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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
lu en 2021. Depuis 15 ans, ce livre attendait sa lecture. Pour un pavé de 1200 pages, le covid devait s'installer dans notre vie avec la cohorte de toutes les interdictions qui nous ont été imposées pour que je m'y plonge.
D'après les historiens et les romanciers, c'est un des plus grands livres du siècle. Grossman, juif russe né en 1905, fut pendant longtemps un écrivain et un journaliste communiste d'une orthodoxie absolue. Correspondant de guerre, il avait couvert la bataille de Stalingrad, et à ce titre, il décrit parfaitement la monstruosité des combats qui ont duré 6 mois, fait 800 000 victimes russes, et 400 000 allemands (voir son livre « Années de guerre »). Après la guerre Vassili Grossman est un homme meurtri, déchiré. Il a assisté au déchaînement de l'antisémitisme dans son propre pays (sa mère assassinée à Baby Yar), entendu les procès, analysé le stalinisme. Frappé par la convergence de deux systèmes politiques opposés : nazisme et communiste qui aboutissent à créer des camps de concentration/goulag ; gestapo/KGB, et un nationalisme d'état, il utilise la forme d'un roman avec des personnages fictifs pour analyser et accuser la politique répressive et meurtrière menée par Staline. Son manuscrit est saisi par le KGB, mais paru en 1980 en Europe, ce livre n'a survécu que par miracle.
Il dénonce les famines des années 1920 et 1932 en Ukraine, les arrestations arbitraires, les camps de prisonniers, les procès de 1937 où Staline a décapité l'ancienne garde des militaires lors de la révolte d'octobre, fidèles à Lénine ; l'antisémitisme sournois qui va s'amplifier après la guerre. La vie et la liberté sont de plus en plus précaires, personne n'est à l'abri d'une dénonciation. La méfiance devient un mode de vie.
La lecture est ardue, je me suis souvent perdue dans les personnages et effectué de nombreux retour en arrière. Mais ce livre est indispensable. Il est devenu l'introduction à un autre pavé qui fait suite : « le livre noir du communisme » qui illustre absolument les pages de ce roman.



Lien : https://www.babelio.com/conf..
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Vie et Destin est un monument de la littérature et est essentiel pour la compréhension du XXème siècle. le volume du livre (1171 pages en format poche) est un challenge, mais malgré mes doutes initiaux de pouvoir arriver à gravir cette montagne, je fus véritablement happé par un texte captivant de bout en bout et maintenant plus que satisfait d'avoir découvert ce chef d'oeuvre.

Il faut bien reconnaitre que sa lecture en cette période, alors que l'Ukraine résiste à l'envahisseur russe, de nombreux passages du livre sont éclairants sur l'intimité historique de ces deux pays. Les chefs militaires russes, après avoir brisé l'armée allemande à Stalingrad, sont en compétition pour être les premiers à entrer en Ukraine en tant que libérateurs.

Une oeuvre que je recommande vivement, c'est dans ma mémoire un des cinq livres les plus marquants que j'ai pu lire.
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Vertigineux ! Un livre à lire au moins une fois dans sa vie. Au moins … Il est tellement foisonnant et bouillonnant qu'une relecture apporterait, j'en suis persuadée, un plaisir égal et un regard encore plus incisif. Si ce livre avait pu paraître en 1960, du vivant de l'auteur, il aurait déclenché une gigantesque déflagration. Encore aujourd'hui, il n'a rien perdu de sa force.

Ce qui est frappant par rapport au premier volet (Pour une juste cause), c'est qu'il s'agit pour ainsi dire d'un miroir inversé : alors que dans le premier volet, l'élan patriotique, l'espoir, le triomphe de la liberté s'amplifient à mesure que l'armée russe recule, dans Vie et Destin, c'est au contraire les doutes et les désillusions qui s'intensifient à mesure que l'armée russe progresse ; l'armée ou le Parti…

A travers une multitude de personnages, l'auteur s'interroge et interroge sur ces formes d'Etat-parti qui étouffent la liberté pour assoir leur emprise. La convergence qu'il établit entre les régimes nazi et communiste est admirablement amenée ; les mécanismes de la délation, de la terreur, de la soumission sont également évoqués avec une effrayante acuité.

Mais c'est aussi et surtout une aventure humaine qui grouille de points de vue, d'aspirations différentes. Elle raconte des hommes, des femmes, des enfants de toutes les classes sociales, dans des camps allemands et russes, dans des villages et des villes, des soldats, des colonels, des membres du comité, des civils, sur le front ou à l'arrière, des bolchéviques, des tchékistes, des léninistes, des anciens propriétaires terriens, des Allemands, des Russes, des Juifs, des Ukrainiens, des Tatars, des Kalmouks, des personnes ayant la confiance du parti et d'autres ne l'ayant pas etc. jusqu'à ce passage hallucinant sur le regard d'un gamin dans une chambre à gaz. J'en ai encore des frissons ! Elle raconte la vie qui continue envers et contre tout avec ses joies et ses souffrances. Cette diversité de regards apporte selon moi une force incommensurable à ce livre.

Si Vie et Destin est souvent comparé à La Guerre et la Paix de Tolstoï – Et pour cause : il s'agit là aussi d'une fresque historique à hauteur d'hommes mettant en scène une famille et ses nombreuses ramifications autour de batailles emblématiques (la campagne de Russie de 1812 pour l'un, Stalingrad pour l'autre), mêlant personnages fictifs et réels et considérations philosophiques – j'ai plutôt eu le sentiment que Vassili Grossman se revendiquait davantage de Tchekhov. (Il va me falloir le lire !)

Ainsi quand, Madiarov, l'un des personnages de Vie et destin, s'exclame « La voie de Tchekhov, c'était la voie de la liberté. […] Tchekhov a fait entrer dans nos consciences toute la Russie dans son énormité ; des hommes de toutes les classes, de toutes les couches sociales, de tous les âges… Mais ce n'est pas tout ! Il a introduit ces millions de gens en démocrate, comprenez-vous, en démocrate russe. Il a dit, comme personne ne l'a fait avant lui, pas même Tolstoï, il a dit que nous sommes avant tout des êtres humains ; comprenez-vous : des êtres humains ! », c'est selon moi précisément l'intention de Vassili Grossman : dire simplement, sincèrement les êtres humains.

Mais, d'après moi, ce qu'il montre aussi, c'est que les hommes ne changent pas. Ce sont les circonstances qui, elles, changent et exhortent ce qu'ils avaient déjà en eux. Strum est sans doute l'un des personnages qui va le plus se révéler à lui-même et je me suis demandé, vu les similitudes avec le parcours de l'auteur, si ce n'était pas une projection de son double.

J'ai malgré tout retiré une demi-étoile en raison de la structure éclatée du roman, celle-là même qui m'avait tant dérangée dans le premier volet et qui a continué à me déranger par intermittence dans la première partie de ce volet-ci. Encore que, en refermant le livre, j'ai hésité à la retirer car cette construction est sans doute autant une force qu'une faiblesse, à l'image de la diversité des hommes qu'elle fait vivre.

Vous l'aurez compris, ce livre est monstrueux autant que magnifique.
Monstrueux, car il nous fait toucher du doigt avec une justesse de ton effarante et une puissance évocatrice saisissante ce qu'est la vie en temps de guerre sous un régime totalitaire.
Magnifique, car la confiance en l'homme de l'auteur transpire entre les lignes, elle est là en filigrane, impuissante mais inébranlable. Elle se manifeste dans la bonté humaine, celle de la vie de tous les jours, une « bonté sans témoins, une petite bonté sans idéologie. » Une « bonté folle » comme la nomme encore Vassili Grossman. « C'est la bonté d'une vieille, qui, sur le bord de la route, donne un morceau de pain à un bagnard qui passe, c'est la bonté d'un soldat qui tend sa gourde à un ennemi blessé, la bonté de la jeunesse qui a pitié de la vieillesse, la bonté d'un paysan qui cache dans sa grange un vieillard juif. » Un grand moment de lecture en ce qui me concerne.
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Un récit où les vies des différents personnages se croisent avec comme toile de fond la seconde guerre mondiale et le régime stalinien.
Ce livre a une histoire passionnante, interdit de publication car passé sous la censure, il sera pourtant publié grâce à la ténacité des amis de l'auteur.
Ce roman offre une véritable plongée dans une guerre humaine terrible mais aussi dans la guerre de la pensée.
Je conseille ce livre qui ne vous laissera pas indifférent.
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Que dire de plus que toutes les critiques élogieuses qui accompagnent ce chef d'oeuvre absolu depuis sa parution ?
Que ce fut mon coup de coeur de lecteur en 2021, une année pourtant riche de très bonnes lectures, me concernant.
Qu'il se mérite et qu'il est utile de s'équiper d'une liste des personnages pour s'y retrouver au début, mais qu'ensuite tout s'articule facilement.
Que des nombreux morceaux de bravoure littéraire qui constituent ce livre, bouleversants, certains m'ont plus bouleversé que d'autres. Ainsi en est-il de la lettre de la mère de Strum, Anna Semionovna, de la scène de la mort de Sofia Ossipovna dans la chambre à gaz d'Auschwitz, de la chute et de la faillite morale de Strum, pris au piège et qui signe une lettre de dénonciation d'un de ses amis…
Quel choc littéraire mes amis, quel choc tout court !
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Vie et destin, de Vassili Grossman
Roman ? Documentaire ? Fiction ? Réalité ? Dans cette fresque, Vassili Grossman emprunte son style au roman pour nous dépeindre des faits historiques. Tour à tour poignant, dérangeant, enivrant, cette oeuvre met en lumière la grande histoire de l'URSS en guerre à travers le destin d'une famille.
Et Vassili ne nous épargnera rien… nous foulons Stalingrad assiégé, les doutes et les questionnements du peuple russe, la famine, les laboratoires, le totalitarisme, Treblinka.
Le petit père des peuples est il si différent du Führer dans son totalitarisme et le régime de terreur qu'il a mis en place ? Il convient au lecteur d'en juger. Vassili Grossman nous amène à un questionnement sans truchement, et tandis que les protagonistes de cette famille se démènent pour sauver leurs vies, ils engagent également un combat plus intime du bien contre le mal.
Véritable ode à la vie, Vie et destin est un roman extraordinaire, plein d'espoir et d'humanité. Déroutant…
Un auteur extraordinaire qui mérite sa place au panthéon des grands auteurs russes.
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Comment un homme seul (et, qui plus est, tenu au secret par l'ostracisme de la peur collective et de la police politique) peut-il affronter le Monstre totalitaire, et même en l'occurrence cette monstruosité historique et cosmique du XXe s. qu'est le tête-à-tête (rappelant Orthos, le chien à deux têtes de la mythologie) du fascisme et du stalinisme, ces deux frères ennemis fanatisés qui, dans et par-delà Stalingrad, s'imitent et s'étripent à l'échelle de l'immense empire soviétique, voire du continent et même du monde entier ? Et non seulement s'y affronter intellectuellement, pour en démonter la logique, les axiomes, mécanismes, tenants et aboutissants. Mais bel et bien l'affronter physiquement (et d'ailleurs le Monstre étatique ne s'y trompe pas, qui met tout en oeuvre pour le faire taire et pour tuer dans l'oeuf l'oeuvre qui le menace), David contre Goliath, avec l'espoir ou le rêve fou de miner ce monstre bicéphale, cette gémellité monstrueuse, de lui porter des coups mortels et finalement de le ou la terrasser ? Sinon en effet, à quoi bon se donner tout ce mal ?

Comment donc renverser un rapport de force tellement déséquilibré ? Réponse : par la force de l'imagination ; par la puissance du roman. Car Vassili Grossman est romancier. Certes, le travail de documentation qui a permis d'ancrer cette somme de presque 1200 pages dans la réalité historique, technique, géostratégique, politique, biographique, militaire, culturelle et humaine… a quelque chose d'un travail de forçat (12 ans de rédaction !) et impressionne par son ampleur et sa minutie. Mais Vie et destin n'est ni un reportage de guerre ni une reconstitution historique ; c'est bel et bien un roman, une fiction, et c'est ce qui lui donne sa force inégalable. le romancier en effet jouit ici d'une sorte d'ubiquité. Il est partout à la fois, côté russe et côté allemand, passant du front russe au camp de prisonniers allemand, de l'état-major des Soviétiques à celui des Nazis (Staline et Hitler y compris, en chair et en os, et même en monologue intérieur…), de la ligne de front aux villes de l'arrière, de l'héroïsme des champs de bataille au quotidien des familles, des entrailles de la Terre et de la ville retournées au grand jour au plus secret des pensées et des sentiments refoulés, des personnages les plus en vue ou les plus solaires aux quidams les plus obscurs et les plus misérables… En 192 courts chapitres ou tableaux juxtaposés, il assemble ainsi une mosaïque qui donne un peu l'impression d'un panoptique, capable de faire pièce à celui (par contrôle et délation généralisés) du système totalitaire. Et, de même qu'il occupe ainsi tout l'espace, il circule aussi librement dans le temps car, si le récit s'articule autour de la bataille de Stalingrad, (septembre 1942-printemps 1943), il remonte souvent aux purges et à la « Grande Terreur » de 1937 ou aux espoirs et à l'enthousiasme des premiers temps de la révolution bolchevique d'octobre 1917, voire, à la faveur de réminiscences littéraires (Tolstoï entre autres), aux racines ancestrales de l'âme russe. Il s'autorise même de l'avantage de la postérité pour, de manière anticipée, annoncer par exemple le destin posthume du vieux bolchevik Mostovskoï ou évoquer les enjeux géopolitiques de l'après-guerre.

Et c'est ainsi que, par la magie d'un tel affranchissement de l'espace-temps, il atteint à l'universalité et à l'intemporalité caractéristiques des grands romans. Non pas l'universalité abstraite des concepts et du surplomb ou du détachement intellectuels ; mais une universalité concrète, qui se réalise dans la communion fraternelle et dans le fait que tout un chacun vient à se reconnaître dans les singularités qui lui sont ainsi présentées et dévoilées. Nulle distance ou barrière : nous sommes de plain-pied avec tous ces personnages, bouleversés par leurs drames et leurs souffrances, tendus à l'extrême pendant leurs affrontements ou leurs conflits intérieurs, partageant leurs vies et leurs destins, leurs interrogations et leurs choix, avec une intensité et une empathie peu communes. Et d'autant plus surprenantes que, de ces personnages, il y en a pléthore. On en a dénombré autour de 150 et, pour s'y retrouver, il vaut mieux en garder la liste sous la main tout au long de sa lecture. C'est donc tout un échantillon d'humanité, dans l'immense diversité des figures, des rôles et des cheminements, qui vit sous nos yeux et gravite autour de la famille Chapochnikov qui en est comme le noyau ou le réseau. Mais chacun de ces hommes et de ces femmes, même parfois simplement entraperçus, se trouve à tel point pénétré dans son humanité essentielle qu'on est tout de suite sensible à sa valeur unique, touché par la force et la singularité de cette incarnation individuelle de l'humain et, du coup, irrésistiblement attaché à ses pas et à son destin. Il y a ainsi la Matriarche, Alexandra Federovna, Mère et grand-mère Courage autant que Bienveillance et Compréhension ; Strum, Victor Pavlovitch : savant passionné, lucide, intransigeant, aux prises aussi pourtant avec les faiblesses et les tourments de l'homme ordinaire ; Evguenia l'Amoureuse, obsédée par la sincérité de ses sentiments et partagée entre deux hommes remarquables ; Grekov, un desperado grandiose, héroïque et sublime ; Krymov, l'intellectuel engagé, militant lucide et incorruptible, d'une loyauté sans faille jusqu'au sacrifice suprême ; Serioja, le soldat adolescent, et Katia, la jeune radio, qui découvrent l'amour dans les corridors de la mort ; Mostovskoï, le vieux bolchevik exemplaire, d'une foi inflexible et d'une humanité si sensible ; Ikonnikov, le vieux disciple de Tolstoï, qui a perdu sa foi en Dieu avec toutes ses illusions mais qui, sous toutes les avanies, croit encore à la bonté humaine ; Sofia Ossipovna Levintone, médecin militaire et femme solitaire, qui prend en charge, presque malgré elle, David le petit Juif et qui finit par découvrir sa maternité dans la chambre à gaz ; Novikov, colonel intrépide à la tête de son corps de blindés et en butte à la discipline militaire et politique à cause de son humanité envers ses soldats ; et combien d'autres au fil des pages, brèves rencontres ou compagnons de route plus assidus, qui éveillent en nous, lecteurs, témoins et comparses, toute la gamme des émotions et des réactions humaines devant le meilleur et le pire dont sont capables les hommes…

Et quelle démonstration magistrale de la réciprocité et de la réversibilité du stalinisme et de l'hitlérisme, les deux visages du monstre totalitaire, dans l'affrontement inégal (l'un disert, l'autre muet) entre l'Obersturmbannführer Liss et le vieux prisonnier bolchevique Mostovskoï (partie II, § 14) ! On frémit et on retient son souffle comme dans le face-à-face du Christ et du Cardinal de la Légende du Grand Inquisiteur de Dostoïevski. Et, dans le testament d'Ikonnikov (partie II, § 15), quelle charge implacable et ô combien pertinente contre les absolus du Bien et du Mal et contre la perversité intrinsèque des utopies qui les transforme inexorablement en dystopies. Il y a comme des accents pascaliens (« L'homme n'est ni ange ni bête, mais qui veut faire l'ange fait la bête »), mais transférés ici de la morale individuelle à l'analyse historique et politique… même si, dans la faillite des grandes entreprises collectives, il n'y a plus guère à miser que sur la « bonté humaine » qui résiste au fond du coeur de chaque homme et qui s'exprime au cas par cas… Quelle profondeur et quelle justesse encore (et en même temps quelle tension pour le lecteur, qui lit ces pages avec le même suspense qu'un thriller) dans l'analyse psychologique qui sous-tend le dernier interrogatoire de Krymov à la Loubianka ! Quelles réflexions enfin, lumineuses et sagaces, égrenées en chemin et qui touchent à des questionnements philosophiques essentiels comme, en épistémologie, les rapports de la théorie et de la pratique, des mathématiques et de l'expérience (à propos des démêlés autour des travaux scientifiques de Strum) ou, en métaphysique, la conciliation du destin et du libre-arbitre, de la nécessité (historique, mécanique, étatique) et de la liberté individuelle ! Aucun récit historique, aucune recherche documentaire, analyse scientifique, enquête sociologique ou spéculation philosophique ne peut atteindre à cette vérité humaine du roman, quand il s'agit d'un grand roman.
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Objet littéraire non identifié, cet énorme roman reconstitué, auquel il manque des fragments, comme un vase antique, se situe à la suite d'un autre livre qui n'a pas grand-chose à voir semble -t- il avec celui-ci, et laisse au lecteur un gout étrange d'inachevé. Il n'empêche, Grossman fait éclater avec évidence les ressemblances entre les deux totalitarismes qui s'opposent à Stalingrad et présente une vue saisissante de la vie quotidienne au temps de Staline. Chef d'oeuvre.
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Quoi que j'écrive dans cette critique je ne saurais rendre justice à la grandeur de ce roman.
« Vie et Destin » embrasse le champ de bataille de Stalingrad lorsque le destin de la Russie, de l'Allemagne, du Monde se joue.
Il le fait à hauteur d'Homme. Ou plutôt à hauteurs d'Homme. de la plus élevée à la plus terre à terre.
Dans un même chapitre, il vous emmène vers les plus hautes réflexions humaines sur le bien, le bon, l'État et vous ramène juste après dans une maison de Stalingrad assiégée par l'ennemi tous mourant de faim.
Le récit semble englober toute l'humanité au travers de personnages marquants.
Il y a le scientifique craignant pour sa vie à Moscou.
Il y a la mère prise au piège du Ghetto qui écrit sa dernière lettre à son fils. Quelle lettre. Elle rassemble à elle toute seule une force, une émotion qu'on ne retrouverait qu'au centième dans un autre roman.
Il y a l'officier qui lutte pour sa vie.
Il y a l'affamé.
Il y a le couard.
Il y a le juste.
Il y a le planqué.
Il y a le torturé par les remords et la culpabilité. Il y a le commissaire politique.
Il y a le prisonnier du camp. Tellement prisonnier de ses propres co-détenus, de son idéologie, du chef de camp qui lui parle de leur proximité.
Il y a la femme qui marche vers la chambre à gaz.
Il y a tant d'humanité dans ce roman.
La fresque est gigantesque. Vassili vous emmène avec lui dans l'isba au milieu de la forêt, dans l'abri pilonné par l'artillerie, dans la plaine à bord d'un char qui se prépare à foncer sur Stalingrad.
Le roman fut saisi par le KGB. Trop dangereux.
Un roman avec des personnages fictifs, une menace pour l'URSS ? Oh que oui et bien plus.
Il établit avec une grande force que l'état totalitaire qui oeuvre pour le « bien » de son peuple écrase l'Homme.
Qu'il soit Communiste ou Fasciste.
Il y a quelques chapitres du côté allemand. Mais seule la consonance des noms et patronymes différencie les protagonistes.
Le discours, l'attitude sont horriblement proches.
Dans cet océan de violence, de haine, d'emprisonnent, de torture… que reste-t-il à l'humanité ?
Peut-être la bonté simple individuelle modeste pure désintéressée et d'une bien plus grande noblesse que toutes ces grandes idéologies qui broient les corps.
En conclusion ?
Sans doute une des plus grandes lectures de ma vie.
Lecture qui rejoint « le Maître et Marguerite » de Mikhaïl Boulgakov, Siddartha de Hermann Hesse.
Attention quand même
Plus de 1000 pages qui pourraient décourager (il ne faut pas).
Ce n'est pas un roman sur les mouvements de troupes de la bataille de Stalingrad. le centre du récit c'est l'être humain.
Cela parle beaucoup de l'histoire de la révolution soviétique. Ne pas connaître son histoire comme les purges et procès de 1937 serait pénalisant
Les noms Russes avec les patronymes. Parfois seul le patronyme est utilisé, parfois le diminutif.
Cela peut être difficile à suivre, parfois.
Lien : https://post-tenebras-lire.n..
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Premièrement, avant de parler de la très bonne qualité de ce roman historique, il faut se rendre compte de la chance qu'on a de pouvoir accéder à ce "témoignage". Celui-ci aurait pu coûter la vie de l'auteur, qui a eu un très grand courage pour dénoncer les dérives totalitaires qu'a connu l'URSS. La préface du livre est donc très intéressante à lire pour le coup, elle permet d'entamer le livre avec une idée plus précise du contexte.

Ce roman, confisqué dans un premier temps, puis recomposé, raconte plusieurs histoires autour de la bataille de Stalingrad. C'est la suite d'un premier livre de Vassili Grossman (que je n'ai pas encore lu) mais qui peut se lire directement.
Nous assistons au destin de plusieurs protagonistes : Soldats, chercheurs scientifiques, des généraux etc... On retrouve surtout des familles brisées, des fils et filles perdues, des parents disparus.
'La terre s'habitue à tout. La terre lui sert de lit et le ciel de couverture. Mais il y a une chose à laquelle il est impossible de s'habituer, c'est d'être séparé de ses enfants." Page 152.

Vassili Grossman nous évoque l'atrocité de la guerre, ses tragédies. Il fait des liens entre l'URSS et l'état nazi : Les camps de concentrations ; l'antisémitisme ; La censure ; Les condamnations à morts "abusives" et tant d'autres convergences.
L'URSS, se proclame à cet instant combattant du mal (contre le fascisme), mais comme le dit l'auteur dans une analyse très intéressante : le combat contre le mal pour le bien entraîne justement les pires actions. En effet, on ne se fixe plus de limites morales pour combattre le mal.

Il faut aussi souligner la qualité d'écriture de Vassili Grossman, il a une très belle plume pour détailler des situations atroces. La précision de certaines scènes (celle de Sofia Ossipovna avec l'enfant dans le camp) me reste figé dans un coin de ma tête plusieurs jours après sa lecture.
La lettre est aussi un moment fort de ce roman, il me semble d'ailleurs que l'écrivain a perdu sa mère pendant cette guerre.

Les personnages (bien que très nombreux) sont très approfondis en général. Il est intéressant de voir le parcours psychologique de certains d'entre eux (Victor Pavlovitch ; Krymov ; Lioudmila etc...). Certes, il vaut mieux être équipé d'une fiche de personnage pour s'y retrouver, c'est une lecture exigeante qui demande de la concentration.
Personnellement, je suis convaincu de l'apport de tant de personnages, ça permet d'avoir un oeil sur la situation dans l'ensemble (personnages du côté soviétique et allemand, occupants de postes de très grandes responsabilités à plus anodins, de divers âges, de diverses opinions politiques).

De mon humble avis, une lecture de cet acabit ne peut que mériter un cinq étoiles sur cinq.




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