Un éditeur parisien, vers la fin de sa carrière, se voit proposer une liseuse.
Le roman s'installe sur deux légères fausses pistes : en chipotant, on pourrait d'abord arguer que l'objet dont il est question n'est pas à proprement parler une liseuse mais une tablette. L'auteur fait plusieurs fois référence à l'écran éclairé et certaines allusions font penser qu'il bénéficie en fait d'un iPad. Une liseuse n'est pas rétro-éclairée et est bien plus légère. Ces détails sont moins anodins qu'ils peuvent y paraître, car ils changent le rapport à la lecture et la rendent plus confortable et aisée, ce qui devrait revêtir une certaine importance pour un éditeur, qui est avant tout un lecteur professionnel. D'autant que, l'un des faits initiaux sur lequel le héros insiste explicitement, est que
la liseuse introduit, pour la première fois depuis la Bible de Gutenberg, la séparation de la page et du texte.
La deuxième fausse piste est que
la liseuse éponyme s'avère n'intervenir que partiellement dans l'histoire. Celle-ci narre également les relations avec les auteurs, avec son métier, avec un groupe de stagiaires. Peu de réflexions de fond sur un éventuellement bouleversement que l'outil introduit dans la façon d'éditer et de lire un livre. En revanche une direction donnée sur ce que le nouveau mode de diffusion offre comme nouveaux formats et possibilités oulipiennes, mais celles-ci ne sont guère détaillées.
Alors de quoi s'agit-il dans ce roman, de quoi traite-t-il ? de la finesse et de la légèreté, à l'unisson de la belle mise en page, aérée. de la vie, de la mort, de la séduction, de l'amour, surtout celui de la lecture, mais pas uniquement. Et du rite des repas. Pour n'avoir pas connu le nom de l'auteur avant d'avoir entamé la lecture de son livre écrit à la première personne, le roman est aussi une exploration de l'intérieur du petit monde de l'édition germanopratine. Les différents chapitres sont variés, s'enchaînent en changeant de cap et en entretenant l'intérêt. On se laisse guider, incertain de la direction finale, mais le style est travaillé et concis, séduisant.
Arrive le dernier chapitre, qui, ce ne sera pas une révélation, est une déclaration d'amour à la lecture, passionnée et profonde, en contraste avec le ton des débuts. Puis, surprise, une courte postface indique que le "texte épouse la forme d'une sextine"... Donc, outre les qualités d'expression, l'auteur s'est donc plié à une contrainte de forme, comme pour les textes de l'
Oulipo. Jusqu'à ce qu'une rapide recherche sur l'auteur informe qu'ayant succédé à
François le Lionnais puis à
Noël Arnaud, il est précisément l'actuel président de l'
Oulipo. du coup, on est pris d'une furieuse envie de relire le livre !
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