J’ai accepté un peu étourdiment, je m’en aperçois en prenant la plume, d’écrire les quelques lignes qui doivent accompagner mon portrait, dessiné par Mouilleron d’après l’excellente photographie de Bertall1. Au premier coup d’œil cela semble bien simple de rédiger des notes sur sa propre vie. On est, on le croit du moins, à la source des renseignements, et l’on serait mal venu ensuite à se plaindre de l’inexactitude ordinaire des biographes. « Connais-toi toi-même » est un bon conseil philosophique, mais plus difficile à suivre qu’on ne pense, et je découvre à mon embarras que je ne suis pas aussi informé sur mon propre compte que je me l’imaginais.
Le visage qu’on regarde de moins est son visage à soi. Mais enfin, j’ai promis, il vaut que je m’exécute.
Diverses notices me font naître à Tarbes, le 31 août 1808. Cela n’a rien d’important, mais la vérité est que je suis venu dans ce monde où je devais tant faire de copie, le 31 août 1811, ce qui me donne un âge encore assez respectable pour m’en contenter. On a dit aussi que j’avais commencé mes études en cette ville et que j’étais entré en 1822, pour les finir, au collège Charlemagne. Les études que j’ai pu faire à Tarbes se bornent à peu de chose, car j’avais trois ans quand mes parents m’emmenèrent à Paris, à mon grand regret, et je ne suis retourné à mon lieu de naissance qu’une seule fois pour y passer vingt-quatre heures, il y a six ou sept ans. Chose singulière pour un enfant si jeune, le séjour de la capitale me causa une nostalgie assez intense pour m’amener à des idées de suicide. Après avoir jeté mes joujoux par la fenêtre, j’allais les suivre, si, heureusement ou malheureusement, on ne m’avait retenu par ma jaquette.
Théodore Chassériau
Né en 1819 — Mort en 1856
A Paris, la vie moderne, telle que la civilisation moderne l’a faite, est une bataille si acharnée, qu’à peine a-t-on le loisir de regarder qui tombe autour de soi. De temps à autre un combattant se retire, votre ami le plus cher peut-être, la main sur sa blessure, et dit à ceux de son rang : « Continuez; ce n’est rien ; » ou bien même garde un silence stoïque et va chercher hors de la mêlée un pan de mur écorné par les boulets derrière lequel il puisse mourir à peu près tranquille. Il est des âmes héroïques qui ont la pudeur de la mort et se couvrent de leur manteau pour dérober à tous les yeux le mystère de leur heure suprême. Théodore Chassériau fut un de ces vaillants ; nul ne l’entendit se plaindre : quand il fut touché de la balle invisible, tout le monde l’ignora; on le croyait plein de force et d’avenir, et nous-même, son ancien camarade, nous qui avions vu naître sa jeune gloire rayon à rayon, et dont la voix enthousiaste le consola plus d’une fois aux jours de découragement, nous n’avons appris la triste nouvelle que par hasard, dans la rue, au seuil du Théâtre-Italien. Cruelle ironie! Amère discordance ! vous allez entrer insoucieux dans un lieu plein de joie, de lumière et de bruit, un doigt glacé vous arrête, un petit souffle vous chuchote à l’oreille : « Ton ami est mort ! »
M. Alphonse Karr s’est révélé au monde littéraire par un livre où le caprice de Sterne se mêlait à la passion de Jean-Jacques Rousseau ; nous voulons parler de Sous les Tilleuls, que tout le monde a lu et que personne n’a oublié; — aux pages les plus chaleureuses succédaient des plaisanteries fines, aiguës et, sous une apparence paradoxale, d’une justesse et d’une vigueur extrêmes ; la vie de jeune homme y était peinte avec un abandon familier et charmant dans ses joyeuses misères et son poétique désordre; l’ardeur d’un premier amour échauffait les lettres si vraies et si sincères de Stephen à Magdeleine. — Sous le héros de roman on sentait vivre et palpiter l’homme, c’étaient de tièdes larmes montées du cœur aux yeux qui tombaient des paupières de ses personnages, et non de froides gouttes d’eau puisées dans la carafe. Au milieu de la fausse sensibilité et de la passion bâtarde des romans ordinaires, un tel accent de nature devait produire un grand effet, et Sous les Tilleuls obtint un des plus beaux succès que puisse désirer un amour-propre, si difficile qu’il soit.
Henry Monnier est une des originalités les plus tranchées de ce temps-ci. — Bien avant le daguerréotype et l’école réaliste, il a poursuivi et atteint dans l’art la vérité absolue.
Rien n’est beau que le vrai, le vrai seul est aimable,
est une devise qu’il pourrait faire graver sur son cachet comme sienne, car il s’v est toujours conformé. Il faut avoir une rare puissance pour suivre avec rigueur un tel parti pris d’un bout à l outre, d’une carrière qui commence à être longue et qui s’est développée sur une triple voie : celle de l'artiste, celle de l’écrivain et celle de l’acteur.
En 1834, Balzac imagine et commande une canne somptueuse à l'orfèvre parisien le Cointe.
La « pomme » en or, finement ciselée des armoiries des Balzac d'Entraigues, qui n'ont aucun lien avec l'écrivain, est ornée d'une constellation de turquoises, offertes par sa bien-aimée Mme Hanska.
Cette canne est excessive en tout, et très vite, elle fait sensation parmi journalistes et caricaturistes. C'est la signature excentrique de l'écrivain, la preuve visible et provocante de son énergie et de sa liberté, imposant sa prestance au milieu de la société des écrivains. Pour Charlotte Constant et Delphine de Girardin, amies De Balzac, la canne est investie d'un pouvoir magique…
Pour en savoir plus, rdv sur le site Les Essentiels de la BnF : https://c.bnf.fr/TRC
Crédits de la vidéo :
Direction éditoriale
Armelle Pasco, cheffe du service des Éditions multimédias, BnF
Direction scientifique
Jean-Didier Wagneur
Scénario, recherche iconographique et suivi de production
Sophie Guindon, chargée d'édition multimédia, BnF
Réalisation
Vagabondir
Enregistrement, musique et sound design
Mathias Bourre et Andrea Perugini, Opixido
Voix
Geert van Herwijnen
Crédits iconographiques
Collections de la BnF
© Bibliothèque nationale de France
Images extérieures :
Projet d'éventail : l'apothéose De Balzac
Grandville, dessinateur, entre 1835 et 1836
Maison de Balzac, BAL 1990.1
CCØ Paris Musées / Maison de Balzac
La canne De Balzac
Orfèvre le Cointe, 1834
Maison de Balzac, BAL 186
CCØ Paris Musées / Maison de Balzac
Sortie des ouvrières de la maison Paquin, rue de la Paix
Béraud Jean (1849-1936)
Localisation : Paris, musée Carnavalet, P1662
Photo © RMN-Grand Palais / Agence Bulloz
La pâtisserie Gloppe, avenue des Champs-Elysées
Béraud Jean (1849-1936)
Localisation : Paris, musée Carnavalet, P1733
Photo © RMN-Grand Palais / Agence Bulloz
Balzac à la canne
Illustration pour Courtine, Balzac à table, Paris, Robert Laffont, 1976
Maison de Balzac, B2290
CCØ Paris Musées / Maison de Balzac
Balzac, croquis d'après nature
Théophile Gautier, 1830
Maison de Balzac, BAL 333
CCØ Paris Musées / Maison de Balzac
Portrait-charge de Balzac
Jean Pierre Dantan, sculpteur, 1835
Maison de Balzac, BAL 972
CCØ Paris Musées / Maison de Balzac
Honoré de Balzac
Jean-Théodore Maurisset, graveur, 1839
Maison de Balzac, BAL 252
CCØ Paris Musées / Maison de Balzac
Balzac en canne
Jean-Théodore Maurisset, graveur, 1839
Maison de Balzac, BAL 253
CCØ Paris Musées / Maison de Balzac
Comtesse Charlotte von Hardenberg
Johann Heinrich Schroeder (Boris Wilnitsky)
Droits réservés
Delphine Gay (Portrait de Delphine de Girardin)
Louis Hersent, 1824
Musée de l'Histoire de France
© Palais de Versailles, RF 481
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