Pépy I° n'est pas le plus célèbre des pharaons : il n'a pas l'aura sulfureuse dont les médias entourent Akhenaton, il ne se prête guère aux enquêtes policières absurdes comme Toutankhamon ou Ramsès III, il n'a pas la grandeur impressionnante de Ramsès II ou des trois bâtisseurs des plus grandes pyramides. Pourtant son règne est à la charnière de deux époques essentielles de l'histoire égyptienne : nous voyons avec lui l'aboutissement du premier état centralisé et les débuts de son émiettement en provinces autonomes gouvernées par des fonctionnaires héréditaires (la "Première période intermédiaire", selon la terminologie classique). L'abondance de la documentation permet à l'auteur, dans l'esprit rigoureux de la collection Pygmalion, de se livrer à une recherche généalogique minutieuse sur la grande famille royale et ses collatéraux ; enfin, il consacre deux longues parties aux profondes mutations dans l'art et le culte funéraires de cette VI° dynastie. Surtout, c'est à ce moment qu'apparaissent les plus intéressantes de toutes les pyramides, les pyramides dites "à textes". Les grandes pyramides connues et visitées de la IV°s dynastie étaient gigantesques mais apparemment non décorées et non inscrites. Celles que l'on bâtit dès l'époque d'Ounas, prédécesseur de Pepy, sont couvertes de textes, "les textes des pyramides" (c'est le fameux Livre des Morts), ce qui indique un fascinant changement dans le statut de l'écriture et de ses pouvoirs magiques. Les parois couvertes de hiéroglyphes bleus (comme le ciel) ou verts (comme la nature qui reverdit) sont des oeuvres magnifiques d'art graphique. En somme, la VI° dynastie est une grande époque de l'art égyptien et mérite toute notre attention. Je regrette un peu, toutefois, que le livre soit écrit dans un français d'égyptologue qui n'est pas toujours d'une lecture agréable.
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Cet ouvrage permet de mieux percevoir ou entrevoir l'histoire de la dynastie régnante sous Pepy et ses descendants,de la 5e à la 8e dynastie;dont l'histoire est trop peu connue et les découvertes pas encore réalisees
J'aime beaucoup cette collection d'ouvrages de references sur les grands pharaons
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... bénéficier d'une offrande invocatoire qui constitue le coeur même du rituel d'offrande. Il s'agit en premier lieu d'une prière qui accompagne la présentation des offrandes, alimentaires ou non, en énumérant celles-ci à haute voix. Par la magie de la parole créatrice, cette formule va jusqu'à remplacer les offrandes elles-mêmes et permet ainsi de pallier l'éventuelle défaillance des vivants dans la perpétuation du culte funéraire.
...
Pour administrer le culte, il convient donc d'approvisionner la table d'offrandes du défunt. C'est le sens des innombrables scènes de défilés de porteurs d'offrandes, chargés de victuailles, de fleurs et plantes diverses, de cosmétiques, de vêtements et de tissus, ... qui ornent les parois des chapelles funéraires et autres pièces des tombes de l'Ancien Empire... En vertu de ce principe égyptien qui veut que l'image, comme l'écrit, vaut pour ce qu'elle représente, ces longues litanies n'ont d'autre but que d'assurer éternellement la subsistance du disparu.
pp. 231-234
Ecrits rituels, les Textes des Pyramides sont tout autant des écrits magiques. Ils usent de nombre de formules apotropaïques visant à assurer la protection du défunt lors de son périple pour rejoindre les étoiles. Mais la magie n'est pas chose à prendre à la légère et comme toute parole, comme tout texte, les hiéroglyphes qui composent les Textes des Pyramides, notamment ceux qui représentent des êtres animés, sont susceptibles de prendre vie magiquement et de s'en prendre à celui qu'ils servent, le destinataire des formules ; il représentent donc une menace potentielle pour le défunt, qu'il faut neutraliser de manière préventive. C'est pourquoi les scribes qui ont inscrit les signes sur les parois ont pris soin, dès Ounas, de veiller à ce que certains d'entre eux ne puissent s'activer et nuire au défunt. Cette neutralisation peut prendre trois formes : la suppression, la mutilation, la substitution.
p. 266
Dans l'ombre d'un Djéser ou d'un Khéops, se dresse l'un des plus grands souverains que l'Ancien Empire ait connu : Pépy I°. Moins célèbre que ses illustres prédécesseurs, Pépy I° eut un des règnes les plus longs et les plus prospères de l'histoire égyptienne, à tel point qu'on a considéré celui-ci comme l'apogée de l'Ancien Empire. Troisième représentant de la VI° dynastie, Pépy I° a marqué son temps par ses nombreuses réalisations sur les plans administratif, religieux et militaire. Son nom se rencontre sur quantité de sites égyptiens et étrangers, et, après sa mort, sa propre pyramide, Mennéferpépy, - "Stable est la perfection de Pépy" - donna son nom à la ville de Memphis.
p. 9
Le défaut majeur et récurrent des études globalisantes sur la nature du roi est d'envisager ce dernier comme une sorte d'objet monolithique qui traverserait les siècles, presque immuable. Or rien n'est moins sûr, à tout le moins pour les plus hautes époques. Observé de manière synchronique puis replacé dans un cadre diachronique, le roi de l'Ancien Empire n'est déjà plus celui de l'époque archaïque et n'est pas encore celui du Moyen Empire. Un exemple presque anecdotique : l'usage du terme "pharaon" qu'on emploie volontiers indépendamment des époques, y compris les plus anciennes, alors qu'il n'apparaît en tant que tel qu'à partir de la XVIII° dynastie. H. Groedicke, qui a mené la seule étude synchronique sur le roi à l'Ancien Empire fondée sur l'usage de ses différentes appellations dans les textes ("roi de Haute et de Basse Egypte", "Roi", "ka", "dieu", "maître", "souverain", "Majesté", nom royal) est arrivé à la même conclusion que G. Posener.
p. 105
C'est à partir de la IV° dynastie que quelques hauts personnages de l'Etat ont commencé à se faire enterrer dans la province dont ils avaient la charge. A partir du règne de Pépy I°, certaines nécropoles régionales connaissent un fort développement qui va de pair avec celui de leurs élites. Cet essor est lié aux réformes administratives de la fin de la V° dynastie qui ont conduit les nomarques (gouverneurs) à ne plus administrer leur région depuis la capitale, mais directement sur place. Ce faisant, ces derniers ont fini par constituer une véritable aristocratie locale et en sont logiquement venus à se faire enterrer dans leur nome (province) de résidence.
p. 214