À Dieu ne plaise ! Réveille les voisins les plus proches à l'instant même, Poggio, et apporte des flambeaux. (Poggio sort.) Comment vous sentez-vous, Bergetto ? Assassiné ? Cela ne se peut ! Êtes-vous sûr d'être blessé ?
BERGETTO : Oh ! mon ventre bouillonne comme une marmite de porridge ; jetez sur moi de l'eau froide ou je vais bouillir. Tout mon corps transpire au point qu'on pourrait tordre ma chemise ; touchez ici.

Acte III, Scène 7.

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SORANZO : Je porte l'enfer en moi ; tout mon sang est enflammé d'un désir de prompte vengeance.
VASQUES : Cela se peut. Mais savez-vous comment et sur qui ? Hélas ! Épouser une femme grosse, engrossée à point pour vous, est un jeu habituel de nos jours ; mais découvrir qui est le furet qui s'est glissé dans le terrier de votre lapin, c'est là que réside l'astuce.

Acte IV, Scène 3, (v. 155-161).
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SORANZO : Viens, garce, putain notoire ! Quand chaque goutte
Du sang qui court dans tes veines adultères serait
Une vie, cette épée — tu la vois ? — d'une seul coup
Les trancherait toutes. Catin accomplie, insigne catin,
Qui d'un front d'airain, proclame et justifie ton péché,
N'y avait-il dans Parme d'autre homme que moi
Pour être l'entremetteur de ta putasserie rusée ?
Ta vive démangeaison, ton excès de désir,
L'ardeur de ta lubricité, devais-tu les nourrir
Jusqu'à la satiété ? Nul autre que moi ne pouvait-il
Être choisi pour masquer tes plaisirs secrets,
Les ébats de ton ventre ? Je dois être à présent le papa
De tout ce salmigondis qui remplit
Tes entrailles corrompues où naissent des bâtards.
Pourquoi moi ?

Acte IV, Scène 3.
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