Dans cette quasi-intégrale des
poésies de
Houellebecq, on s'amuse, on vibre, on est parfois un peu choqué par certains propos, mais elle ne laisse pas indifférent. Naviguant dans les eaux troubles de ses expériences personnelles, ses observations de l'humanité et de ce qui l'entoure au quotidien, l'auteur nous jette sa poésie au visage avec désinvolture, comme pour mieux marquer son territoire littéraire. Tout est décortiqué, passé à la moulinette, rieuse, mais le plus souvent sarcastique. A l'instar d'un Céline,
Houellebecq semble dégoûté du monde, s'enfermant dans sa bulle poétique pour cracher ses vers à l'humour noir féroce avant d'exploser tel un anarchiste de droite revigoré par un goût inné de la provocation. Misanthrope, misogyne, sa poésie est avant tout la sienne, contre-pied d'une époque où l'on voudrait faire dire aux poètes ce qui est bon pour eux et la société. L'auteur en a cure, désolé pour les penseurs mainstream et les progressistes d'opérettes.
Houellebecq est un conservateur éclairé, au look clochard céleste très éloigné du dandysme baudelairien, mais allant sur les mêmes rivages que son glorieux ainé en analysant subtilement la société moderne libérale matérialiste pour mieux la dénoncer. Cependant, l'auteur avec mélancolie sait aussi évoquer l'amour avec gravité, les moments de petits bonheur furtifs contrastant avec ses vers au ton souvent désabusé, voir fataliste. Si
Houellebecq aime s'insurger sur la forme et le fond de notre société, c'est qu'il pressent les choses à venir, jouant les oiseaux de mauvaise augure, rejoignant par cela le théâtre de l'absurde d'un
Ionesco, seul un dernier espoir métaphysique, en racontant des minuscules riens, comme les objets à la manière d'un
Francis Ponge l'empêche peut-être de sombrer et de ne plus angoisser.