Bizarrement d'un sujet actuel, en pleine effervescence, dans un contexte plus général d'intérêt croissant pour les liens entre théâtre et philosophie et de rencontre de méthodologies issues d'horizons divers pour analyser les faits théâtraux, variété d'approches dont témoigne ce livre.
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État de la question
Si foisonnante soit la recherche actuelle, notamment en France, autour de la marionnette, aucun ouvrage collectif n'a jusqu'alors proposé, à notre connaissance, une tentative de saisie synthétique des aspects philosophiques de la marionnette et de son théâtre. Il s'agit avec cet ouvrage de commencer à combler ce vide et de poser des jalons sur un sujet très vaste. En effet, si les liens entre théâtre et philosophie ont fait l'objet de nombreux travaux et sont aujourd'hui un terrain d'investigation très dynamique, la densité métaphorique et symbolique de la forme particulière de théâtre qu'implique la marionnette engage d'autres problématiques : en mettant à distance la présence humaine, le théâtre de marionnettes fait du questionnement sur la nature et la condition humaine ainsi que sur les frontières entre le vivant et le non vivant le centre de la représentation. Par ailleurs, les récents développements de la pensée scientifique, philosophique et anthropologique, associée aux évolutions technologiques récentes, autour des questions touchant au «post-humain», rendent nécessaire de réactiver le modèle de la marionnette aux côtés d'autres figures comme l'automate, le robot, l'avatar numérique ou le cyborg, particulièrement présents sur les scènes actuelles. On le verra largement dans ce livre, la marionnette nous aide depuis longtemps à penser ce qu'il y a en nous d'«autre» que l'humain et constitue en cela un outil précieux pour appréhender nos avatars ou prothèses contemporaines.
Parmi les travaux qui ont exploré les «scènes philosophiques de la marionnette», on peut d'abord mentionner le chapitre rassemblant des textes philosophiques sur la marionnette dans l'anthologie de Didier Plassard, Les Mains de lumière. Anthologie des écrits sur l'art de la marionnette^. Sur le plan des essais philosophiques, une analyse de textes philosophiques traitant de la marionnette ou de ses proches avatars a été menée par Claude Gaudin dans La Marionnette et son théâtre. Le «théâtre» de Kleist et sa postérité. Sont envisagés dans cet ouvrage des textes de Platon, Kleist et Artaud. D'autres approches se centrent sur l'objet marionnette en tant que pratique théâtrale dans une perspective plus phénoménologique. On pense à la réflexion visionnaire d'Henri Gouhier dans la section consacrée à «La marionnette», dans Le Théâtre et l'existence et à l'ouvrage fondateur de Steve Tillis, Toward an aesthetics of the puppet. Puppetry as a theatrical art, qui partage une approche phénoménologique de l'art des marionnettes avec l'allemand Werner Knoedgen.
D'autres travaux moins spécifiquement dédiés à la question philosophique montrent la permanence du fil philosophique associé à la marionnette. Le désormais classique livre de Bernhild Boie, L'Homme et ses simulacres, montre à quel point la figure marionnettique irrigue les questionnements du romantisme allemand sur la conscience, la place de l'homme dans le monde et la nature de l'art. Certains numéros de la revue Puck, respectivement intitulés Les Mythes de la marionnette et Humain, Non-Humain ainsi que le récent ouvrage collectif issu de la même équipe que le présent ouvrage, Marionnette, corps-frontière, proposent dans un certain nombre de contributions des approches philosophiques de la marionnette et de son théâtre.