En Europe, l'islam n'a pas davantage évincé le christianisme que celui-ci avait éradiqué les pratiques païennes ou éliminé le judaïsme. Toutes ces religions peuvent objectivement se prévaloir d'une présence légitime et, en ce sens, aucune ne saurait être considérée comme un "Autre"; toutes font partie intégrante de l'Europe, de notre patrimoine.
C'est à partir de leur foyer proche-oriental que les trois grands monothéismes que sont le judaïsme, le christianisme et l'islam se sont propagés vers l'ouest, en suivant les deux rives de la Méditerranée. En ce sens l'islam n'est pas plus exogène à l'Europe que le judaïsme et le christianisme : il y est implanté depuis longtemps et y a exercé une influence non seulement politique mais aussi culturelle. C'est d'ailleurs en partie pour se défendre de ses composantes juives et musulmanes, que l'Europe s'est définie comme un continent chrétien.
Repoussés pendant des siècles, les musulmans sont revenus en masse sur le continent, non plus comme envahisseurs, mais comme immigrés. Dans un cas comme dans l'autre, ils ont beaucoup contribué à la civilisation européenne. Par le passé, ils ont stimulé la vie intellectuelle et scientifique, et ouvert la voie à la Renaissance. Aujourd'hui, ils fournissent une part de plus en plus importante de la main d’œuvre dont l'Europe a besoin pour compenser la baisse de sa démographie. Et aujourd'hui, comme hier, les musulmans font indéniablement partie du paysage européen.
L'islam n'a jamais été l'Autre de l'Europe, l'Orient, mais une composante des Européens, qui fait partie intégrante non seulement de notre passé, mais aussi de notre présent, dans la Méditerranée, dans les Balkans, à Chypre, en Russie. Nous devons prendre la mesure de son importance et accepter ce lien, même si son influence a eu une forte coloration religieuse qui peut nous déplaire.