« Héritage » ou de son titre original « les Bagages» , par une étrange coïncidence reprend le thème de ma précédente lecture « Black Cake », l'héritage à travers les générations , sauf qu'ici on n'est plus dans la pure fiction. L'écrivaine
Monika Helfer, la femme d'un de mes auteurs autrichiens de prédilection
Michael Köhlmeier, raconte ici l'histoire de sa propre grand-mère Maria, femme de paysan avec 4 enfants auxquels s'ajouteront 3 autres . La famille appelée Les Fâcheux très pauvre , vit au début du siecle dernier avec deux vaches, une chèvre, sans électricité, ni eau courante, au fin fond d'une vallée. Maria est très belle, et le mari Josef part à la guerre….. mais les soupirants ne sont jamais très loin, surtout que le mari confie sa belle femme à un prédateur déguisé en maire 😊!
Dans cette histoire où Helfer arrive à nous plonger dans la tête , le coeur et l'âme des différents personnages certains détails de l'époque concernant la famille m'ont positivement surprise et émue. La mère de l'écrivaine mourant jeune, comme la grand-mère, elle sera hébergée avec ses deux soeurs chez sa tante Kathe, une des filles de Maria, dans son appartement de trois pièces des Sud-Tyroliens où elle habite avec des pauvres. La tante héberge aussi deux de ses frères qui ont quitté leurs femmes, et cuisine pour tout ce monde. Une générosité et une hospitalité gratuite qu'on ne trouverait aujourd'hui nul part , et surtout pas en Autriche, où se passe l'histoire. Par contre trouvant le livre d'un niveau littéraire élevé, je suis restée un peu dubitative avec les répétitions d'une même histoire, comme celle de Walter, fils de Maria, et les femmes.
La prose de Helfer simple, claire, sans fioritures arrive à raconter sans pathos l'histoire des Fâcheux, la famille de la grand- mère de l'écrivaine tout autant que celle de sa mère et la sienne non moins tragique, avec moultes anecdotes touchantes. C'est aussi le destin triste d'une femme qui a survécue avec quatre enfants et sans mari, au froid , à la faim , aux prédateurs et rumeurs malsaines du village durant la première guerre mondiale et mis au monde sept enfants à trente deux ans. Une belle femme , consciente , intelligente et connaissant le désir, à une époque où la femme ne servait qu'à assouvir le désir des hommes, enfanter et faire la servante au mari ou à la famille. Une femme forte malgré son impuissance face à un monde dur , machiste. Quand à la narratrice, l'écrivaine Helfer renforce l'image ambiguë de la femme dans les années 60 en tombant amoureuse d'un homme marié et le fréquentant librement. Trois destins de femmes entremêlés, où Helfer revient comme dans Black Cake au rôle de la famille et de ses « bagages »qu'on charrie de génération en génération dans la constitution de notre propre identité. Un livre intéressant dont je recommande fortement la lecture.
« Au
Kunsthistorisches Museum de Vienne j'ai vu les Jeux d'enfants de Pieter Brueghel l'Ancien et ils étaient tous là, tous les Fâcheux, qui faisaient les fous à travers le tableau, riaient et chouinaient, se hurlaient dessus ou chuchotaient, j'étais devant et je ne pouvais m'empêcher de rire. »