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EAN : 9782845471085
216 pages
H & O Editions (08/04/2006)
4.33/5   3 notes
Résumé :

" La passion de la pédérastie, surtout lorsqu'elle a été contractée dans le jeune âge, abâtardit les natures les plus vigoureuses,effémine les caractères les mieux trempés et engendre la lâcheté. Elle éteint chez ceux qu'elle possède les sentiments les plus nobles, ceux du patriotisme et de la famille ; elle fait d'eux des êtres inutiles à la société. " Ainsi s'expri... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Voici un livre militant. Premier gros mot. Qui plus est, un livre d'histoire militant, même pas écrit par un historien, mais par un philosophe, c'est dire qu'il faut commencer à couler quelques noeuds. Les livres militants ont ceci de particulier qu'ils annoncent les choses dans une joyeuse pagaille. Pour s'y repérer, il suffit de compter les points d'exclamation. On leur reproche, aux livres militants, de ne pas être, et surtout de ne pas vouloir être objectifs. Alors que tout le monde sait que Jean Tulard l'est.

Bref, le voici notre beau militant, Pierre Hahn, un des fondateurs historiques du FAHR, chaînon manquant entre Arcadie - l'homosexualité de Papa comme on disait vers 68 - et les mouvements libérateurs, revendicateurs, follasses des années 70. A lu Foucault. Docteur en philo. Homosexuel. Suicidé en 1981. Mitterrand n'y est pour rien. Absolument oubliée de la cause homo, Tata Hahn.
Coucou, la revoilou. Rééditée pour transmettre à ses petites nièces reconnaissantes le fruit maladroit et exclamatif de ses recherches. Rendez-nous notre mémoire. Transmettre, revivre, il n'y a que ça.

Sur la question, celle des homos donc, on a beaucoup critiqué, parfois à juste titre, l'Ancien Régime, cette période diabolique où les aristocrates fouettaient les manants et où les curés s'engraissaient sur le dos de la populace d'une main et allumaient 2 ou 3 bûchers de l'autre. Jeter un coup d'oeil dans les livres de Didier Godard ("Le goût de Monsieur", par exemple) où l'on découvre que cet ancien régime si barbare, si ténébreux, si homophobe savait se montrer indulgent vis-à-vis des pédés. Oh, bien sûr, il y a les discours de l'Eglise, toujours très en finesse et quelques condamnations atroces, mais marginales.
On n'est que très rarement condamné à mort pour crime de sodomie sous l'ancien régime. Pour passer un séjour sur le bûcher, il faut que l'accusation soit également assortie d'autres griefs tels que : blasphème, athéisme, viol, etc. On ne condamne pas l'homosexualité, on condamne l'acte de sodomie en tant qu'il constitue un gaspillage de la semence masculine servant à procréer. La référence, c'est le personnage biblique d'Onan, condamné par Dieu parce qu'il gaspillait sa semence (d'où le mot onanisme, si vous suivez bien).
D'ailleurs, les mots homosexuel, tante, tapette, tarlouze, etc. et toutes autres joyeusetés dont on est affublé par des esprits éclairés n'existent pas. On parle de sodomite. Parfois de bougre (c'est-à-dire bulgare, c'est-à-dire hérétique). Ensuite, du moment que ces pratiques ne viennent pas mettre en péril l'ordre social (c'est le noble qui sodomise le valet ou le bourgeois, le boulanger le marmiton, l'artisan l'apprenti, etc., un peu comme chez les Grecs anciens), la société - sauf, bien entendu, l'Église... - n'y trouve rien à redire. Ou peu. Mais si. On assume mieux sa bisexualité sous Louis XIV que sous De Gaulle. Oui, les kleenex sont dans le tiroir de haut.

Il faut l'arrivée de la bourgeoisie au pouvoir, avec son dégoût du corps et ses idées égalitaires nées de la Révolution Française, pour que les choses changent. Les rapports de domination sociale qui avaient cours sous l'ancien régime étant devenus inacceptables, il n'est plus question d'enculer impunément la domesticité comme au bon vieux temps. Une autre domination s'installe, on la connaît bien, elle existe toujours, allez demander à la caissière de votre supermarché. le corps est immonde, on le cache. le discours religieux, lui, n'évolue pas. Et il se trouve, dans la seconde moitié du 19e siècle des alliées inattendues : la science et l'administration. On ne se contente plus de traquer les antiphysiques (c'est leur nouveau nom), on les recense, on les étudie. On cherche à établir des caractéristiques mentales, physiques, comportementales, on systématise. Des fois qu'on parviendrait à les éradiquer. Note : on fait la même chose avec les animaux, les Noirs, les femmes, les langues. C'est l'époque.

Cela donne deux points de vue, copieusement cités par Pierre Hahn. Celui du policier, d'abord. Un certain Carlier, chef de la police des moeurs à la Préfecture de police de Paris. Il publie en 1887 son grand oeuvre, "Les deux prostitutions". Il y établit des rapports sur les comportements de ses "clients", les classant en catégorie comme un as du marketing gribouillant des profils de consommateurs, déniche leurs lieux de rencontre, narre leurs soirées, s'intéresse à leurs moeurs, leur correspondance, leurs traits de caractère, tout cela avec des mines de dégoût et un lexique des plus aimables :
L'existence des sentiments hautains, de la fierté méprisante, qui sont le propre de cette aristocratie de vice, de ces va-nu-pieds déclassés, ressort non seulement de l'étude de leurs habitudes, mais même de leurs nombreuses correspondances.
Comment vivaient-ils les pédés de l'époque ? Cachés, draguant dans les parcs, les bordels clandestins, se rencontrant dans des pissotières, des fiacres aux fenêtres fermées, dans des soirées particulières.

Seconde voix, celle de l'expert médical, le Dr Ambroise Tardieu, médecin-chef des hôpitaux, expert auprès des tribunaux, bourgeois en diable, qui examine dans les prisons les "pervers", les "dégénérés" qui veulent bien (ou non) se soumettre à ses observations. Parmi celles-ci, rendons hommage à cet éminent praticien d'avoir su remarquer deux caractéristiques chez les pédérastes : l'anus infundibuliforme (en forme d'entonnoir) chez les passifs ; et la verge canine chez les actifs.

Chez les individus très gras, dont les masses fessières sont très prononcées, l'infundibulum manque souvent; ou du moins, formé uniquement au niveau et aux dépens du sphincter anal, il est très court et ne s'aperçoit que lorsque les fesses sont très fortement écartées, et lorsque l'on a soin d'exercer une traction assez forte sur les côtés de l'anus. Chez les individus très maigres, il peut également faire défaut, parce que le rebord intérieur des fesses étant presque nul, il n'y a pas de refoulement des parties molles, et que l'anus se trouve ou superficiellement placé, comme on le voit surtout chez les femmes très amaigries, ou au fond d'une excavation naturelle, qui n'affecte pas la disposition infundibuliforme. Celle-ci n'est jamais plus prononcée que chez les pédérastes d'un embonpoint modéré chez lesquels les fesses, un peu molles, vont en se déprimant depuis leur méplat jusqu'aux bords de l'ouverture anale, de manière à former un entonnoir à large ouverture, plus ou moins rétréci vers le fond, et que l'écartement des fesses rend facilement visible.

Ça, c'est pour le fion. Pour la bite, suivez le guide :

Quant à la forme, elle a quelque chose de beaucoup plus remarquable et vraiment caractéristique. Lorsque le membre viril est petit et grêle, il va en s'amincissant considérablement depuis la base jusqu'à l'extrémité, qui est très effilée et rappelle tout à fait le canum more. C'est là la forme la plus ordinaire, celle qui avait frappé les yeux expérimentés de cette fille publique qui, dans sa description concernant un individu qui voulait exiger qu'elle se soumit à des actes de sodomie, signalait d'elle-même au magistrat « un membre très mince, grêle, évidé par le bout. »

Ah ! il faut souffrir pour la Science :
De même, dans les cas où la disposition infundibuliforme est peu marquée ou même fait défaut, si l'on veut apprécier le relâchement du sphincter, il ne faut pas se borner à examiner du regard la conformation de l'orifice anal, où il peut exister encore un mince anneau contractile. L'introduction du doigt est nécessaire, et montre derrière cet obstacle, — dont elle permet d'apprécier le peu de résistance, — une dilatation parfois excessive de la partie inférieure du rectum. Enfin, dans d'autres cas, un seul coup d'oeil suffira pour reconnaître l'élargissement et l'incontinence du trou béant que forme l'ouverture de l'anus, souvent souillée par des matières intestinales, et dans laquelle se trouvent souvent engagés des débris solides d'excréments que le sphincter est impuissant à retenir.

On va s'arrêter là. On ne sait pas s'il faut rire en imaginant le Dr Tardieu mettre son auguste nez dans le cul ou sous le zboub de ses "patients", ou bien vomir en lisant sa prose. Oh oui, on sait, en Histoire, il ne faut pas juger une époque en fonction des critères de celle à partir de laquelle est est étudiée. le préfet Machin et le Dr Truc sont des hommes de leur temps. A quoi sert-il de les traiter de saleté d'homophobes ? Cela ne se fait pas. Allons, mon cher, reprenez-vous, allons allons, il faut savoir raison garder.

Et si ça se faisait ? Là, maintenant ? Si au lieu de dédouaner les sieurs Carlier, Tardieu et leur temps, on décidait que ces deux camplins, leur époque, leurs amis, leurs idées bourgeoises à la mords-moi, si on décidait que ce regard-là était ignoble, malsain, bon à foutre au feu ? N'a-t-on pas envie de les envoyer se faire foutre, ces flicaillons et ces Diafoirus et leurs idées rances sur le péché, les femmes, les pédés, les ouvriers, bref sur tout ce qui ne ressemble pas au gros tas de viande décoré, satisfait de lui-même, que leur reflétait chaque matin leur miroir ? Considérer leurs "opinions" avec indulgence, c'est envisager qu'elles puissent survivre et se répandre à nouveau à notre époque. Hein ? Quoi ? Non, ça ne peut plus arriver, vous avez raison.

Mais voici un témoignage émouvant, raconté par cette barrique de Carlier et qui le laisse pantois :

Le comte X..., que j'ai vu dans les salons de mon maître, m'a inspiré une véritable passion, bien qu'il n'ait rien fait pour cela, je le reconnais. N'ayant pas eu l'occasion de lui parler en particulier, j'ai dû lui écrire. Comme il n'avait pas eu la politesse de répondre à ma première lettre, je lui en ai adressé une seconde. Quel mal ai-je fait ? Faute de parler, on meurt sans confession ; je ne l'ai ni contraint ni menacé ; il est libre d'accepter ou de refuser ; de quoi a-t-il à se plaindre ? Si chaque fois qu'il a dû écrire des lettres à des dames, qu'il ne connaissait pas plus que je ne le connais, il avait été inquiété par la police, je suppose qu'il serait moins bégueule aujourd'hui ; mais c'est un compte, et je ne suis qu'un malheureux valet de chambre.
Commentaire consterné du flic : Il n'y eut pas moyen de lui faire comprendre sa folie, l'ignominie de sa conduite.

Et ce garçon de café, raflé dans les pissotières de Halles :En avouant hautement le but ded ses promenades quotidiennes et nocturnes, il ajoutait cyniquement : "Il y a bien des maisons de filles, pourquoi n'y a-t-il pas des maisons d'hommes ? Aussi longtemps que cette injustice subsistera, on exposera d'honnêtes garçons comme moi à se faire arrêter.

Les voilà, les premiers militants. Qui étaient ces types ? Au fond, on n'en sait rien. Mais quand on connaît les conditions de vie des homos de l'époque, victimes de la police, de la société bien-pensante, des maîtres chanteurs, expédiés en taule, en asile d'aliénés, on a envie de les chouchouter, ces deux-là, de leur acheter des pains au chocolat et de leur faire des bisous. Comme à Tonton Marcel, qui a toujours raison :
Race maudite puisque ce qui est pour elle l'idéal de la beauté et l'aliment du désir est aussi l'objet de la honte et la peur du châtiment, et qu'elle est obligée de vivre jusque sur les bancs du tribunal où elle vient comme accusée et devant le Christ, dans le mensonge et le parjure, puisque son désir serait en quelque sorte, si elle savait le comprendre, inadmissible, puisque n'aimant que l'homme qui n'a rien d'une femme (...) ; partie réprouvée de l'humanité, mais membre pourtant essentiel, invisible, innombrable de la famille humaine, soupçonné là où il n'est pas, étalé, indolent, impuni là où on ne le sait pas, partout, dans le peuple, dans l'armée, dans le temple ; au théâtre, au bagne, sur le trône, se déchirant et se soutenant, ne voulant pas se reconnaître, mais se reconnaissant.

Il y aura un répit, plus tard, après la Première Guerre Mondiale, pendant les Années Folles, mais on voit déjà ce que ce 19e siècle puritain, avec son organisation administrative, son utilisations de la science au service de l'ordre, son racisme scientifique, préfigure.
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