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sur 3853 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Houellebecq.
Le genre d'auteur dont le nom-logo et la figure médiatique risquent d'étouffer à l'avance toute tentative de lecture proche du texte et sans préjugés. Je plaide d'ailleurs coupable, moi qui avais toujours remis à plus tard l'ouverture d'un de ses livres pour ces mêmes mauvaises raisons. Et je suis heureux de voir que la plupart des contributeurs précédents se sont justement attachés à éviter l'écueil du va-et-vient systématique entre l'homme de chair (à média) et l'homme de mots. Pour un nouveau venu comme moi sur Babelio, c'est une preuve de qualité et d'exigence de la part de mes camarades lecteurs, et donc une motivation à participer.

Alors je profiterai, lâchement, du fait que j'arrive un peu après la bataille pour vous épargner une énième répétition de l'intrigue et des thématiques principales, déjà bien résumées précédemment. Je m'étonne simplement, et c'est ce qui me pousse à écrire une nouvelle critique de "La carte et le territoire", que personne n'ait souligné ici ce qui me semble être l'objet principal de ce livre, comme d'une bonne partie de l'oeuvre de Houellebecq (celle que j'ai lue, en tout cas, c'est-à-dire "Extension du domaine de la lutte", "Les particules élémentaires" et donc ce dernier roman) : à savoir la mise en mots du vieillissement individuel et de la coupure radicale entre l'être humain et le monde, qui sont les deux facettes de la même finitude.

On peut penser que ce sont là des thèmes rebattus. Ils le sont. On peut contester à Houellebecq jusqu'à l'originalité de son intrigue principale (je pense à la critique incisive et peu développée de Peyotl du 02/10, ou à certains billets lus sur des blogs extérieurs et comparant le dernier livre de Houellebecq à celui de Coetzee, "Summertime", par exemple ; ne les ayant pas lus moi-même, je vous laisse juges). D'accord. Mais il reste, me semble-t-il, que "La carte et le territoire", en plus d'être un livre bien écrit (ce qui n'est déjà pas si mal par les temps qui courent) présente une description très précise et sensible du sentiment qui envahit, tôt ou tard, chacun d'entre nous lorsqu'il réalise, vraiment, que le temps passe. Inexorablement.

Par peur d'être trop long, je me limiterai à commenter trois éléments essentiels du livre, qui ne sont évidemment pas exhaustifs et que je choisis en toute subjectivité (puisqu'on ne peut pas faire autrement).

Tout d'abord, le rapport qui donne son titre à l'oeuvre entre la « carte » et le « territoire ». Houellebecq parvient à renouveler en partie un topos de la littérature et de la pensée, récurrent et déjà analysé ici : la relation qui existe entre la réalité et la fiction, entre l'objet et sa représentation. Entre l'être et la pensée. Depuis Borges et sa réflexion par l'absurde sur une carte d'échelle 1 :1, si parfaite qu'elle recouvre entièrement et point par point le territoire qu'elle devrait représenter (voir « de la rigueur de la science », dans son "Histoire universelle de l'infamie", très court texte qui possède bien des points de rapprochement possible avec le livre de Houellebecq), je n'avais pas lu, pour ma part, de récit plus captivant sur la question (mais j'ai sans doute trop peu lu). En créant un personnage de littérature qui est un peintre décidant un jour de photographier la France à travers des cartes routières, Houellebecq fait même de Jed Martin une sorte de condensé littéraire de l'artifice et de mise en abyme de la représentation.

Le rapport de Jed avec son père, par ailleurs. Une des trois relations « impossibles » du livre (avec l'amour impossible entre Olga et Jed et l'amitié impossible entre Houellebecq et Jed), et pourtant celle qui se rapproche le plus du contact effectivement établi entre deux êtres, peut-être justement parce que c'est la seule qui, contre vents et marées, « vieillit » avec eux et dure vraiment. A mon sens, un des passages du livre les mieux réussis est celui où le père de Jed consent à venir passer le réveillon chez lui. Outre la discussion, pour la première fois longue et tendue, qu'ont le père et le fils, j'ai été particulièrement ému (oui, ému, parce que Houellebecq quoi qu'on en dise, c'est d'abord une écriture de la tendresse, inaccessible certes, mais toujours là), par le passage où son père lui demande une cigarette :

« J'ai envie de fumer une cigarette…dit-il. Tu en as ?
– Je ne fume pas. » Jed se leva d'un bond. « Mais je peux y aller. Je connais un tabac place d'Italie ouvert tard le soir. Et puis…il consulta sa montre avec incrédulité, il n'est que huit heures.
– Même le soir de Noël, tu crois qu'ils sont ouverts ?
– Je peux essayer. »
Il enfila son manteau. En sortant, il fut giflé par une violente bourrasque ; des flocons de neige tourbillonnaient dans l'atmosphère glaciale, il devait faire dix degrés en dessous de zéro. Place d'Italie, le bar-tabac était en train de fermer. le patron revint en maugréant derrière son comptoir.
« Qu'est-ce que ce sera ?
– Des cigarettes.
– Quelle marque ?
– Je ne sais pas. Des bonnes cigarettes. »
L'autre lui jeta un regard excédé. « Des Dunhill ! Des Dunhill et des Gitanes ! Et un briquet !... » (p. 216-217).

La fin du livre, enfin. Végétale. On retrouve les mêmes thèmes que dans "Extension du domaine de la lutte", où le narrateur termine sa course en forêt (sans que la "fusion sublime" n'ait eu lieu), et "Les particules élémentaires", où un autre narrateur, d'une espèce plus évoluée que la nôtre, nous rend un hommage posthume pour avoir su, finalement, nous autodétruire. Les « représentations des êtres humains », c'est-à-dire les êtres humaines en tant que tels, qui ne sommes pour nous-mêmes que représentations éphémères, « se délitent sous l'effet des intempéries, puis se décomposent et partent en lambeaux [...] le triomphe de la végétation est total » (p. 428).

Voilà ce qui nous attend et voilà ce qu'écrit Houellebecq, en bon auteur d'anticipation (au sens littéraire du mot ; de science fiction, quoi). Et voilà pourquoi ce livre est « sympathique », au sens étymologique du mot, cette fois-ci : il nous permet de souffrir ensemble.


Lien : http://doyoubnf.over-blog.com/
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Première découverte pour moi de Houellebecq. Je débute ma lecture sans a priori. Je ne sais quasiment rien de l'auteur si ce n'est le brouhaha des polémiques souvent associées à son nom.
Je dirais que ce roman ne respire franchement pas la gaieté, la joie de vivre, ce serai même plutôt l'inverse. Cela ne m'étonnerait pas qu'une âme en attente d'incarnation après la lecture de ce livre préférât rester sous la couette : Les protagonistes sont désabusés, dépressifs, vivent dans une solitude ramassée, pleinement assumée. Les émotions , quand elles sont exprimées, restent contenues.
Pourtant, je ne me suis pas ennuyée et j'ajouterai même que j'ai trouvé un réel intérêt dans cette découverte de l'univers du marché de l'art et de la création artistique.
Qu'en est-il de l'art aujourd'hui ? Qu'est-ce que les artistes ont à nous dire du monde contemporain ?
La démarche artistique de Jed Martin se consacre à une représentation critique et « sociale »du monde. « Pourquoi l'homme travaille-t-il ? qu'est ce qui fait qu'il occupe une place déterminée dans l'organisation sociale qu'il accepte de s'y tenir, et d'accomplir sa tâche ? »
Jed procède tel un ethnologue. Très méthodiquement, il répertorie sous forme de milliers de clichés les objets industriels. Par la peinture il figure les hommes, les anonymes d'abord au travers de leurs métiers puis des personnalités dans des toiles aux titres factuels, telles que « Bill Gates et Steve Jobs s'entretenant du futur de l'informatique » ou bien « Damien Hirst et Jeff Koons se partageant le marché de l'art ».
Enfin un minutieux travail photographique autour des cartes Michelin va l'amener à contacter Houellebecq l'écrivain, personnage à part entière où comment l'auteur se met lui-même en scène.
Le marché de l'art est un marché spéculatif dans lequel les hommes d'affaires fortunés placent allègrement des millions. Houellebecq (l'auteur) nous livre une vision du monde désenchantée : la perte de foi dans le progrès technique, économique et social,l'effritement total de la famille.
C'est sombre, cinglant, provocateur.
Petite éclaircie réchappée de ce sombre tableau :
« Des nuages oscillant entre le pourpre et l'écarlate affectaient des formes déchiquetées, étranges, en direction du couchant. Il était impossible ce soir-là de nier une certaine beauté du monde ».
Ouf ! … il reste quand même un espoir…

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Jed Martin a traversé sa vie sans rien toucher : ses rapports familiaux sont réduits aux dîners de fête obligatoires, il laisse l'amour de sa vie sortir de sa vie sans bouger un petit doigt pour la retenir, son travail d'artiste le rend riche un peu par accident. Mais rien ne peut le sortir de son rythme de vie tranquille, éloignée de tout ce qui ressemble de près ou de loin à une passion. Seule sa rencontre avec l'écrivain Houellebecq semble l'agiter un peu, mais seulement pour un court moment.

Houellebecq semble se faire plaisir avec ce roman : dans une France qui a abandonné toute prétention industrielle pour se consacrer au tourisme de terroir, il place des personnalités inattendues (Beigbeder, Jean-Pierre Pernault, ...) sur le devant de la scène. Il n'hésite pas à se caricaturer lui-même, se décrivant comme un écrivain pathétique, dépressif et alcoolique.

On reste pourtant sur sa faim. Certes, il prend le contre-pied des critiques, rend leur travail un peu vain (comment attaquer quelqu'un qui se caricature aussi sévèrement lui-même ?). Mais si ses thèmes de prédilection restent présents en filigrane, l'écriture est fade et manque de force. Mon premier roman de Houellebecq était « La possibilité d'une île », qui avait été un sacré coup de poing. Je ne retrouve cette sensation dans aucun de ses autres romans, à mon grand regret.
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« La carte et le territoire » de Michel Houellebecq propose un certain de nombre de réflexions de nature socio-culturelle.
Houellebecq nous offre une réflexion intéressante sur le milieu médiatique et le monde des célébrités. Il brosse le portrait, tantôt doux ou amer, de personnalités connues, issues du petit écran tels que Jean-Pierre Pernod, Julien Lepers, Claire Chazal, ou du milieu germanopratin littéraire parisien, avec des figures très médiatisées comme Beigbeider, à travers les rencontres que son personnage principal, Jed Martin, est amené à faire. Il se met d'ailleurs volontairement en scène lui-même, à la manière d'un « roman dans le roman », dans une veine d'autofiction. Ce Houellebecq romancé est présenté comme un personnage enlaidi, solitaire et désenchanté ; des thèmes, certes classiques chez l'auteur, mais en opposition à l'imaginaire collectif de l'auteur à succès. On est loin des normes imposées par l'esthétique du monde médiatique. de même, le personnage principal de Jed Martin accède lui aussi au succès et au monde médiatique, mais avec un certain désabusement. La présence de tous ces personnages médiatiques – la fiction flirte ici étroitement avec le réel – est là pour rendre compte de la surenchère capitaliste, thème cher à Houellebecq. Jed Martin, de par son succès, intègre un monde où l'avenir de l'artiste est étroitement lié à celui des médias et de la mécanique promotionnelle.
Cette critique du milieu médiatique passe en outre par une réflexion sur l'art contemporain, l'un des thèmes majeurs de ce roman. le personnage principal, Jed Martin, va connaître un succès qui le dépasse. Ce dernier, qui conçoit l'art comme une activité créatrice et désintéressé, va voir ses tableaux se transformer en de banals objets de consommation et se confronter à la valeur marchande de ceux-ci. D'une initiative singulière mais pour le moins simple – la réalisation de clichés photographiques sur la France vue par ses axes routiers – son entreprise créative sera récupéré par le grand corporatisme – incarné par Michelin – qui la transformera en une activité lucrative pour ses propres besoins.
Le roman nous propose également une perspective intéressante de l'exode rural à travers la carte routière Michelin. C'est grâce à cette dernière que la révélation se produit chez Jed Martin. « La carte est plus intéressante que le territoire » , annonce d'emblée le titre de l'exposition. Houellebecq nous décrit ainsi l'émoi du personnage devant la carte :
« Jamais il n'avait contemplé d'objet aussi magnifique, aussi riche d'émotion et de sens, que cette carte Michelin au 1/150 000 de la Creuse, Haute-Vienne. L'essence de la modernité, de l'appréhension scientifique et technique du monde, s'y trouvait mêlée avec l'essence de la vie animale. le dessin était complexe et beau, d'une clarté absolue, n'utilisant qu'un code restreint de couleurs. Mais dans chacun des hameaux, des villages, représentés suivant leur importance, on sentait la palpitation, l'appel, de dizaines de vies humaines, de dizaines ou de centaines d'âmes – les unes promises à la damnation, les autres à la vie éternelle » .
Le rapport qu'entretient le personnage principal à la géographie permet une forme de résurrection de la France rurale. le succès de cette exposition s'explique par la « soif d'écologie, d'authenticité, de vraies valeurs » dont le public a besoin, incarné par un Jean-Pierre Pernaud, selon Houellebecq. C'est la fascination romantique de l'urbain par rapport au monde rural, une image picturale de la France à la Marcel Pagnol. « La campagne était redevenue tendance » , nous explique l'auteur. D'ailleurs, le personnage principal emmène sa petite amie russe dans un week-end de découverte dans le Massif central. le voyage se transforme en une sorte de prospectus pour Belles demeures avec la mise en exergue de la gastronomie française, car la jeune femme refuse de manger des plats de type fusion ; il lui faut de la cuisine française « authentique ». On est ici très loin du documentaire d'un Depardon, car il s'agit de sublimer ce monde rural à la manière d'une carte postale, pour souligner toute la nouvelle fascination de l'urbain pour le rural, ironie suprême tandis que l'on s'éloigne de l'image populaire du « plouc ». La tentative de rapprochement de Jed Martin dans le milieu paysan de par ses origines, se révèle complexe d'ailleurs. le personnage avoue qu'il craint de ne plus être le bienvenu en rentrant dans la catégorie des héritiers sans mérite. Il aurait en quelque sorte déjà perdu ses terres aux yeux des ruraux.
« Je veux simplement rendre compte du monde » , déclare le personnage principal lors d'un entretien avec une journaliste. Ces propos ne résument-ils pas la position de Houellebecq, l'auteur ? A travers Jed Martin et le Houellebecq de fiction, n'est-ce pas toujours Houellebecq qui s'exprime dans un roman mêlant fiction et autofiction ? D'ailleurs, le houellebecq de la fiction ne dit –il pas en parlant de Jed Martin : « le regard que Jed Martin porte sur la société de son temps […] est celui d'un ethnologue bien plus que d'un commentateur politique » ? Enfin, si l'on veut percer le mystère du titre de ce livre, ne faut-il pas y voir le rapport de la réalité à la représentation que s'en font les hommes (carte vs territoire) ?

Pourtant, malgré toutes ces réflexions intéressantes, qui valurent le Goncourt à Houellebecq, on est, me semble-t-il, bien loin de la veine des "Particules élémentaires", roman plus grinçant, plus authentique, et moins consensuel.
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Recette à scandale : un écrivain sulfureux, une vision de l'art trop réaliste, un name-dropping sans délicatesse?
Et vous obtiendrez : un prétendu prétendant à la présumée plus haute récompense littéraire française, le Goncourt.
Alors, au-delà des vitupérations des bien-pensant, je dirai que je suis déçue. J'avais tant aimé le Houellebecq d'Extension du domaine de la lutte. Ici, je suis choquée par la fadeur. le style est travaillé, la construction orchestrale (avec une troisième partie empruntant au polar), mais la mise en scène d'un alter-ego à peine masqué (MH lui-même) est de trop.
On connait sa misanthropie. On sourit devant ses attaques du monde de la presse, sa défense contre la jalousie (ex)acerb(é)e qu'il génère.
Sa vision de la société, que tous les critiques portent aujourd'hui aux nues alors qu'ils la décriaient il y a quelques années, a toujours cette acuité.
Mais c'est comme s'il manquait quelque chose. Ce petit rien qui faisait de quelques lignes une claque en pleine gueule. Peut-être parce que j'ai grandi? Parce qu'il s'est assagi?
Je ne pourrai pas trancher : mais quand même, pas le Goncourt...
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A sa sortie, j'avais lu et détesté Les particules élémentaires. Le battage médiatique autour de son dernier roman Sérotonine m'a incité à réessayer cet auteur. De l'avis de mes amis lecteurs qui l'adorent (et il y en a beaucoup), La carte et le territoire était le plus abordable.
Me voilà donc repartie dans une nouvelle aventure houellebecquienne….et bien non, à nouveau non, la mayonnaise n'a pas pris.
Le livre nous plonge dans le milieu de l'art et des médias. Jed MARTIN le héros, est un jeune artiste qui va connaître un succès foudroyant dès sa première exposition de photographies de cartes Michelin. Il rencontre une jeune femme russe mais va passer à côté de cette histoire d'amour. Il n'a pas d'amis et n'a pas beaucoup d'intérêt pour la vie.
Si j'ai lu ce roman sans déplaisir, j'ai ressenti souvent des agacements :
La mise en scène de l'auteur, devenu un des principaux personnages du roman, est certes du second degré mais je n'ai pas trouvé beaucoup d'intérêt à ce portrait d'écrivain pitoyable, ivrogne et asocial qui va finir dans un fait divers bien glauque.
J'ai trouvé que le roman, découpé en trois parties et un épilogue, n'était pas très équilibré. Pourquoi cette enquête policière en troisième partie qui me semble décalée avec les deux premières ? Et comme dans les particules, l'épilogue futuriste m'a semblé plus grand guignol que visionnaire….
Et puis cette manie de l'auteur de décliner des descriptions type Wikipédia au milieu de son récit m'a agacée. Exemple, le commissaire a un bichon et nous voilà partis pour 2 pages sur cette race de chiens et je pourrais multiplier les exemples.
Comme dans les particules, j'ai trouvé les personnages désincarnés et d'une tristesse terrible. Au final, il se dégage de ses livres une froideur malsaine qui me dérange.
Deuxième et je le crains, dernière expérience de cet auteur en ce qui me concerne. Ce n'est manifestement pas ma littérature, dommage.
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A quoi tient un prix littéraire ? Depuis quelques années, beaucoup se demandaient quand le Goncourt allait consacrer Houellebecq, vanté comme un des plus grands de sa génération.

J'avais moi-même lu deux des ses précédents romans (Les Particules Elementaires et Extension du domaine de la lutte). Je me souviens de deux sentiments contradictoires : une écriture à laquelle on ne pouvait rester indifférent, qui respirait en effet le talent, mais des idées développées glauques, parfois inutilement provocatrices. J'étais donc ressorti mitigé, ne pouvant qu'apprécier l'écrivain mais ayant du mal à comprendre le sens de l'oeuvre.

Qu'en est-il après la lecture de ce Goncourt ? C'est un peu l'inverse: j'ai trouvé l'oeuvre plus intéressante, ai pris plus de plaisir à la lecture et à la découverte de l'histoire.... mais ai eu l'impression de retrouver moins de style, un peu plus de tournures convenues. Il y a quelques trouvailles mais l'ensemble m'a semble moins impressionnant.

Nous présenter un roman moins trash, plus consensuel, était-ce le prix à payer pour le prix ? Et le style a-t-il suivi la pente du formatage de la pensée que se serait imposée Houellebecq. Ce n'est qu'une hypothèse, qu'un ressenti en fermant le livre.
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Après la bataille...
Une critique qui arrive après tant d'autres et qui n'a pour but que d'exprimer une vive perplexité quant à ce livre et la place prise par Houellebecq en général dans notre paysage littéraire...
J'ai lu le livre en entier sans trop de déplaisir, mais sans plaisir particulier non plus. Pour rester dans la littérature sociologisante, on se situe à mi-chemin entre Aurélien Bellanger (vous avez lu ? Ah oui j'en vois certains qui baissent les yeux, on s'est compris !) et Nicolas Mathieu.
Pour moi, ce Houellebecq, moins "trash" que d'autres si l'on veut ne m'a pas paru d'un grand intérêt. Cela m'a rappelé en moins dépaysant Bret Eston Ellis...
Pour les thématiques contemporaines, pas inintéressant donc, mais pas bouleversant, par contre reste pour moi le mystère d'un écrivain devenu mythe dont le style ne m'a jamais frappé, ni intéressé...Je ne saurais pas trop quelles phrases choisir quand chez certains écrivains il y a pléthore.
Un mystère auquel je n'ai pas accès. Et pire, qui ne me tente pas.
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C'est le deuxième ouvrage de Michel Houellebecq que je lis, paru en 2010. Un roman d'anticipation qui a reçu le prix Goncourt, sans doute car il est – disent les critiques – plutôt plus "modéré" que ses précédents romans. Il figure même au programme de la classe de Première … Difficile, dans ces conditions, de produire une critique, mais je vais m'y essayer.
Son titre me rappelle un souvenir datant de 1988. Je venais d'intégrer une nouvelle entreprise et j'y entendais une sorte de mantra, déclinée par les commerciaux venant de suivre un stage de formation à la PNL (programmation neurolinguistique): « La carte n'est pas le territoire ». Je n'avais pas bien saisi. En gros, cela signifie qu'il faut distinguer la perception que chacun de nous a de son environnement et la réalité, qui peut être très différente. Ici, l'auteur proclame en revanche que « La carte est plus intéressante que le territoire. »
Chez Houellebecq, d'abord et avant tout, il y a le style : clair, drôle, décapant, cruel mais tellement fluide … des personnages bien brossés, des décors clairement définis, des histoires originales, des chapitres courts qui s'enchaînent logiquement, une page après l'autre. Et surtout, parlant d'art pictural, il parvient à nous faire "voir" les oeuvres du peintre dont il retrace la vie.
Le héros est un artiste peintre, fils d'un architecte qui a réussi – au sens économique - sa carrière mais raté sa vie. Jed Martin a étudié aux Beaux-Arts, il travaille essentiellement la photographie, puis il aura une seconde période de retour à la peinture figurative de « scènes de genre », puis de portraits de professionnels.
Je me souviens aussi d'une très belle collection de "Portraits de français" en noir et blanc commandés dans les années 80 par la mission photographique de la DATAR … Et puis il a une idée de génie : il photographie des cartes routières, des cartes Michelin, naturellement … Il a un succès fou : l'art moderne rencontre de ces foucades … Il prépare sa première exposition. On lui suggère de faire appel à un écrivain célèbre pour le texte du catalogue … A lui de persuader Michel Houellebecq de rédiger ce texte.
Le second personnage du roman est donc l'auteur lui-même. Mis en scène et en abyme sans aucune complaisance par lui-même, il connaît bien son sujet, dont il fait un pathétique autoportrait hyperréaliste, à la manière d'un tableau de Lucian Freud.
L'histoire nous promène dans le milieu de l'art et de la télévision, dans une suite de portraits-charge de personnages réels qui font de la figuration intelligente et déjantée : l'éditrice Térésa Crémisi, Frédéric Begbeder, Jean-Pierre Pernaut, Patrick le Lay, Julien Lepers … Tous paraissent creux, sans âme, au bout du rouleau, évoluant dans des paysages et une société qui se délitent. C'est la patte de l'artiste Houellebecq. Mais, c'est égal, il nous en apprend beaucoup sur la qualité relative des automobiles Mercedes et Audi, la vie et la carrière de William Morris, penseur proche des peintres préraphaélites, l'origine des chiens bichons introduits à la cour de François 1er, la description des fonctions des commissaires de police … On ne s'ennuie jamais.
Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
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Je viens de finir "la carte et le territoire".

C'était mon premier Houellebecq : avant j'avais pas osé me lancer, étant restée à la première impression de l'image médiatique de Houellebecq.
Et bien bonne surprise! Bon ce n'est pas ce que je qualifierai de chef d'oeuvre, mais lecture agréable. ce roman est loin d'être sulfureux et à des années lumière du personnage que l'on voit dans les médias.
L'histoire? celle d'un artiste parisien de ses débuts jusqu'à sa mort (là effectivement un peu trash).
On peut ne pas aimer la mise en scène de l'auteur par l'auteur : mais prise au second degré, je me suis surprise à sourire... car le portrait est peu flatteur ( alcoolique, gros fumeur, silencieux, a-social....).
Il insère des éléments totalement inventés concernant des personnages vivants : par exemple l'homosexualité de Jean-Pierre Pernaud. Ici aussi, cela m'a plutôt fait sourire.... n'y voyons que le délire de l'artiste Wink
En fait dans ce livre tout ramène au médiatique : je suis assez d'accord sur ce point avec la "critique" de mon ancienne libraire ( http://leslivresdegeorgesandetmoi.wordpress.com/2010/10/06/la-carte-et-le-territoire-michel-houellebecq/)

Je connais très bien deux lieux très importants du livre : ceci a contribué à ce mélange de réalité-fiction, qui est la patte de Houellebecq, ici du moins puisque je n'ai pas lu les autres romans. Ou est le vrai du faux? Ou commence et s'arrête la fiction? Quelles sont les limites du roman?

Par contre, ce qui m'énerve chez Houellebecq ce sont les digressions : elles sont pénibles et n'apportent rien... si ce n'est d'alourdir le récit ; ceci est dommage car son style est léger et agréable.
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