Il se définit comme une machine mais est « toujours bouleversé lorsqu'une inconnue se déshabille devant [lui] », qu'elle soit belle ou laide. Il s'en étonne, même : « L'humanité de cette femme me touche. Qu'elle ait eu envie de moi me rend fou ! »
Plus qu'une autobiographie, il s'agit là d'une auto-analyse lucide, crue, parfois froide et dérangeante, comme si quelqu'un voulait forcer le trait à grand renfort de factuel pour qu'on ne l'aime pas.
Ou plus simplement pour qu'on sache sans ambiguïté vers qui on s'avance, une volonté acharnée de ne pas tricher
Mais le froid factuel est parsemé de sensibilité et d'interrogations profondes très touchantes. Cet homme d'une grande intelligence suit son chemin, intègre.
Entouré, évidemment, mais seul.
Cette mise à nu sans complaisance, presque farouche, est très émouvante. J'ose avancer le terme d'offrande. Offrande, oui, car il se sait critiqué, rejeté, « c'est même l'une de [ses] attentes ».
Pourtant, c'est une quête infinie d'amour que m'évoquent ses mots autant que son obsession du nombre de femmes « baisées ». Une quête par le seul moyen qu'il connaisse, le sexe : « le sexe est mon unique mode d'expression », dit-il. Pudique en sentiments, c'est dans le sexe qu'il exprime ses demandes avec force, c'est dans le sexe qu'il semble se libérer.
Le dernier chapitre, intitulé « l'Amour ? », est particulièrement émouvant en ce qu'il expose ses failles, et, peut-être, en filigrane, ses regrets, sa peur de l'absolu que représente le sexe qu'il pratique à outrance dans le travail et qu'il reconnaît pourtant avoir « désacralisé ». Mais on ne peut pas être vraiment une machine et utiliser ce genre de termes.
On ne peut pas vraiment être une machine et dire « Je suis fasciné par la pureté qui se dégage d'une scène […], parce qu'il n'y a plus de calcul ni de ma part, ni de la personne que je filme. Je filme un instant de grâce. » ou encore « L'abandon total est une vision magnifique ».
Le sexe-travail comme une façon d'approcher l'absolu, mais de pas trop près, en refusant de se laisser happer plus que quelques minutes, quelques secondes ?
Au final, j'aimerais avoir sur moi-même la même lucidité qu'il a sur lui, j'aimerais avoir en moi ce goût de la vérité que je recherche en l'autre et que je trouve, parfois, comme ici de façon imprévue, chez quelqu'un que je n'imaginais pas
J'aimerais aussi beaucoup une actualisation de ce livre, 17 ans après sa publication. A-t-il trouvé de nouvelles réponses ? A-t-il accepté de se laisser percer par l'amour ?
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