Provisoirement en congé de la police irlandaise, Pat Coyne traîne ses guêtres à Dublin. Séparé de sa femme, il vit dans un petit appartement avec son fils, Jimmy, alors que ses deux plus jeunes filles sont restées avec leur mère. Jimmy, la petite vingtaine, n'est pas franchement un fils modèle, mais pas non plus le voyou irrécupérable que l'on pourrait croire. Certes, sa mère a baissé les bras en ce qui le concerne et son père n'a plus la moindre idée de son quotidien, mais Jimmy, mine de rien, pense à 'se caser'. Il s'est trouvé un petit job d'aide-soignant dans un maison de repos et s'y plaît. Évidemment, son passé de presque loubard le rattrape parfois, comme en ce soir de beuverie où il se met en tête de piquer une camionnette sur le port. Ce qu'il ignore, c'est que ce véhicule contient une grosse somme d'argent que de dangereux passeurs d'immigrés clandestins voudront à tout prix récupérer. le lendemain de ce vol, le corps d'un indic' de Coyne est retrouvé dans le port. Touché par ce décès, ce dernier est interrogé par la police, qui recherche également le jeune Jimmy. Naturellement, Coyne se voit bien incapable de les aider.
Petites frappes, marins à bout de souffle, paumés vivant de la charité et nouveaux riches magouilleurs s'imposent comme les principaux représentants de l'humanité que recèle ce petit roman bien noir. Au milieu de cette galerie franchement pas réjouissante ne coule pas une rivière, mais bien un flot d'alcool assez constant, auquel vient régulièrement s'abreuver Pat Coyne, looser patenté, le
triste flic du titre, un type vivant dans le passé, qui ne songe qu'à une chose : récupérer sa femme. Cette dernière, bien qu'ayant définitivement tourné la page de leur histoire commune, garde néanmoins une certaine tendresse pour son ex, ce qui ne manquera pas de causer les incompréhensions que l'on peut imaginer dans ce type de situation. Étranger au monde aseptisé dans lequel il vit, Coyne attire de prime abord la sympathie. Ainsi refuse-t-il le bonheur obligatoire dans lequel semblent baigner béatement la plupart ses contemporains, tout comme il s'insurge devant le désir de sa psy (chez qui sa hiérarchie l'oblige à se rendre) de 'lui enlever sa douleur', garante selon lui de la conscience qu'il a d'être en vie. le problème de Coyne réside dans son auto-complaisance de cette position de preux chevalier blessé qui, à la longue, semble lui ôter toute volonté de réagir et de s'extraire de son marasme. Hormis quelques actions d'éclat certes drôles, l'ex-flic Coyne va se contenter de se laisser aller et, aussi minime soit-elle, l'intrigue (qui a tué son indic?, qu'est devenu Jimmy?) ne connaîtra aucun développement marquant qui puisse lui être imputé. D'antihéros flegmatique, Coyne se mue au long des 250 pages du récit en spectateur autour duquel tournent une dizaine de personnages qui n'ont que très peu de considération pour lui. L'intrigue se délitant progressivement, il faut bien avouer que l'on peine un peu à avancer dans ce pourtant court roman noir.
Hugo Hamilton, l'auteur, sauve le navire grâce à son sens évident de la formule qui tue et par le second degré constant dont il fait preuve. Plus pour la langue et la philosophie de Pat Coyne que pour l'intrigue donc.