Préambule.
Une autobiographie n'est intéressante qu'à partir du moment où vous acceptez de croire l'auteur-sujet. Ça tombe bien,
William Friedkin est terriblement crédible.
« le cinéma est-il de l'art ? » est un des sujets qui a été évité aux épreuves du bac de cette année, pas besoin de chercher à répondre dès à présent.
La vie de
William Friedkin est un roman.
Tombé dans le cinéma par hasard (il hurle de peur quand la lumière s'éteint la première fois que sa mère l'emmène au cinéma), il va connaître en tant que réalisateur, une longue série d'échecs, mérités parfois, mais aussi deux formidables succès, « French Connection » qui lui vaudra une série d'Oscar et « L'Exorciste », un film qui aujourd'hui encore, vous cloue au fauteuil.
Après ce film, il est sur le toit du monde, le boss, le roi du pétrole. Mais ses démons vont l'entraîner dans la chute. Il suffit alors de l'échec du « Convoi de la Peur » pour que le crédit de William, ce nouveau cheik, expire et que commence son « ascension vers le fond ».
Doté d'un fort caractère (euphémisme), il va passer à côté de beaucoup d'opportunités.
Par manque de souplesse, par présomption liée au succès, manque de discernement ou malchance, il va « rater »
Steve McQueen pour « le Convoi de la Peur » (film que je recommande pourtant fortement), ne pas comprendre ce qui est en train de se produire avec Spielberg, refusé de produire « La Guerre des Etoiles », jeter un Basquiat à la poubelle, refuser de réaliser un clip pour un débutant appelé Prince…*
Casse-cou pour ne pas dire plus, il va côtoyer un parrain de la Mafia, sauver un condamné à mort avec son premier film, risquer une condamnation pour complicité de vol à main armée, corrompre le Chef de la Commission des transports pour pouvoir filmer la poursuite de « French Connection » (peut-être) la meilleure du cinéma avec celle de « Bullit »…
Ce livre regorge d'anecdotes extraordinaires (la Production qui veut remplacer le titre « French Connection » par…Popeye !, le monteur vedette du studio qui veut lui imposer des coupes juste pour asseoir son autorité, son insolence vis-à-vis d'
Hitchcock, sa visite des boites SM pour préparer « Cruising »…)
Authentique, à la fois humble et grande-gueule, réalisateur d'exception, Friedkin rend hommage au cinéma, aux réels talents et dégonfle les baudruches.
Ce livre est à son image : remarquable.
* un exemple de cette défaillance de l'instinct : sa femme lit un script en pleurant. Il lui demande comment ça s'appelle. « Forrest Gump » lui-dit-elle. « Très mauvais titre » réplique-t-il…Sacré William !