Revenu à Rome, Raphaël se mit à l'oeuvre comme architecte du Vatican, et exécuta d'abord un modèle en bois des bâtiments qu'il voulait construire. — Il serait à souhaiter que, dans les grandes entreprises, l'architecture moderne revînt à ces sages pratiques qui peuvent seules permettre de juger l'effet réel d'une construction à l'état de projet. — Du reste, Raphaël qui avait trouvé son idéal en peinture, le cherchait encore en architecture ; il ne lui suffisait pas de plaire à ceux qui le jugeaient, il voulait encore obtenir son propre suffrage.
Quand on parle de la Bible de Raphaël, le nom de Michel-Ange vient invinciblement se présenter à l'esprit, car le Florentin, lui aussi, s'était mesuré déjà avec le texte de l'Écriture dans les voûtes de la chapelle Sixtine. Dès lors, on se demande lequel des deux fut le plus grand, et l'on est tenté de les comparer en les opposant l'un à l'autre. Mais ail est l'utilité de semblables rapprochements? Grâce à Dieu, il n'y a pas entre les hommes une unité absolue de sensations et d'organes, et rien n'est plus impressionnable et plus varié que notre goût, nos sentiments et nos passions. Comparer, c'est rapetisser par analogie.
En réalisant une telle oeuvre, Raphaël et ses disciples ont subi l'influence de la société qui les entourait, société qui resta chrétienne, bien que séduite par les voluptés entraînantes de la forme. Au point de vue de l'art surtout, la renaissance fut une réaction contre le moyen âge. Le moyen âge, qui lui-même avait été une réaction contre l'antiquité, avait poursuivi et proscrit tout ce qui dans l'art rappelait l'anthropomorphisme païen. La renaissance vint à son tour venger l'antiquité, réagir contre le laid et réhabiliter la beauté sensible.
Le peintre avait, comme architecte, quelque chose de scientifique qui préservait sa raison des écarts de l'imagination; et l'architecte, comme peintre, apportait dans l'aridité de ses travaux un souffle de poésie qui leur enlevait toute sécheresse. Par une longue pratique du dessin, les artistes s'assimilaient une science qu'ils appliquaient ensuite indifférement à la peinture, à la sculpture ou à l'architecture ; et, regardant comme identique le génie de ces trois arts, la transition de l'un à l'autre ne leur coûtait rien.
C'est que dans les beaux temps de la Grèce et de l'Italie, les arts du dessin n'étaient pas classés par spécialités, comme ils le sont aujourd'hui. On n'avait pas encore établi parmi eux cette espèce de division du travail, qui tend à les abaisser au niveau des industries. Ils étaient considérés comme complémentaires les uns des autres, et dérivaient d'un principe commun.