Honoré de Balzac : Bilan critique

 L'étude de l'oeuvre De Balzac (1799-1850) est un travail de longue haleine qui peut prendre une vie. Il est recommandé de commencer tôt à s'y intéresser si l'on veut en embrasser toute l'étendue et percevoir le rayonnement des multiples facettes de cette cathédrale de papier.

 Je chemine avec Balzac depuis l'âge de 13 ans et j'ai l'impression de faire en sa compagnie un tour du monde sans fin, abordant chaque jour de nouveaux rivages.

 Balzac est un géant de la littérature, c'est l'expression la plus utilisée pour résumer la stature de l'homme. Sa personnalité et son oeuvre sont protéiformes et inspirent depuis près de deux siècles des chercheurs du monde entier. Rangé parmi les auteurs classiques de la littérature depuis les années 1870, il est encore aujourd'hui réédité régulièrement dans toutes les langues et figure aux programmes scolaires. À la fois romancier, historien, philosophe, journaliste, dramaturge, il a crée un monde peuplé de plus de 2000 personnages dont les histoires sont le prétexte à décrire la société du XIXe siècle. Il est l'inventeur du roman réaliste et fait figure de référence pour représenter ce qu'est un romancier dans l'imaginaire collectif. Levé très tôt, enveloppé dans sa robe de bure, penché sur son bureau, sa main fait glisser sur le papier une plume dont la pointe semble muée par un mouvement autonome. Une cafetière fumante à proximité lui procure le carburant exigé par son imagination sans limite.

 Mais ce que nous montre Balzac va au-delà du simple travail d'historien des moeurs, son génie visionnaire lui permet de comprendre en profondeur les ressorts de l'âme et l'ensemble de ses ouvrages (plus d'une centaine) forme ce qu'il a justement nommé "La comédie humaine", ce monument littéraire englobe l'humanité toute entière.

 Le livre de Joëlle Gleize, universitaire, est une synthèse consacrée à l'interprétation de l'oeuvre De Balzac et à sa réception critique. Au début de l'ouvrage, sont exposés les jugements de ses contemporains Hugo, Sainte-Beuve, George Sand, Théophile Gautier, Delphine de Girardin. L'auteure passe au crible toutes les lectures que l'on peut faire De Balzac et présente de manière structurée la genèse de son oeuvre, l'ordre des publications, l'importance relative des tirages. Elle analyse les critiques d'hier et d'aujourd'hui sur la question de la moralité et du style. Elle s'interroge sur les opinions politiques De Balzac et expose son point de vue avec clarté. j'émets toutefois une réserve pour le chapitre ayant pour titre "Les lectures poétiques et sémiotiques", les pages 83 à 90 ont échappées en grande partie à ma compréhension. le dernier paragraphe dresse l'état des recherches en cours. Ce livre est très riche en références bibliographiques et ouvre de nombreuses perspectives de recherche. En fin d'ouvrage, une chronologie résume les principaux événements de la vie d'Honoré de Balzac.

 Un petit livre très dense qui permet de mieux comprendre l'univers balzacien.

Ce qu'il faut lire De Balzac à minima :

"Le père Goriot"

"Eugénie Grandet"

"La peau de chagrin"

Biographie :

Prométhée ou la vie De Balzac, par André Maurois, Flammarion 1974.

Le livre de Joëlle Gleize dont il est question aujourd'hui, complétera utilement ces lectures :

"Honoré de Balzac, bilan critique", Joëlle Gleize (1994), Nathan université, "collection lettres 128", 126 pages.

Fascicule de 128 pages instructif qui donne un éclairage différent sur l'auteur et l'oeuvre et ouvre des perspectives de réflexions intéressantes pour aborder vos anciennes et vos prochaines lectures.

Joëlle Gleize examine d'abord comment Balzac a été considéré par ses pairs (Emile Zola, Victor Hugo, Charles Baudelaire, Sainte Beuve, Théophile Gautier, Proust, les représentants du nouveau roman.)

Dans une deuxième partie intitulée "L'arbre et la forêt" Joëlle Gleize décortique le mythe balzacien et dépasse certains certains stéréotypes. Par exemple Eugénie Grandet et le Père Goriot, surreprésentés et symboles du roman balzacien, font de l'ombre aux autres oeuvres. le Balzac romancier tend à faire oublier le Balzac dramaturge, la Balzac journaliste, le Balzac qui a écrit sous pseudonyme, le Balzac auteur des contes drolatiques. de même le plan de la Comédie Humaine n'est pas forcément une construction définitive sortie d'un bloc du cerveau De Balzac, ce plan est tel que la mort prématurée de Balzac l'a laissé, et surtout c'était un échafaudage en évolution permanente.

Dans une troisième partie "Lectures en perspectives" Joëlle Gleize aborde les différentes lectures qui ont été faites de l'oeuvre : lecture thématique (l'énergie, la Totalité, la volonté de puissance), lecture marxiste, lecture psychanalytique (Les motivations inconscientes à l'oeuvre dans la création balzacienne, l'influence biographique sur l'oeuvre et les personnages des romans), lecture poétique et sémiotique.

Dans une quatrième partie intitulée "Questions critiques", Joëlle Gleize balaye les grandes questions sur lesquelles les spécialistes continuent à débattre : La moralité ou l'immoralité de la Comédie Humaine ; le style d'écriture De Balzac ; Balzac observateur ou visionnaire ? ; Balzac conservateur ou révolutionnaire ? ; Balzac contre Balzac (au sens ou l'oeuvre dit des choses que Balzac lui-même ne pensait pas, au sens où l'oeuvre dépasse le maître.)

Bref, de quoi réfléchir, de quoi s'enrichir, de quoi apprécier encore davantage cet auteur génial et monstrueux.