Les missionnaires sont faits pour parler, M. Vincent, qui enverra les siens sur toutes les routes de France, en Écosse et en Pologne, à travers l'Afrique (où la congrégation, bientôt, aura ses martyrs) jusqu'à Madagascar, veut que leur langage soit simple, imagé, direct et convaincant - comme le sien, qui est celui de l'Évangile. "Nous l'écoutions avec avidité", dira Bossuet, son plus illustre disciple avec M. Olier, fondateur de Saint-Sulpice, "sentant bien que se réalisait en lui ce mot de l'apôtre : si quelqu'un parle, que ses paroles soient comme les paroles de Dieu." C'est à dire que tout autre chose que le pompeux charabia du siècle, qui n'était pas encore le siècle du bon ton.
(...)
Aux orateurs qui se proposent de persuader, aux écrivains qui ont un "message" à délivrer, à tous ceux enfin qui parlent aux hommes pour le bien de ceux qui écoutent et non pour la vanité d'un applaudissement, il a légué ce précepte : "Il faut monter en chaire comme sur un calvaire, pour n'en rapporter que de la confusion."
Les Filles de la Charité n'auront pas de monastère et ne prononceront pas de voeux définitifs. Elles renouvelleront chaque année le 25 mars, fête de l'Annonciation, en mémoire du jour où Louise de Marillac avait renoncé au monde, leur promesse d'être à Dieu et aux pauvres. Les premières règles de la communauté ne seront pas très différentes du règlement ordinaire des confréries dont nous avons déjà parlé, et M. Vincent ne mit aucune hâte à rédiger de nouveaux statuts (...) Sur l'esprit et l'activité de la compagnie, il avait dit depuis longtemps tout ce qu'il y avait à dire, dans les quelques mots, tant de fois cités, où pousse un souffle poétique d'une puissance extraordinaire :
"Vous aurez pour monastère la chambre des malades ; pour cellule une chambre de louage ; pour chapelle, l'église paroissiale ; pour cloître les rues de la ville ; pour clôture, l'obéissance ; pour grille, la crainte de Dieu ; pour voile, la sainte modestie."
On a écrit de bien belles pages sur cette vertu assez peu courue aujourd'hui et qui porte la créature à prendre conscience de son néant devant la toute-puissance divine : l'infinie grandeur de Dieu, l'infinie petitesse de l'homme, voilà, nous dit-on, la cause, la raison de l'humilité. C'est géométriquement vrai ; mais psychologiquement ? Le sentiment de l'omnipotence divine peut aussi bien faire un musulman qu'un chrétien, un calviniste qu'un catholique, un fataliste païen qu'un anachorète, prenant, pour mieux contempler, le recul du désert. La véritable raison de l'humilité telle que l'on peut l'admirer chez les saints est beaucoup moins l'écrasante majesté de Dieu considérée en elle-même que dans son abaissement volontaire au ras de la condition humaine, dans les faiblesses et les périls de l'incarnation. M. Vincent se met plus bas que terre parce que Jésus-Christ a posé le pied sur elle.
Richelieu avait beaucoup de considération pour ce modeste prêtre (...) Le génie politique avait reconnu le génie spirituel ; il prenait volontiers ses avis sur les affaires religieuses, et mieux encore il lui demandera d'installer une mission dans son diocèse de Luçon, le mieux administré de France, fierté de ses bons jours et justification de sa robe. M. Vincent aura ses entrées chez le cardinal et à la cour comme il les avait au bagne, chez le docteur de Sorbonne et chez le pauvre paysan. Pour ceux qui avancent dans la familiarité de ce personnage singulier, c'est un sujet quotidien d'étonnement que ce talent de passe-murailles social...
Ce n'était pas la crainte qui rameutait le troupeau autour de M. Vincent. Il séduisait, ce qui est le propre du christianisme bien compris et bien vécu. Il avait à peine prononcé son premier sermon que Châtillon déjà commençait à changer (...) Quelque chose en lui avait le don d'éveiller ou de réveiller les âmes ...
La
foiQuelques croyants réunis par
Bernard PIVOT pour évoquer le
mystère insondable de la
foi : Abbé Jean ESPINASSE, pour son livre :"
prêtre en Corrèze". Un
témoignageautobiographique sur la
vie quotidienne d'un
prêtre rural. La piété mariale. Il a été l'aumônier des"pendus de Tulle"en 1944. Pour lui, avoir la
foi, c'est croire au sacerdoce.
André FROSSARD , auteur de "l'
art de...