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EAN : 9782352046516
260 pages
Les Arènes (20/09/2017)
3.95/5   22 notes
Résumé :
Infiltré durant deux ans dans cinq grandes entreprises du Nord, un jeune journaliste dépeint de l’intérieur un monde d’invisibles, de précaires, soumis à des rythmes oppressants, et parfois avertis dix minutes avant, que leur contrat s’arrête là. La vie banale de millions d’employés en France.
Pour 1 200 à 1 500 euros, Thomas Morel a travaillé à la chaîne, dans des call-centers ou en porte-à-porte. Il décrit la vie de ses collègues, leurs maux, leurs opinions... >Voir plus
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Thomas Morel, jeune journaliste fraîchement diplômé, décide en 2014, de s'immerger durant deux années dans plusieurs entreprises privées du Nord de la France, afin d'explorer la recomposition du tissu industriel de cette région sinistrée par le chômage.
C'est une précarité nouvelle qu'il va rencontrer. Les normes de sécurité ont évolué, les formes de management aussi. Des emplois moins dangereux physiquement, des chefs moins autoritaires, mais la pressurisation du personnel est la même. Elle est juste plus vicieuse. Les flexibilités du droit du travail, sans cesse augmentées, permettent en effet aux employeurs de s'assurer une masse salariale docile et corvéable à merci. La société terminera d'enchaîner ces hommes qui n'auront jamais moyens de leurs rêves et à qui on interdira toute possibilité de choix.
Que leur restent-ils ensuite ? Fumer des joints dès le matin, dépenser une bonne partie de sa paye en alcool, s'abrutir sans limite devant des écrans à la moindre occasion, ou voter Front National comme seule solution pour "faire le ménage". Oublier sa condition, et tenter de faire revenir l'espoir de rêver.
Bien sûr, il faut nuancer mes conclusions... Mais, d'une rare sensibilité, l'auteur nous invite à partager le quotidien de toutes celles et ceux qui voient leurs choix soumis à des puissances supérieures qui les écrasent. Ce sont eux, mais je crois que cela pourrait être vous ou moi.

Lu en septembre 2017.
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Thomas Morel, jeune journaliste, nous relate dans cet ouvrage son expérience en tant que salarié intérimaire dans cinq grandes entreprises du Nord de la France et nous montre ainsi à quoi peut ressembler le monde du travail de nos jours. Travail à la chaîne, minutage de chaque geste, surveillance permanente, dépersonnalisation, environnement bruyant, risques pour la santé, chantage au droit de grève, j'en passe et des meilleurs, le tout pour un salaire de misère.

Dans ce monde où l'argent mène la ronde, rien de ce qui est relaté ne m'a réellement étonnée. Ah si, juste l'expérience de l'auteur chez Ranger, sans salaire fixe. Je pensais naïvement qu'être payé uniquement à la com était illégal...
L'esclavage a peut-être été aboli en France en 1848 mais il a pris de nouveaux visages. Il a su s'adapter à nos entreprises, même les plus modernes et se dissimuler derrière une maigre gratification. Il est descendu avec nos aïeux dans les mines, était derrière les travailleurs sur les chaînes de montage et pointe aussi le bout de son nez dans l'univers hyper-connecté des call-centers. Comment faire pour y échapper quand il faut payer le loyer, rembourser l'emprunt et éduquer les enfants ? Voilà comment notre société et ses dirigeants ont persisté à travers les siècles à faire de l'être humain un "enchaîné", au mépris de tous les humanistes.
Les expériences vécues par Thomas Morel ne sont qu'un constat de plus. Dommage qu'il stigmatise uniquement la région des Hauts de France, victime perpétuelle des crises industrielles, l'Hexagone tout entier aurait pu fournir d'autres exemples sans difficulté. Beaucoup de reportages télévisés (chez Free ou Lidl par exemple) ont démontré l'ampleur du phénomène. Je suis évidemment consciente qu'au niveau mondial, la situation est encore pire dans certains pays.
Pour rendre ces témoignages plus vivants, Thomas Morel a tenté de s'intéresser à ses collègues et a retranscrit certaines de leurs discussions. Pas toujours facile de s'épancher quand le rendement doit être assuré et que le temps est minuté. J'ai trouvé que malheureusement, il n'en ressortait pas le meilleur (alcoolisme, drogue, racisme). Parler de son ressenti face au travail qui lui est demandé, comme par exemple ses difficultés à relancer les clients vulnérables donne quand même à l'auteur le beau rôle, sachant que lui n'est là que provisoirement et que la vie lui a donné les moyens d'exercer un métier plus enrichissant.

Thomas Morel nous propose une immersion alarmante dans le monde du travail précaire et mal payé que connaissent des millions de Français. Même si je regrette que cela ait été fait parfois de façon maladroite, j'accorde un 13/20 à ce témoignage. Merci à Babelio et aux Editions Pocket pour ce gain lors de la dernière opération Masse Critique.
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Je remercie Masse Critique non fiction de Babelio de m'avoir permis de lire ce témoignage époustouflant : non mais quelle claque !
Thomas Morel, jeune journaliste, nous fait part de ses terribles expériences effectuées en CDD chez Cémoi, Clictel, Créatis et Toyota, et je vous jure ce n'est pas du “gâteau” ! …
J'ai été particulièrement sidérée par le premier “séjour” de Thomas, âgé de 26 ans, en ligne du tapis 3 (à la chaîne quoi !) Croyez-moi, près une telle lecture vous ne regarderez plus jamais les boîtes de chocolats Cémoi de la même façon, à Noël !… 900 boîtes en 30 minutes, salaire moyen 1200€ à 1500€ bruts, blouses en papier pour les CDD, tutoiement et insultes en prime … Armelle et son attelle au bras - en attendant son opération du canal carpien - sans un regard (hypocritement détourné) du Directeur et du médecin du site …
Téléconseiller chez Clictel, ce n'est guère mieux (centre d'appels pour de nombreuses enseignes d'électro-ménager et multimédia) Constamment sous surveillance et rappelé à l'ordre … Une anecdote : janvier 2015, l'horreur de Charlie Hebdo et de l'hyper casher ; refus catégorique de faire les minutes de silence nationales car un appel c'est un appel !…
Et que dire de Créatis (organisme bancaire) en service de recouvrement déprimant et de Ranger (contrat gaz et électricité) où il n'y a pas de salaire fixe mais une rémunération uniquement basée sur commission …
Bravo à Thomas Morel qui nous ouvre les yeux, sans fioritures ni sensiblerie. Je sors choquée par cette lecture et surtout chanceuse de ne point l'avoir vécu !
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Témoignage de Thomas Morel, journaliste de 26 ans qui s'est infiltré dans cinq grandes entreprises du Nord en tant qu'intérimaire. Ainsi, il nous raconte tour à tour son travail à la chaine chez Cémoi, celui de vendeur de porte à porte de contrats de gaz, de téléconseiller pour le rachat de crédits et enfin retour au travail à la chaine chez Toyota. Au fil des pages, nous avons une description de l'économie du nord de la France qui s'est appuyée sur quelques grands groupes après la crise industrielle : des emplois précaires qui usent les corps et les esprits où il n'y a plus de solidarité, où on ne se connait plus par manque de temps à cause des cadences infernales imposées. Ceci est en filigrane de ce livre. J'espérais avoir des témoignages, des tranches de vie, des explications et je suis restée sur ma faim pendant une bonne partie de l'ouvrage. Est-ce le manque de recul, d'expérience du monde du travail du journaliste ? Et puis.... et puis... j'ai compris : comment nouer des relations, créer du lien quand vous devez faire du chiffre à tout prix ? quand vos pauses sont calculées pour que vous ayez le moins de temps possible pour discuter ? Quand vous êtes embourbé dans des parcours de vie difficiles ? J'ai beaucoup apprécié les citations de début de chapitre qui éclairent les parcours, les explications sur les grandes familles qui détiennent les entreprises sont également très éclairantes. Et enfin, l'immersion au sein de Toyota ou comment les japonais rationalisent le travail est une réelle réussite.
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Pendant 2 ans, le jeune journaliste, Thomas Morel, revêt les habits de travailleurs précaires et sous-payés en infiltrant 5 grandes entreprises du Nord de la France. Pour 1200 euros à 1500 euros par mois, il sera tour à tour travailleur à la chaîne chez Cémoi (à coup de 2 chocolats placés dans une boîte toutes les deux secondes pendant 7 heures), salarié du tertiaire dans un centre d'appel(maux d'oreilles et conversation chronométrées), VRP (pour un salaire fixe de 0 euro par mois car uniquement payé à la commission), employé d'un organisme de recouvrement (où le client doit payer coûte que coûte quitte à le pousser dans la tombe) et ouvrier à la chaîne chez Toyota (travail physique et cadencé dont il ne parviendra jamais à tenir le rythme et où il subira les brimades et insultes de ses collègues).
Pendant ces 2 ans d'expérience il découvre la vie de ces prolétaires du XXIe siècle avec les cadences infernales du travail à la chaîne, la déshumanisation et robotisation des travailleurs, une organisation de travail qui rend impossible la création du lien social et la construction d'une solidarité et d'un esprit de classe, la douleur physique et psychologique.
Il raconte son quotidien, la vie de ses collègues, ses maux à lui, leurs maux à eux face à un travail souvent vide de sens que seule une raison de survie les contraint d'accepter. Il décrit ses scrupules et son dégoût à effectuer certaines tâches où le client est dupé voir condamné par son intervention
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Fabien revient, des bières fraîches à la main. Dans ce cadre familier, je me hasarde à lui poser quelques questions sur sa relation à son travail et les raisons qui l'y font rester depuis dix ans.
– J'avais eu mon bac ES. Et puis, j'ai fait une année de maths à Lille 3, à la fac. J'ai eu mon premier semestre, pas l'autre. J'ai arrêté. Et mon père m'a dit : « Je veux bien t'arrêtes mais pas que tu restes à rien faire. » Alors, deux mois après, j'étais chez Toyota.
Puis, la rencontre avec sa compagne, leur désir d'enfant, l'achat de la maison l'ont peu à peu ancré dans cet emploi devenu durable qu'il n'aime évidemment pas, qui l'empêche, dit-il, de penser. Il sourit en clignant de l'œil.
– Des fois maintenant, je fais des fautes de conjugaison. Ma femme me dit : « Bah, qu'est-ce-qui t'arrive ? » Avant, c'est moi qui corrigeais ses fautes, là, c'est l'inverse...
Sur l'écran, la France vient de marquer un second but, celui de la victoire. Matteo a regagné sa chambre car il doit se lever tôt le lendemain. Son petit ballon de foot est resté au milieu du salon. Au grand dam de sa femme, Fabien a repris la clope. Il en allume une, emplissant l'espace de ses volutes de fumée. L'œil fixé sur l'écran, il soupire doucement.
– Putain, heureusement que j'ai ma femme et mon fils.

Pages 260-261, Les Arênes, 2017.
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Ceux que j'ai côtoyés sont seuls, juste livrés au mouvement global, souvent hypnotisés sur leur portable par leurs smartphones durant les pauses. Parfois, ils ne se parlent même pas sur leur lieu de travail, qui les en empêche. Leurs huit heures effectuées, de jour comme de nuit, ils se séparent pour se retrouver comme ils se sont quittés, sans rien avoir à se dire ni à partager. Un isolement voulu et organisé dans l'optique, à terme, d'une parfaite soumission individuelle à la technologie. C'est peut-être le constat le plus glaçant de mon expérience. Alors, si l'amélioration des conditions du travail industriel, espérée en 1937 par Simone Weil, peut s'apprécier quatre-vingt ans plus tard, c'est bien le défi de cette résistance-là qui présente aujourd'hui à nous. Et là aussi, comme par le passé, il ne suffit pas d'attendre, il faut le faire.

Page 14, Les Arênes, 2017.
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« Aujourd'hui, nul ne peut ignorer que ceux à qui on a assigné pour seul rôle sur cette terre de plier, de se soumettre et de se taire plient, se soumettent et se taisent seulement dans le mesure précise où ils ne peuvent faire autrement. Y aura-t-il autre chose ? Allons-nous enfin assister à une amélioration effective et durable des conditions de travail industriel ? L'avenir le dira ; mais cet avenir, il ne faut pas l'attendre, il faut le faire. »

Simone Weil, La Condition ouvrière, Gallimard, 1937

Page 9, Les Arênes, 2017.
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De fil en aiguille, je découvre "La Condition ouvrière" de la philosophe Simone Weil, qui, en 1934, s'est fait embaucher comme manœuvre dans une usine. Bien qu'agrégée de philosophie, elle entendait vivre une expérience in vivo et exposer sa personne pour approcher la réalité des ouvriers de l'époque. Cette lecture me conforte dans le bien-fondé de mon initiative. À plus de quatre-vingts ans d'écart, je constate qu'au troisième millénaire certains pans entiers de la condition ouvrière n'ont pas évolué autant qu'on pouvait l'imaginer. Au contraire, la précarité grandissante enclenche un mouvement inverse de régression.

Pages 58-59, Les Arênes, 2017.
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Car, après les concepts américains du taylorisme (organisation rationnelle des tâches) et le fordisme (parcellisation de ces tâches, en clair : le travail à la chaîne), un ingénieur japonais, Taiichi Ono, a conçu le toyotisme au sein même de l'entreprise Toyota. L'idée maîtresse est de répondre aux besoins du marché. La production est donc guidée par la demande et fonctionne à flux tendus en s'appuyant sur "les cinq zéros" : zéro stock, zéro défaut, zéro papier, zéro panne et zéro délai. L'ouvrier, censé être encore plus responsable de sa tâche, participe - on le verra plus loin - au diagnostic des problèmes et à leur résolution. Il est surtout prié de s'ajuster à cet objectif de perfection en étant lui-même d'une fiabilité de robot.
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Vidéo de Valentin Gendrot
« Notre métier n'est pas de faire plaisir non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie », écrivait le grand reporter Albert Londres. Notre invité du jour marche sur ses traces. Journaliste indépendant, spécialisé dans l'infiltration, Valentin Gendrot est notamment connu pour avoir infiltré le commissariat du XIXe arrondissement de Paris. Il en a tiré un livre, intitulé Flic, un récit urgent qui dévoile les coulisses d'une profession souvent accusée de violence, de racisme et au taux de suicide anormalement élevé. À l'occasion de la parution de son nouvel ouvrage, L'I3P infiltrée, il nous parle de cette méthode journalistique singulière et engagée, qui consiste à se mettre dans la peau des autres pour raconter leur vie. À la suite de cet entretien, nous vous proposons quelques conseils de lectures qui sont autant d'invitations à plonger dans d'intenses expériences journalistiques, et aiguiser notre regard sur le monde.
Bibliographie :
- L'I3P infiltrée, de Valentin Gendrot (éd. Albin Michel) https://www.librairiedialogues.fr/livre/21346729-l-i3p-infiltree-le-service-psychiatrique-de-la--valentin-gendrot-albin-michel
- Flic, de Valentin Gendrot (éd. Goutte d'Or) https://www.librairiedialogues.fr/recherche/?q=flic+gendrot
- Les Enchaînés, de Thomas Morel (éd. Pocket) https://www.librairiedialogues.fr/livre/15269104-les-enchaines-thomas-morel-pocket
- Tête de Turc, de Günter Wallraff (éd. La Découverte) https://www.librairiedialogues.fr/livre/3775940-tete-de-turc-gunter-wallraff-la-decouverte
- Dans la peau d'un maton, d'Arthur Frayer (éd. J'ai lu) https://www.librairiedialogues.fr/livre/2030652-dans-la-peau-d-un-maton-arthur-frayer-j-ai-lu
- Tokyo Vice, de Jake Adelstein (éd. Points) https://www.librairiedialogues.fr/livre/11738606-tokyo-vice-jake-adelstein-points
- Les Humbles ne craignent pas l'eau, de Matthieu Aikins (éd. du sous-sol/Seuil) https://www.librairiedialogues.fr/livre/20370616-les-humbles-ne-craignent-pas-l-eau-un-voyage-i--matthieu-aikins-editions-du-sous-sol
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