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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Vassili Grossman, reporter de guerre, a couvert au plus près la bataille de Stalingrad.

Il a cru à l'avènement de l'homme communiste puis a déchanté devant la réalité du régime, et face aux sévisses qu'il a eu à subir en tant que démocrate, en tant qu'intellectuel et aussi en tant que juif.

« Vie et destin » nous raconte l'épopée des soviétiques, certains sortis des geôles de Staline spécialement pour aller au front, contre l'envahisseur allemand en juin 1941.
L'amour de leur patrie et la foi dans leur idéal les a portés et leur a permis d'affronter les épreuves les plus cruelles.

Mais « Vie et destin » n'est pas un journal du front.
VG nous emmène dans la cabane en rondins d'un camp de la Kolyma en Sibérie, dans un camp de concentration en Allemagne ou dans un camp d'extermination en Pologne.

Il nous plonge dans les rangs des détenus qui vont du wagon dont ils viennent de descendre, aux portes du camp pour la sélection.

Nous sommes avec le membre d'un Sunderkommando qui nettoie la chambre à gaz entre deux exécutions.

Nous sommes avec le kapo cynique, avec le voisin de châlit, avec le « camarade » ou l'ancienne connaissance d'un détenu.

Nous sommes avec les juifs, hommes, femmes, enfants et nourrissons, dans la chambre à gaz ; jusqu'à la toute fin du supplice, après que la porte s'est refermée.

Nous sommes avec Krymov dans le bureau de la Loubianka où il est interrogé des jours durant, maintenu éveillé et en vie grâce à des piqûres « puisque la médecine nous y autorise ».

Nous sommes dans l'équipe du laboratoire qui félicite Strum pour la qualité de son travail de chercheur, avant de se détourner de lui et de l'oublier parce qu'il ne serait plus vraiment dans la ligne du Parti. Jusqu'au jour où « qui vous savez » l'appellera personnellement au téléphone pour lui dire combien ses découvertes sont importantes pour la patrie et le socialisme.

C'est au coeur des rouages de tous les systèmes totalitaires que nous sommes immergés. Là où il serait plus simple de mourir que de survivre. Là où se jouent et se dénouent toutes les lâchetés et les trahisons qui permettent au système de fonctionner malgré les volontés parfois contraires de ses agents les plus zélés ou de ses adversaires les plus farouches.

Le destin nous prend par la main et nous guide sur un chemin que nous n'avions pas imaginé. Mais l'homme qui vit vraiment sa vie refuse toujours de suivre une voie qui n'est pas là sienne.

La bataille de Stalingrad a été particulièrement terrible. Militaires et civiles ont défendu la ville, et au-delà d'elle leur pays, avec d'autant plus d'ardeur et de courage qu'ils ont reconnu dans le souffle qui animait Stalingrad assaillie, dans les relations que les gens nouaient entre eux, dans leur altruisme et leur générosité, l'esprit et les valeurs de la révolution d'octobre.

Cette grande guerre patriotique était l'occasion de reprendre le relais de ceux de 1917, de renouer avec les valeurs de ce temps-là et de reprendre et parachever enfin, le travail entrepris alors.
La liberté qui était l'objectif premier de la guerre en était aussi, à Stalingrad, l'arme la plus efficace. On sait ce qu'il en a été par la suite.

Toutes les histoires, qu'elles soient dramatiques ou au contraire très gaies, histoires de guerre ou histoires d'amour, sont racontées sans emphase, avec des images simples et proches de nous, qui nous touchent et qu'on comprend immédiatement.

Chaque fois que je lis un auteur « russe » (VG était ukrainien) je regrette de ne pas connaître davantage les cultures soviétique et russe.
Avec cette géographie immense, ces hommes et ces femmes d'horizons divers et variés, aux noms de conte de fées, et dont les diminutifs affectueux sont plus longs que les prénoms eux-mêmes, et avec cette histoire terrible et glorieuse, ces rêves qui virent aux cauchemars.

Les peuples soviétiques ont payé le prix fort, avant, pendant et après la seconde guerre mondiale, peut-être et hélas pourrait on presque dire, plus pour notre liberté que pour la leur.
C'est une chose que, me semble t il, personne ne devrait oublier. En hommage à Grossman et à ses semblables, célèbres ou anonymes, grands savants ou petits paysans, employées de bureau ou poétesses géniales, militaires zélés ou ouvrières rebelles, qui ont eu des rêves aux dimensions de l'univers, mais que la vie n'a pas su exaucés.
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Dans la plupart des appréciations critiques, dans les très nombreux commentaires de lecteurs de VIE ET DESTIN, certaines expressions semblent revenir régulièrement : « monument de la littérature du XXème siècle », « oeuvre majeure », « fresque monumentale », « chef d'oeuvre de la littérature russe moderne », « Guerre et Paix du XXème siècle »...
Alors moi, en rédigeant cette 70ème critique ici à Babelio, je me dis que je ne saurai certainement pas trouver d'autres adjectifs, d'autres superlatifs pour mieux exprimer, avec la plus grande humilité dont je pourrais faire preuve en tant que lecteur, mon sentiment profond d'avoir été confronté en lisant VIE ET DESTIN à quelque chose de véritablement.. monumental!

Monument à quoi exactement ? A l'Homme avant tout, dirais-je tout simplement ! Tout vit, tout meurt, mais l'homme reste, nous rappelle sans cesse Vassili Grossman. On entend tout au long de VIE ET DESTIN à la fois "les morts qu'on pleure et la joie furieuse de vivre". On y est invité sans cesse "à vivre et à mourir en hommes", car "c'est là, pour l'éternité, [notre] amère victoire d'hommes sur toutes les forces grandioses et inhumaines qui furent et seront dans le monde".

Oeuvre totale, à la fois document de guerre, réflexion philosophique et roman, ancrée dans l'histoire des crimes contre l'humanité perpétrés par les régimes stalinien et nazi au XXème siècle, VIE ET DESTIN ne cède pourtant à aucun moment à la tentation du nihilisme. Au contraire, elle transcende cette réalité tragique, notamment par cette éloge de l'Homme scandée au milieu même des décombres engendrés par une des catastrophes les plus terribles de l'histoire de l'humanité.
L'auteur réussit ce tour de force avec éloquence. Personnellement, je ne suis guère convaincu par les argumentations assez nombreuses qui cherchent à classer Vassili Grossman parmi les optimistes. A mon sens, son propos dépasse largement ces catégories, trop réductrices en l'occurrence, comme le seraient tout aussi bien, par ailleurs, celles de bien ou de mal dont l'auteur ne cesse d'illustrer le caractère relatif (voir par exemple les chapitres à propos du mal que l'homme, depuis toujours, a pu déclencher au nom du bien, ou sur le fait que beaucoup de partisans des thèses du nazisme étaient profondément convaincus de défendre des idées « humanistes », d'agir pour le bien de l'humanité !). A mon avis, il serait plus judicieux ici de parler d'une position de "compassion raisonnable", à la fois compatissante et compatible avec la condition humaine. En tout cas, ce récit m'a paru totalement exempt de mièvrerie ou de toute autre forme d' optimisme défensif face à l'horreur parfois insoutenable de ce qui est raconté.

Dans VIE ET DESTIN une large place est faite à ce que j'appellerai (par opposition à une dimension « supra-réelle » et historique) : « l'infra-réel », constitué ici par les innombrables vies et individualités qui défilent tout au long de ses presque 1 200 pages. Environ 150 personnages (nommés) y auraient été recensés – ce dernier point semblerait d'ailleurs avoir découragé bon nombre de lecteurs ! Un record tout de même pour une littérature (russe) nécessitant souvent qu'on fasse une liste des noms des personnages, et de leurs petits-noms, pour pouvoir s'y retrouver au bout d'un moment...!
De cette profusion dans laquelle parfois on peut effectivement s'égarer, émerge en même temps un sentiment que je qualifierais de "continental", sentiment reliant d'un fil invisible tous ces îlots insondables que chaque homme, que chacun de nous constitue. Je me suis donc parfois simplement abandonné au récit, à ces innombrables personnages, parfois à peine ébauchés par quelques phrases au détour d'une courte parenthèse, hommes emportés par une même et seule vague de l'Histoire ; l'Homme à travers les hommes, au gré des courants et des remous provoqués par cette dernière, l'Homme au travers de tous ces hommes pour lesquelles les rôles peuvent se ressembler, s'inverser, s'effacer, resurgir intacts, alors qu'à d'autres moments, des symétries improbables se créent entre eux, des amours naissent sans lendemain ou leur bonté se révèle malgré tout plus grande et puissante que la haine...Tout vit, tout meurt, mais l'Homme reste.

Cette expérience continentale, ce sentiment de partager tant de vies et de destins en si peu de temps sont soutenus en même temps par une écriture d'une grande simplicité, empreinte d'un lyrisme franc, non-recherché, d'une humanité et d'une empathie envers la condition humaine comme j'ai rarement eu l'occasion de rencontrer chez un auteur. Ce sont là des éléments qui, une fois réunis, sont susceptibles de créer un tel sentiment de proximité et de densité émotionnelle qui auront réussi à faire éprouver au lecteur que je suis une sensation omniprésente de lire au plus près de son être et de son corps.

Vassili Grossman ne verra jamais cet ouvrage publié. Trois années après la saisie de VIE ET DESTIN par les autorités russes, il mourra dans d'atroces souffrances, seul, indigent. Jusqu'au bout, il n'aura cessé d'écrire.

Une lecture en essence inoubliable.




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C'est presqu'un lieu commun, mais vraiment s'il ne faut choisir qu'un livre du XXème siècle, c'est celui-là, c'est un chef-d'oeuvre et il embrasse l'essentiel de l'histoire de la première moitié de ce siècle. Il témoigne à la fois de la shoah à l'est de l'Europe et de l'univers totalitaire stalinien. Les personnages sont très nombreux, pris dans la tourmente de l'histoire et broyés par elle. Il faut dire qu'il maîtrise bien son sujet puisqu'il fut journaliste de guerre à Stalingrad, chargé de réunir au fur et à mesure de l'avancée soviétique les documents sur les massacres commis par les nazis, témoin de la libération de Treblinka et Maïdanek, présent à Berlin lors des derniers combats et de la capitulation.
Et, malgré tout, l'optimisme de Vassili Grossman domine,car à travers le personnage d'Ikonnikov ce livre est aussi sa déclaration de foi en la bonté de l'homme “sans idéologie”, “la bonté des hommes hors du bien religieux ou social”. Ce même optimisme l'a conduit à espérer publier ce livre (dont le manuscrit fut saisi début 1962 pour ne répparaître, en Occident, qu'en 1980). Mais à la même époque Soljénitsyne avait bien réussi à publier “Une journée d'Ivan Denissovitch”.
Un livre terrible et en même temps une belle déclaration de foi en l'humain.
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Troisième lecture pour ce Livre-Monde.
L'émotion est vive, la sidération intacte, le choc peine à être amorti.
Deux mois de lecture attentive et patiente, crayon en main, pour relever les coups de poings, portés par l'auteur, contre cette perversion de la révolution qu'est devenue l'URSS de Staline, bien avant, et bien après les années de guerre, et jusque au plus profond des combats contre le nazisme.
Ma pensée va d'abord à l'auteur, à ses doutes, ses interrogations, ses angoisses, au fur et à mesure de l'écriture du livre. Dix années d'écriture qui coexistent avec la perte de ses dernières illusions sur le régime, au fur et à mesure des exactions de l'État stalinien, jusqu'après la mort de Staline et après le 20ème congrès en 1956. Croit-il encore le changement possible lorsqu'il écrit à Nikita Krouchtchev en février 1962, un an après avoir vu le KGB perquisitionner chez lui et saisir son manuscrit.
« Je vous prie de rendre la liberté à mon livre …»
« Ce livre ne contient ni mensonge, ni calomnie, seulement la vérité, la douleur, l'amour des hommes »
Je reprends ses mots, qui disent si bien ce qu'il a écrit : la vérité, oui, dans la bouche de ses personnages, une foule de personnages autour de la famille Chapochnikov de près ou de plus loin, à Stalingrad, en Ukraine, à Kazan, Kouïbychev, Saratov, Moscou, en Sibérie ou dans la steppe kalmouke.
Grossman les saisit dans leur quotidien, à hauteur d'homme ou de femme. Ils sont mécaniciens, gardien d'usine, aviateur, tankiste, paysan, commissaire politique, ingénieur, militaire, ils travaillent à l'arrière dans les villes de la Volga où la population de Moscou s'est repliée, ils se battent sur le front, ils ont été faits prisonniers en aout 42 par les allemands, ils ont été envoyés en camp par la Tchéka, ils découvrent qu'ils sont juifs et parqués pour cela dans des guettos avant de subir la sélection et de mourir dans une chambre à gaz, ils sont russes mais aussi allemands, officier SS ou soldat dans les camps, au sein des sonderkommandos ou sur le front, dans les éventrements de Stalingrad, dans l'encerclement final, vivants sous les bombes puis morts quelques minutes après, comme ceux d'en face.
« Vie et destin » est un hymne à l'humanité, dans ses doutes et ses erreurs, dans sa diversité, et la radicale individualité de chacun. C'est un hymne à la liberté, et certains en ont une idée plus précise que d'autres, comme Grekov qui assure le commandement de la maison 6bis à Stalingrad, face aux allemands, là où, sous les bombes, le soldat Serioja Chapochnikov parle de « La chartreuse de Parme » avec Katia la jeune radio de 19 ans : « t'as aimé ? ».
Grekov, « le franc-tireur », accusé de n'être pas dans l'orthodoxie, le commandement lui envoie Krymov, commissaire politique, en redresseur de tort, ce dernier finira dans les geôles de la Loubianka, le régime se méfie de ses larbins.
La vérité des personnages de Grossman, c'est souvent la peur, il y a bien sûr la peur des soldats, viscérale, terrible, « son angoisse était si grande qu'il ne la sentait pas » dit-il de Novikov avant l'assaut des blindés qu'il doit lancer. Il y a aussi la peur loin du front. Nul mieux que Victor Pavlovitch Strum ne l'incarne dans le livre, éminent physicien, replié à Kazan, il est l'exemple même de l'individu conscient d'être écrasé par la force et la puissance de l'État mais incapable de résister. Torturé par le doute, il s'interroge sur les suites de cette soirée chez les Sokolov, il se souvient de ses peurs passées comme après qu'il ait jeté la Pravda par terre alors qu'il était étudiant et toutes ces nuits à se lever pour guetter la voiture qui ne passerait pas par hasard. Soumis à un véritable lynchage par ses collègues, une fois revenu à l'Institut à Moscou, il renonce au dernier moment à écrire une lettre de repentir. Quand Staline lui téléphone pour lui demander comment vont ses recherches, il s'extasie, mais derrière le retour en grâce, on lui fait signer la dénonciation d'un collègue. Il prend conscience alors, qu'il le fait contre son intime conviction, mais s'aperçoit qu'en 1937 déjà il avait accepté d'accuser ce collègue, le piège se referme.
La vérité des personnages de Grossman se vit aussi dans la douleur, et cette douleur est partout : dans les camps, au front, à l'arrière. Parce qu'il parle de sa mère à travers elle, la douleur d'Anna Semionovna qui adresse à Victor Pavlovitch cette lettre qu'elle sait être la dernière, la douleur de Sofia Ossipovna, du guetto, au train, du train à la sélection, jusque dans la chambre à gaz. Les douleurs causées par l'amour, les lettres de l'autre qui n'arrivent pas, les trahisons, les abandons, le désamour. Tout ce qui touche profondément à la nature humaine, rejaillit des personnages de « Vie et destin » et ces personnages sont sublimes jusqu'au plus allusif d'entre eux, comme cette vieille femme qui accueille Semionov agonisant. Elle le cache, elle le nourrit, elle le lave. Les personnages de femmes ont dans le roman une force incroyable, elles assument leur vie, leurs amours, elles résistent, elles incarnent l'humanité et souvent la bonté.
L'amour des hommes oui, Grossman le porte tout au long de ses pages, avec la conscience que leur destin, en Russie ne va pas dans le sens de la liberté à retrouver, au contraire il s'en éloigne et la troisième partie du livre porte un pessimisme lourd, celui d'un homme résigné. Il fait dire à Krymov dans les fers de la Loubianka : « les temps nouveaux n'avaient besoin que de la peau de la révolution et on écorchait les hommes encore vivants »
La révolution bolchévique resterait dans ses fondements une différence de taille avec le nazisme, mais qu'en reste il ? Grossman construit dans le livre une comparaison minutieuse des deux états totalitaires qui oppriment et écrasent. Il fait prophétiser par Liss le SS, la victoire de l'URSS et la défaite du nazisme, pour dire alors : « Si c'est vous qui gagnez, nous périrons, mais nous continuerons à vivre dans votre victoire. »
Que reste-t-il donc aux hommes sinon d'être des hommes ? de vivre au plus près de ce qu'ils ont d'humain, comme Novikov qui retarde l'assaut des blindés de 8minutes pour permettre de neutraliser les batteries qui auraient massacré ses tankistes. Staline au téléphone hurle de foncer.
Tout est dit.
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J'ai profité du confinement pour lire le diptyque de Vassili Grossmann et il fallait bien ce temps-là. C'est une épopée qui raconte la vie d'une famille et de ses proches dans la période de la bataille de Stalingrad. Bien que la guerre soit omniprésente et qu'elle pèse, influence et détermine la vie de chaque personnage, ce n'est que la toile de fond de cette saga.
Les deux livres sont dans la même ligné, mais la différence qu'on y perçoit et une nette évolution politique de l'auteur, dans « Pour une juste cause » il loue Staline qui est le grand protecteur de la patrie socialiste alors que dans « Vie et destin » il critique par la voix de ses personnages l'administration tentaculaire qui brise les citoyens russe.
« Vie et destin », a été interdit en URSS et c'est par un manuscrit sortie illégalement qu'il a fini par être publié, après la mort de Vassili Grosman.
Mis à part la difficulté à s'habituer aux patronymes Russes, ces romans sont captivants on y voit un peuple qui lutte avec acharnement contre la barbarie d'un envahisseur nazi particulièrement brutal et inhumain, essayant de survivre dans le chaos de combats féroces. La vie et sa force est présente dans ce magma de feu, l'amour y trouve sa place au milieu des gravats et dans les couloirs des hôpitaux. Ces livres décrivent la force de gens simples qui s'accrochent à ceux qu'il leur reste pour survivre. Cette oeuvre est un message d'espoir que je vous conseille
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Que dire de plus de Vie et Destin, livre célébré, comparé à Guerre et Paix, chef-d'oeuvre de la littérature du 20e siècle? Que ces superlatifs ne sont pas usurpés. Ce roman relate l'histoire d'une famille russe à travers les vicissitudes de la guerre, la chronique bien peu romantique de cette guerre du point de vue du commandant, du commissaire politique, de l'officier russe ou allemand. On y voit surtout des hommes et des femmes avec leur sentiments, leurs amours, leurs convictions ou leur absence de convictions, leur courage, leur lâcheté, leur peur, la transformation de leur charactère devant les horreurs qu'ils ont vécus. le dilemme du savant entre la recherche pure et son application destructrice. La liberté de l'individu, écartelé entre ses convictions, ses amitiés, et la puissance de l'état. Les clans dont l'idéologie politique est au-dessus de tout soupçon, qui sacrifient les figures tutélaires de leur mouvement sans hésiter, pour obéir à la force du moment, c'est-à-dire à l'intérêt particulier de quelques uns. L'amitié des peuples vite remplacée par un nationalisme obtu. La question juive - la description des derniers jours d'une femme médecin dans un ghetto ukrainien relatée dans une lettre à son fils est l'un des chapitres le plus poignant de ce livre. On y apprend autant sur le coeur de l'homme, que sur la guerre à Stalingrad, les purges, le stalinisme et le nazisme. C'est comme si ces moments difficiles agissaient tel un miroir grossissant les agitations de l'âme. Un grand roman.
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Tout d'abord c'est l'histoire de ce livre qui m'a beaucoup intrigué, car Vie et Destin est le premier détenu placé sous les verrous par le KGB en 1962. L'auteur ne fut pas arrêté, mais sa vie fut brisée après la confiscation l'oeuvre de sa vie. Sous l'ère de Khroutchev et malgré une certaine distension, ce livre a fait très peur aux responsables du KGB de l'époque parce qu'il dresse un tableau parfaitement réaliste et effrayant de la société soviétique d'alors. La bataille de Stalingrad est le fil conducteur qui est le tournant déterminant de l'affrontement entre le nazisme et la démocratie. Dans ce moment charnière, l'auteur nous fait vivre à travers différents personnages ce moment historique: Strum le physicien juif déclassé, la vie des soldats russes et allemands, l'ouverture d'un camps de concentration nazie, les destinées mêlées d'une famille russe. Il en faut du courage pour dénoncer un fait désormais évident, le stalinisme n'est que l'autre face de la médaille du nazisme hitlérien! Car la victoire de Stalingrad a jeté le peuple russe dans les mains cruelles de Staline qui a instauré la terreur, à travers la délation, les milliers de camps où du jour au lendemain on recrutait n'importe quel citoyen sous forme d'arrestation et de déportation pour travailler aux grands projets voulus par Staline. La Kolyma, un territoire grand comme chez nous où on aurait compté 476 camps entre 1929 et 1953 et jusqu'à 18 millions de déportés dans tous ces bagnes. Une main d'oeuvre à bas coûts pour des chantiers gigantesques! Je recommande de voir si c'est encore possible la série sur ARTE sur l'histoire des Goulags, stupéfiant!
Mais ce livre est plus qu'un roman, il nous apporte une profonde réflexion sur des thèmes importants: l'homme face à l'Etat, l'antisémitisme, et un des textes les plus beaux que j'ai découvert, sur la nature de la bonté.
Si aujourd'hui, ce livre est est un chef d'oeuvre reconnu dans le monde occidental, il n'en est toujours pas de même en Russie, ce qui peut nous donner à réfléchir sur l'évolution des sociétés actuelles, même si la notre est loin d'être parfaite, elle a encore le mérite de nous laisser libre de lire le livre de Grossman.
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Ce roman dépeint la vie de la famille Chapochnikov pendant le siège de Stalingrad fin 1942, début 1943. Chaque chapitre raconte une bribe d'existence pour constituer le puzzle familial, chaque bribe apporte sa touche de couleur au récit, couleur terne, sombre ou joyeuse, selon. Nous nous approchons au plus près des vies, des besoins, des questions, des préocupations de toutes ces personnes. Puis les situations se font plus intenses : l'entrée dans le Ghetto, dans la chambre à gaz, dans le bureau d'interrogatoire de la Loubianka, où sont les services secrets soviétiques.
Grossman n'a rien omis, le plus futile comme le pire, dans le camp, sur le champ de bataille, dans l'isba, dans l'appartement défoncé, dans la maison résistant à l'ennemi, au sein du laboratoire de recherches.

Bien sûr certaines personnes ont plus souffert que d'autres mais le général qui doit décider d'envoyer ses chars conduits par des gamins sans expérience, souffre de les mener à la boucherie. Il prétend plus souffrir que son rival amoureux qui est interrogé à la Loubianka.
Des images fortes restent après avoir refermé ce chef-d'oeuvre. Par exemple, les bolcheviques continuaient à exercer leurs pressions à l'intérieur des camps de prisonniers russes. L'encerclement des allemands à la fin du siège de Stalingrad aurait pu être évité si Hitler lui-même ne leur avait pas enjoint de continuer à se battre puisqu'il leur faisait encore confiance. Il y a aussi ce petit passage où Staline décide, alors que la guerre n'est pas finie, que les prisonniers russes rejoindront les prisonniers allemands dans les goulags après la guerre.
Bien sûr, ces faits sont plus ou moins connus mais là on mesure à quel point il est difficile de se dépêtrer du totalitarisme, de la peur entretenue à tous les niveaux de la société, avec un système avilissant de récompenses et de sanctions.
Heureusement, d'autres petits fragments de vie sont lumineux à leur façon, car il en ressort une très grande humanité. Il y a cette histoire de cette vieille femme qui sauve la vie de l'allemand qui avait tué le mari la veille. Il y a cet accouchement sur les planches glacées de la péniche. Il y a Natacha qui traverse Stalingrad complètement détruite, pour faire cuire les petits pâtés à la viande qu'elle offrira pour le départ de ses amis. Tous ces gens s'oublient, pour rester vivants et continuer coûte que coûte, en s'adaptant avec un immense courage. Ces beaux gestes consolent de la dureté.
Grossman met parfois son histoire entre parenthèses, en nous livrant ses réflexions, pour parfaire son message.

Lire ce livre offre l'occasion de savoir ce que les gens ont enduré, de leur rendre hommage, car leurs voix ont été tues. En effet, cet ouvrage n'aurait jamais dû être édité car il a été saisi par le FSB en 1969, chez l'auteur. Il franchira le rideau de fer et sera imprimé à Lausanne en 1980.

Chaque vie est précieuse et singulière. Nous avons tous en nous une petite graine de bonté à faire grandir.
Lien : http://objectif-livre.over-b..
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Il y a tellement d'aspects à aborder dans "Vie et Destin" que je ne m'y tenterais pas ici mais, me permettrai une réflexion . Si Vassili Grossman tend à nous prouver que tous le régimes totalitaires, quelques soient leurs bords, ont des bases ou des socles communs, l'âme Russe, elle, possède le don du roman fleuve et, qu'ils soient écrits sous des régimes tsaristes ou communistes, cela ne changent rien au talent de leurs auteurs.
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La bataille de Stalingrad fait rage. Une famille disloquée par les évènements, la guerre et les aléas du régime soviétique...

Une foison de personnages, certains récurrents, d'autres secondaires mais qui révèlent beaucoup de l'état d'esprit du peuple soviétique à la fois mesquin et généreux, courageux et pleutre, servile ou rebelle...
Ainsi, pour évoquer que ceux qui m'ont le plus marqué :
- Strum , le physicien génial veut rester droit dans ses bottes, ne rien renier face aux décisions arbitraires et injustes de l'Institut , ressasse et rumine ses états d'âme sur l'honneteté intellectuelle même si cette honneteté fait défaut vis à vis de sa femme jusqu'au retournement de sa situation.
-Krymov, le commissaire du peuple arrété et enfermé à la Loubianka probablement sur dénonciation. Mais dénonciation de qui ? Lui, qui se pensait irréprochable, intouchable, réfléchit, souspèse le paroles prononcées parfois imprudemment.
- de Spiridonov, seul directeur à être resté dans Stalingrad pendant la bataille, qui sera pourtant accusé de lâcheté parce qu'il a quitté la ville le dernier jour des combats pour retrouver sa fille qui vient d'accoucher..

Un incroyable récit sur la réalité brutale du régime soviétique "dénonciation, arrestation, interrogatoire, torture, déportation, exécution".
Tout y est. Tout y est en 1962...
Il est incroyable de penser que Vassili Grossman ait cru en toute bonne foi que son roman serait publié.
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