Quand on pense à William Friedkin, on pense aux deux grands succès populaires de sa carrière, French Connection (1971), et L'Exorciste (1973), deux films de genre a priori pas très académiques, ainsi qu'à la réputation sulfureuse du bonhomme. Redouté sur les tournages, accusé d'être homophobe lors de la préparation du film Cruising, puis d'être un vieux réac à la sortie de L'Enfer du devoir, élu film le plus raciste fait contre les Arabes par Hollywood, son nom est à jamais associé au cinéma d'action américain.
Dans Friedkin Connection, le cinéaste évoque son passé, ses racines familiales ukrainiennes, son enfance dans les quartiers pauvres de Chicago, ainsi que ses débuts à la télévision où il deviendra entre autre réalisateur pour la série Alfred Hitchcock présente. De Good Times en 1967 à Killer Joe en 2011 , Friedkin revient sur plus de quarante années de projets, de rencontres, de films, de succès et d'échecs. Mais le réalisateur n'est pas du genre à se mettre en scène dans des clichés glamour hollywoodiens, dans lesquels Coppola beurrerait les toasts et Linda Fiorentino servirait le champagne dans son penthouse. Friedkin Connection est une autobiographie cash passionnante qui ne manque pas de rythme, on se croirait presque à ses côtés lors de ses débuts, quand il filmait caméra à l'épaule. Il évoque des influences artistiques assez variées (Magritte, La Nouvelle Vague, l'opéra…), la genèse de ses films, ses choix de mise en scène, d'acteurs, rend hommage à ses pairs (Henry-Georges Clouzot, Francis Ford Coppola…), à ses anciens collaborateurs. C'est un excellent ouvrage sur le travail du cinéaste qui ne se donne pas une image lisse à postériori, évoquant ses échecs sans faire pleurer Margot, ses rencontres manquées (il balance un tableau qu'un Basquiat débutant lui envoie par la poste en témoignage de son admiration parce qu'il trouve ça moche…), ses périodes « grosse tête » qui entraînent un manque de discernement.
Il est dommage que sa filmographie compte plus d'échecs que de succès, et que certaines oeuvres comme Le convoi de la peur, Cruising, Police fédérale Los Angeles, Bug et Killer Joe soient peu à peu tombées dans l'oubli. On lui doit du grand, du bon cinéma d'action, qui explore à rebrousse poil les thèmes de l'enfermement, de la démence et du mal, avec des personnages torturés ou antipathiques qui mettent souvent mal à l'aise le spectateur mais ne laissent personne indifférent.
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